Cet article est la 1ère partie du dossier : Le projet d’urbanisation Doulon-Gohards est-il écologique ?
Anciennes terres agricoles laissées à l’abandon depuis trente ans, les friches et les bois qui entourent le ruisseau des Gohards constituent pour l’instant une zone non bétonnée en plein cœur de la métropole. Constituée d’un mix entre anciennes friches agricoles et zones humides, la ZAC est encadrée par le bourg du Vieux Doulon, à l’Ouest, et à l’Est, par la commune de Sainte-Luce-sur-Loire. Le projet consiste à urbaniser 50 nouveaux hectares de terrain sur plus d’une dizaine d’années. Le quartier atteindra alors la taille de 180 hectares, dont 90 urbanisés. La collectivité prévoit ainsi la construction de 2700 logements à l’horizon 2035, répartis sur cinq secteurs : le Vallon des Gohards, Louëtrie-Papotière, Bois des Anses, Bourg du Vieux Doulon, Saint-Médard et les Territoires de l’eau. L’objectif de la métropole est de répondre aux besoins croissants de logements à Nantes alors que 9000 nouveaux habitants arrivent à Nantes tous les ans. Ainsi, le nouveau quartier devrait être constitué de 25 % de logements sociaux, 30 logements abordables, et le reste en accession libre.
Construire au plus près de l’emploi et des services pour réduire l’impact carbone des habitants
« On est convaincu·es qu’il faut porter cette ambition sur la place de la voiture, faire du logement là où il y a de l’emploi, du service, des transports publics. C’est là que les gens veulent habiter et le bilan carbone y est meilleur qu’en périurbain », affirme Thomas Quéro, élu à la Fabrique de la ville.
Car l’attractivité économique de Nantes, et donc la concentration des emplois au sein de la métropole, crée une véritable tension autour de l’immobilier dans le secteur. Selon le plan local de l’habitat de Nantes métropole, 29 % des emplois métropolitains sont occupés par des actifs qui ne résident pas dans le territoire métropolitain. Pour eux, l’accès aux transports en commun s’avère plus difficile. Ce sont d’autant plus de nouveaux usager·es de la route, donc de CO2 relâché dans l’atmosphère.
« C’est d’abord un projet pour les habitants·es, défend Simon Citeau, adjoint du quartier Doulon-Bottière. Il y a des habitant·es, un patrimoine naturel que l’on prend en compte ». Rencontrés sur place, les élu·es précisent que le projet consiste à créer une nouvelle extension du quartier« s’appuyant sur la centralité existante du bourg du Vieux Doulon ». Les nouveaux bâtiments accueilleront un mix de logements et de services, tels que des crèches et une école.
Construire de nouveaux logements en ville devrait permettre aux habitant·es de se loger au plus près de leur lieu de travail et des services de proximité, donc logiquement de réduire les émissions de gaz à effet de serre liés aux déplacements (28 % des GES en Pays de la Loire étaient émis par le transport routier en 2018 selon le dernier rapport du GIEC Loire Atlantique).
« écoquartier » : de nouvelles manières de se déplacer
Mais ce projet repose aussi sur un pari : celui de faire adopter aux habitant·es de la métropole les méthodes de mobilités douces. L’objectif du PDU (plan de déplacements urbains) est d’atteindre 58 % de déplacements via les mobilités douces d’ici 2030 (marche, vélo et transports en commun), contre 44 % aujourd’hui.
La municipalité assure que le projet « s’inscrit dans une politique globale qui vise à diminuer l’utilisation de la voiture ». Simon Citeau, élu de quartier, Thomas Quéro, élu à la Fabrique de la ville, Emilie Jeanniot et Céline Coutan, techniciennes du projet, défendent ainsi la dimension écologique de ce nouveau quartier. Rue de la Papotière, les travaux d’aménagement ont déjà commencé. Ces derniers devront faciliter le recours aux mobilités douces pour les actuel·les et futur·es habitant·es. Les élu·es promettent ainsi que les habitations se situeront maximum à « 800 à 900 mètres du C7 ». Cette ligne, qui ne dessert que la partie Nord du secteur d’études depuis l’arrêt Souillarderie, « constitue une bonne alternative à la voiture individuelle » selon le dernier rapport de l’autorité environnementale.
« l’arrêt de bus n’est pas le seul recours sur la mobilité. Il faut se projeter. »
Ce dernier précise pourtant les carences de la ligne de bus 87, qui lui se trouve à moins de 500 mètres du secteur d’étude et permet notamment de relier la zone d’activités Nant’Est Entreprises. Il pointe notamment « un niveau de service relativement faible ». Interrogé·es sur cette insuffisance, nos interlocuteur·ices de Nantes Métropole affirment que « l’arrêt de bus n’est pas le seul recours sur la mobilité. Il faut se projeter ». Optimiste, la municipalité ne s’inquiète pas outre mesure de la mise en circulation potentielle de 200 voitures sur la route de Sainte-Luce, déjà saturée en heure de pointe, et estime suffisant le potentiel qu’offre ici l’intermodalité, c’est-à-dire l’utilisation de différents modes de transports pour un même trajet, en tant qu’alternative à la voiture individuelle. Pour l’heure, des travaux sont en cours rue de la Papotière pour favoriser les mobilités douces (marche, vélo), mais aucune amélioration datée des lignes de transport en commun n’a pour l’heure été communiquée par la Nantes Métropole.
La municipalité arrivera-t-elle à faire adopter aux nouveaux habitant·es du quartier de telles habitudes ? Les acteurs·ices du projet à la métropole se sont montrés·e plutôt optimistes sur ce point. « Les nouveaux habitants sauront à quoi s’attendre », explique Emilie Jeanniot.
Le vallon des Gohards (fragment Ouest) est le premier secteur qui sera construit. Trois cabinets d’architectes travaillent sur le projet : JBA, les architectes « mandataires » qui chapeautent le projet, Bauchet de la Bouvrie, une agence parisienne, et Guinée Potin, une agence nantaise elle aussi, associée à LALU (une agence de paysage). Les projections sont déjà parues sur le site de Guinée Potin. Les informations sur l’aménagement du reste du secteur n’ont pas encore été communiquées sur les sites internet des autres agences.
Sur les plans communiqués par l’agence Guinée Potin, il est indiqué que 204 logements prendront place sur le fragment Ouest, soit 14 700 m² de surface habitable. Un parking silo sera installé à l’entrée du quartier, mais il ne pourra accueillir qu’une place par logement, le reste des places fera l’objet d’un « droit d’usage » (c’est-à-dire que ces places ne seront pas réservées aux résidents). Une centrale photovoltaïque devrait être installée sur le parking pour alimenter les locaux communs et les bornes de recharge pour voiture électrique. Le surplus potentiel d’électricité produite sera revendu au réseau. Puisque les voitures ne pourront pas rouler à l’intérieur du quartier, un certain nombre de mesures seront mises en place, comme un système de chariots pour transporter les courses de sa voiture à chez soi. Pour ce qui est des futurs bâtiments, « 30 % des constructions seront biosourcées » (d’origine végétale ou animale). Interrogées, les techniciennes de Nantes Métropole en charge du projet n’ont pour l’heure aucune projection chiffrée concernant l’impact carbone de ces nouvelles constructions.
Si cette mesure apparaît cohérente au regard de la politique globale menée par la ville concernant les voitures, on peut se demander si l’insuffisance potentielle des places de parking, par exemple pour un foyer possédant deux voitures, incitera les ménages à en limiter l’utilisation, ou aggravera au contraire les risques de stationnement sauvage. Interrogé à propos des potentielles gênes pour les riverains, Thomas Quéro a tenu à affirmer que les rues de Vesprée et Henri Loiret seront réaménagées pour pallier à ce potentiel problème.
Avec ce projet que l’on pourrait qualifier d’ « écoquartier », la métropole de Nantes veut encourager de nouvelles manières d’habiter la ville. Mais ce projet d’aménagement se fait au détriment de friches agricoles, dont une partie devrait disparaitre sous les nouveaux bâtiments. Des mouvements locaux de protestation se sont mis en place : nous en parlerons dans la seconde partie de notre dossier.