7 mars 2019

Depuis Mediapart : portrait d’une rédaction pendant les présidentielles

Vendredi 1er Mars, Le cinéma yonnais "Le Concorde" a mis à l'affiche le film de la réalisatrice Naruna Kaplan De Macedo. La cinéaste française s'était rendue caméra au poing dans la rédaction de Médiapart pour filmer les coulisses du journal lors de l'éléction présidentielle de 2017. Une projection qui s'est déroulée en présence du journaliste de Mediapart Stéphane Alliès.

Depuis Mediapart : portrait d’une rédaction pendant les présidentielles

07 Mar 2019

Vendredi 1er Mars, Le cinéma yonnais "Le Concorde" a mis à l'affiche le film de la réalisatrice Naruna Kaplan De Macedo. La cinéaste française s'était rendue caméra au poing dans la rédaction de Médiapart pour filmer les coulisses du journal lors de l'éléction présidentielle de 2017. Une projection qui s'est déroulée en présence du journaliste de Mediapart Stéphane Alliès.

Quelques semaines avant le premier tour de l’élection présidentielle de 2017, Naruna Kaplan de Macedo a décidé de poser sa caméra dans un coin de la rédaction de Mediapart pour scruter ce moment de vie si particulier à l’intérieur d’une rédaction également assez particulière….

« Fin 2015, dans le moment de grande confusion politique qui a suivi les attentats, et sachant qu’il restait peu de temps avant les élections présidentielles qui semblaient déjà annoncer un moment politique important, j’ai demandé à ces journalistes de venir filmer la rédaction, leur travail au quotidien. » précise t-elle sur le blog de Mediapart.

La démarche de Naruna Kaplan de Macedo

Abonnée de la première heure à Mediapart, la réalisatrice s’est faite discrète afin d’épier les moindres pans de vie du journal en ligne. C’est sur l’interminable affaire Baupin que la réalisatrice a choisi d’ouvrir son documentaire, à quelques mois du lancement officiel de la campagne présidentielle dans tous les médias. On aperçoit déjà les interrogations et les crispations poindre au sein de la rédaction de Mediapart à l’approche d’une élection dont l’issue s’avère terriblement indécise. À l’écoute des témoignages recueillis, tout le monde semble avoir conscience de l’investissement qui sera demandé autour de cette élection présidentielle. Une charge de travail de grande ampleur émanant d’un moment soumis à l’agenda politique au grand dam de François Bonnet.

Affiche du film de Naruna Kaplan de Macedo

  La trame du film

Dans le film, on se retrouve assez régulièrement autour de la traditionnelle conférence de rédaction du lundi animée par François Bonnet, comme pour chapitrer astucieusement le récit. À l’époque directeur éditorial de Mediapart, François Bonnet déploie son énergie à mobiliser ses troupes sur des thématiques importantes de la campagne tout en essayant de garder un axe important sur le travail d’enquête, âme du journal. Quelques personnalités émergent du film, notamment Lenaïg Bredoux que l’on retrouve en questionnement perpétuel sur le sens de la démocratie française et de l’utilité du vote lors des élections présidentielles. Un sentiment que rejoint Christophe Gueugneau, même pas inscrit sur les listes électorales. Des témoignages assez édifiants et faisant merveilleusement écho au mouvement des gilets jaunes. Ellen Salvi, par son audace et sa ténacité, marque également le documentaire. Elle se démarque aisément tout au long de la projection par quelques réflexions et moments de sarcasmes bien placés.

Le film rend aussi compte des longs débats internes à Mediapart, autour des différents traitements proposés de l’élection présidentielle notamment sur les questions à poser aux candidats et les éléments à ressortir en priorité par le journal. La scène où l’on aperçoit Faïza Zerouala et Fabrice Arfi s’opposant à François Bonnet sur la position adoptée par Jean-Luc Mélénchon après le premier tour illustre parfaitement ces échanges et ces désaccords.

Bref, un récit qui rend à la fois compte d’une masse d’éléments concrets sur le travail de Mediapart mais aussi de moments de vie en groupe, axés sur de fortes personnalités permettant de faire respirer le film. Le meilleur exemple est sans doute l’émotion gagnant le cofondateur de Mediapart Edwy Plenel face à la caméra lors de l’annonce des résultats du second tour. Des larmes spontanées d’un homme sonné par le sort de cette présidentielle et captées par la caméra de Naruna Kaplan de Macedo.

Photo prise par Raphaël Labbé en ligne sur Flickr.

Débat avec Stéphane Alliès

À la suite de cette projection, Le Concorde nous a permis de rencontrer le directeur éditorial de Mediapart Stéphane Alliès afin de commenter ces images inédites à l’intérieur de la rédaction. L’occasion également d’échanger quelques mots sur l’état de la presse et le bouleversement du travail d’enquête à l’heure du numérique. Les interrogations fusent sur le travail de Mediapart dans une soirée au ton léger, où l’on ironise rapidement sur le nombre de cigarettes fumées par les employés du journal. La discussion s’achève tard dans la soirée à l’extérieur du cinéma, autour d’un moment convivial partagé entre les spectateurs et un Stéphane Alliès très ouvert à la discussion apportant un point de vue intéressant sur une presse sclérosée de mille maux.

 

 

Animal journalistique curieux en service civique pour Fragil, je me passionne pour l’actualité du microcosme nantais afin d'en épier les nuances loin du manichéisme.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017