22 mars 2020

Edito : Confinement désinvolte

Samedi 21 mars, après environ une semaine de confinement, je me suis rendu au Super U à Saint Herblain, en périphérie nantaise, pour réapprovisionner mon foyer. Stupeur en arrivant sur le parking : il était plein comme un jour normal !

Edito : Confinement désinvolte

22 Mar 2020

Samedi 21 mars, après environ une semaine de confinement, je me suis rendu au Super U à Saint Herblain, en périphérie nantaise, pour réapprovisionner mon foyer. Stupeur en arrivant sur le parking : il était plein comme un jour normal !

Après avoir passé de longues secondes à manoeuvrer, j’ai enfin trouvé une place. Je me suis lavé les mains au gel hydroalcoolique, me suis emparé de mon panier et de mon sac, ai pris une longue inspiration et suis sorti.

Comme un samedi

Arrivé dans le supermarché, j’ai été frappé par le nombre de personnes (retraités, mère avec enfants…) qui déambulait dans les rayons. Aucun vigile installé à l’entrée par la direction du magasin pour limiter la promiscuité des acheteurs, aucune consigne mis à part un message sonore perdu au milieu des chansons habituelles de supermarché, tout semblait normal… comme un samedi.

Muni de ma liste, j’ai accéléré le pas et ai parcouru le magasin à la vitesse de l’éclair. Autour de moi, tout le monde semblait terriblement insouciant. Je ne pouvais m’empêcher de constater que j’étais le seul à trouver cette situation profondément inquiétante.

Paniqué à l’idée de propager ce virus mortel, j’ai rapidement empilé tous mes achats pour faire la queue à la caisse. Là encore, mis à part le plexiglas qui protégeait la caissière, aucune consigne claire n’était donnée aux clients. Sentant la personne derrière moi un peu trop proche, je me suis retourné et, d’un regard, lui ai fait comprendre qu’il fallait respecter la distance de sécurité énoncée par les autorités sanitaires. Ce qu’elle a fait sans broncher.

Finalement, j’ai quitté ce supermarché dans la précipitation, me suis réfugié dans mon véhicule, me suis lavé les mains au gel hydroalcoolique et ai fui cette inconscience.

Restez chez vous !

Comment le dire mieux ? Comment le dire autrement ?

On peut penser ce qu’on veut de ce gouvernement, de la gestion de cette crise, des messages parfois contradictoires ou insuffisamment stricts (allez travailler, vous pouvez faire du sport, mais restez chez vous), mais s’il y a bien une chose que personne ne pourra réfuter, c’est la diffusion permanente de cette arme infaillible qu’est le confinement pour éviter la propagation du virus.

Mais visiblement, tout le monde ne prend pas ce message très au sérieux. Peut-être se disent-ils que le COVID-19 est encore loin, qu’il évitera sûrement notre région, comme le nuage de Tchernobyl à une autre époque.

La France fait plaisir quand elle applaudit les héros de ce nouveau quotidien tous les soirs à 20h. Membres du personnel hospitalier de plus en plus volontaires, mais également personnel des supermarchés, éboueurs, chauffeurs routiers… toutes ces personnes qui affrontent la maladie pour permettre au pays de résister dans des conditions acceptables.

La France fait plaisir quand la solidarité est au rendez-vous, quand chacun se démène pour adoucir ce confinement totalement inédit et peut-être pour certains oppressant. Que ce soit les artistes qui se produisent bénévolement sur les réseaux sociaux, les instituteurs, institutrices et professeurs qui cherchent les meilleures solutions pour poursuivre leur enseignement, les entreprises qui changent leurs habitudes pour fabriquer des masques ou du gel hydro alcoolique, ces jeunes qui proposent d’aller faire des courses pour les plus âgés…

Elle peut être belle notre France, parfois…

Cependant, pour tous ceux que le devoir n’appelle pas, la consigne est simple : RESTEZ CHEZ VOUS !

Tu me donnes le mal

La France fait mal quand elle fait preuve d’égoïsme, d’inconscience et de désinvolture face à un péril mortel.

Comme ces images à la gare Montparnasse où aucune consigne élémentaire n’est respectée, comme ces gens qui continuent à sortir sans aucune raison malgré les messages clairs, comme cette course effrénée aux denrées alimentaires sans se soucier si son prochain aura de quoi vivre ce confinement normalement, comme toutes ces personnes qui se découvrent soudain une âme de joggeur…

Une seule question subsiste : pourquoi tant de désinvolture quand on sait que nos proches, nos aînés pourraient pâtir de cette inconscience ?

 

Espérons seulement que cette crise amènera certaines mentalités à évoluer pour plus de solidarité, moins d’égoïsme, pour un monde plus juste. On a le droit de rêver, non ?

Réalisateur de formation, Merwann s’intéresse à la musique, à la littérature, à la photographie, aux arts en général. De juillet 2017 à juillet 2023, il a été rédacteur en chef du magazine Fragil et coordinateur de l'association.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017