12 juin 2024

Des groupes scolaires renoncent à visiter « Restitution, Archives et Mémoires Queer »

Mois des fiertés. Jusqu’au 23 juin, l’exposition de l'association Le Lac à l’Épaule, « Restitution, Archives et Mémoires Queer », soutenue par la Ville de Nantes, devait recevoir quatre groupes scolaires. Finalement, toutes les médiations ont été annulées par les établissements.

Des groupes scolaires renoncent à visiter « Restitution, Archives et Mémoires Queer »

12 Juin 2024

Mois des fiertés. Jusqu’au 23 juin, l’exposition de l'association Le Lac à l’Épaule, « Restitution, Archives et Mémoires Queer », soutenue par la Ville de Nantes, devait recevoir quatre groupes scolaires. Finalement, toutes les médiations ont été annulées par les établissements.

Dans le contexte du mois des fiertés, l’exposition « Restitution, Archives et Mémoires Queer », soutenue par la Ville de Nantes est organisé au sein de la galerie l’Atelier. Crée par l’association, ce fruit de la « mise en dialogue des étudiant·es des Beaux-arts de Nantes et de Nantes Université avec des artistes professionnel·les, principalement basé·es à Nantes » devait accueillir quatre groupes scolaires, dans le cadre du parcours d’éducation artistique et culturelle (PEAC) proposé par la Ville de Nantes, qui se sont finalement tous rétractés.

Première salle de l’exposition avec des oeuvres d’artistes (Jorge Concha) et d’étudiant·e·s ©Lisa Le Floch

« On n’a aucune certitude »

« L’inscription à cette médiation s’est faite sans connaitre la thématique », explique Jordane Thomas-Bellec, le médiateur de l’exposition. Peu de temps après que la thématique, à savoir « une interrogation sur ce qui fait mémoire au sein des communautés Queer », a été révélée, trois des quatre groupes (dont un lycée) « ont annulé sans donner de raisons », complète-t-il. Il explique qu’« on n’a aucune certitude » au sujet d’un renoncement de ces écoles en lien avec la thématique.

La 4e visite prévue avec une classe de CM1-CM2 a été, elle, annulée quelques jours avant le début de la médiation, bien que l’institutrice apparaissait motivée au moment de la visite de préparation, « ça lui semblait quand même important, d’autant plus qu’elle évoquait la question de la discrimination à l’école », révèle le médiateur. Pourtant, quelques heures plus tard, l’institutrice annule la visite scolaire à la suite de discussions « avec l’école et les familles » invoquant des doutes quant au niveau scolaire plus « adaptées au niveau secondaire », explique-t-il.

Oeuvre d’Amelo Asensio « Pour une parole sur l’inceste » se trouvant dans la salle du fond de l’Atelier ©Lisa Le Floch

« Des choix pédagogiques »

Face au renoncement de la 4e visite, l’équipe de la Ville de Nantes évoque « un choix pédagogique ». Selon elle, « il s’agit d’une décision qui relève de la stricte responsabilité des enseignants : faire des choix en s’adaptant à l’âge de leurs élèves et à leurs projets pédagogiques ».

Pourtant, pour le médiateur, un doute subsiste celui de « pressions des collègues et des parents d’élèves » et «d’auto-censure » de l’institutrice, qui l’auraient alors poussé  à l’annulation de la visite.

« Ne recevoir aucun groupe scolaire, ça ne m’était jamais arrivé »

Une association prête à se « censurer »

« On n’avait accepté pas mal de choses pour adapter, voire censurer certaines œuvres, pour vraiment être sûr·e·s de recevoir des scolaires. Quitte à faire quelques concessions, on était prêt·e·s à aller loin », regrette Jordane Thomas-Bellec, soulignant le travail réalisé pour accueillir des classes avec l’association Le Lac à l’Épaule. De plus, V. Jourdain, co-fondatrice de l’association, nous explique qu’une « partie de l’exposition est faite pour les enfants et les adolescents ».

Elle confie « C’est assez terrifiant ». Le médiateur confesse : « Je ne m’y attendais pas. Je m’attendais qu’il y ait moins de visites, forcément, qu’il y ait des réticences. Mais pas que ça aille aussi loin ». Avant de rajouter : « ne recevoir aucun groupe scolaire, ça ne m’était jamais arrivé ».

Autodidacte et impliquée, Lisa est en deuxième année de licence information/communication. Dans le quotidien, elle est très active et trouve épanouissement dans l’artistique. Son lien aux autres et son rapport à l’art lui créent de grandes ambitions pour l’avenir.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017