Quelques semaines avant le premier tour de l’élection présidentielle de 2017, Naruna Kaplan de Macedo a décidé de poser sa caméra dans un coin de la rédaction de Mediapart pour scruter ce moment de vie si particulier à l’intérieur d’une rédaction également assez particulière….
« Fin 2015, dans le moment de grande confusion politique qui a suivi les attentats, et sachant qu’il restait peu de temps avant les élections présidentielles qui semblaient déjà annoncer un moment politique important, j’ai demandé à ces journalistes de venir filmer la rédaction, leur travail au quotidien. » précise t-elle sur le blog de Mediapart.
La démarche de Naruna Kaplan de Macedo
Abonnée de la première heure à Mediapart, la réalisatrice s’est faite discrète afin d’épier les moindres pans de vie du journal en ligne. C’est sur l’interminable affaire Baupin que la réalisatrice a choisi d’ouvrir son documentaire, à quelques mois du lancement officiel de la campagne présidentielle dans tous les médias. On aperçoit déjà les interrogations et les crispations poindre au sein de la rédaction de Mediapart à l’approche d’une élection dont l’issue s’avère terriblement indécise. À l’écoute des témoignages recueillis, tout le monde semble avoir conscience de l’investissement qui sera demandé autour de cette élection présidentielle. Une charge de travail de grande ampleur émanant d’un moment soumis à l’agenda politique au grand dam de François Bonnet.
La trame du film
Dans le film, on se retrouve assez régulièrement autour de la traditionnelle conférence de rédaction du lundi animée par François Bonnet, comme pour chapitrer astucieusement le récit. À l’époque directeur éditorial de Mediapart, François Bonnet déploie son énergie à mobiliser ses troupes sur des thématiques importantes de la campagne tout en essayant de garder un axe important sur le travail d’enquête, âme du journal. Quelques personnalités émergent du film, notamment Lenaïg Bredoux que l’on retrouve en questionnement perpétuel sur le sens de la démocratie française et de l’utilité du vote lors des élections présidentielles. Un sentiment que rejoint Christophe Gueugneau, même pas inscrit sur les listes électorales. Des témoignages assez édifiants et faisant merveilleusement écho au mouvement des gilets jaunes. Ellen Salvi, par son audace et sa ténacité, marque également le documentaire. Elle se démarque aisément tout au long de la projection par quelques réflexions et moments de sarcasmes bien placés.
Le film rend aussi compte des longs débats internes à Mediapart, autour des différents traitements proposés de l’élection présidentielle notamment sur les questions à poser aux candidats et les éléments à ressortir en priorité par le journal. La scène où l’on aperçoit Faïza Zerouala et Fabrice Arfi s’opposant à François Bonnet sur la position adoptée par Jean-Luc Mélénchon après le premier tour illustre parfaitement ces échanges et ces désaccords.
Bref, un récit qui rend à la fois compte d’une masse d’éléments concrets sur le travail de Mediapart mais aussi de moments de vie en groupe, axés sur de fortes personnalités permettant de faire respirer le film. Le meilleur exemple est sans doute l’émotion gagnant le cofondateur de Mediapart Edwy Plenel face à la caméra lors de l’annonce des résultats du second tour. Des larmes spontanées d’un homme sonné par le sort de cette présidentielle et captées par la caméra de Naruna Kaplan de Macedo.
Débat avec Stéphane Alliès
À la suite de cette projection, Le Concorde nous a permis de rencontrer le directeur éditorial de Mediapart Stéphane Alliès afin de commenter ces images inédites à l’intérieur de la rédaction. L’occasion également d’échanger quelques mots sur l’état de la presse et le bouleversement du travail d’enquête à l’heure du numérique. Les interrogations fusent sur le travail de Mediapart dans une soirée au ton léger, où l’on ironise rapidement sur le nombre de cigarettes fumées par les employés du journal. La discussion s’achève tard dans la soirée à l’extérieur du cinéma, autour d’un moment convivial partagé entre les spectateurs et un Stéphane Alliès très ouvert à la discussion apportant un point de vue intéressant sur une presse sclérosée de mille maux.