26 avril 2019

Éloge de la sensibilité : l’art du 18ème siècle valorisé au Musée d’Arts de Nantes

Du 15 février au 12 mai 2019, le Musée d’Arts de Nantes présente, en partenariat avec les musées de Bretagne, une exposition qui réunit les plus importants tableaux français du 18ème siècle. Ce sont plus de 65 peintures conservées dans les institutions de Bretagne qui vont ainsi permettre de découvrir l’évolution de la peinture française sur un siècle, sous l’angle de la naissance du nouveau concept de sensibilité.

Éloge de la sensibilité : l’art du 18ème siècle valorisé au Musée d’Arts de Nantes

26 Avr 2019

Du 15 février au 12 mai 2019, le Musée d’Arts de Nantes présente, en partenariat avec les musées de Bretagne, une exposition qui réunit les plus importants tableaux français du 18ème siècle. Ce sont plus de 65 peintures conservées dans les institutions de Bretagne qui vont ainsi permettre de découvrir l’évolution de la peinture française sur un siècle, sous l’angle de la naissance du nouveau concept de sensibilité.

Organisée par chapitres comme dans un livre, le visiteur est invité à parcourir et découvrir cette exposition riche et étoffée.

La mort de Louis XIV, en 1715, marque une rupture avec les normes jusqu’alors imposées par l’Académie de peinture et de sculpture, ancienne institution chargée d’enseigner et réguler ces arts à l’époque. Le 18ème siècle est également marqué par l’émergence de la philosophie des Lumières. Ce mouvement culturel qui vise à la promotion du savoir va apporter une forte influence dans le domaine des arts plastiques. En Europe et plus particulièrement en France, les courants rococo et néo-classique vont marquer cette période artistiquement parlant : une nouvelle vision de l’homme et de son environnement est reflétée, les émotions sont valorisées. La peinture est désormais un moyen pour l’artiste d’exprimer sa sensibilité et ses goûts personnels.

Chapitre 1 : L’apparat et l’intime

Il faut savoir que le portrait est un élément central dans les représentations artistiques de l’époque. Influencé par le portrait royal et princier, notamment par Louis XIV (1661-1715), le portrait connaît un développement particulièrement éclatant : la riche société aime se faire représenter et mettre en valeur dans ses plus beaux costumes, dans leurs plus beaux appartements : il permet d’assoir la position sociale d’un individu.
Cependant, au cours du siècle des Lumières, la représentation de la haute société évolue : les portraits se font plus profonds et installent dorénavant les modèles dans leur décor intime et familier. Cela se remarque sur le portrait suivant, Portrait de femme par Adélaïde Labille-Guiard. En effet, malgré la présence de nombreux détails prouvant « la qualité du modèle », comme par exemple la richesse des étoffes, la présence des accessoires ou encore ses vêtements, la scène est ici représentée dans un cadre simple et intimiste.

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Chapitre 2 : De l’héritier dynastique à l’enfant chéri des lumières

La représentation familiale de l’enfance est très codifiée jusqu’au début du 18ème siècle, plaçant les enfants en tant qu’adultes miniatures. Elle connaît alors une profonde mutation : une partie de la population se concentre en « familles nucléaires », constituées simplement du père, de la mère et des enfants. Ces derniers prennent une importance inédite, étant perçus comme des individus à part entière avec leur propre personnalité.
A travers ces portraits familiaux se dégagent alors les liens affectifs, les qualités de cœur : l’enfant est un être aimable, choyé, doux et sage.

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Ce portrait ci-dessus, Portrait de Monsieur Olive, trésorier des Etats de Bretagne, avec sa famille, fût peint par Marie Geneviève Bouliard entre 1791 et 1792. La peintre met ici la figure maternelle en évidence, pour symboliser son importance dans le bonheur familial. Le regard de son époux est tendre, l’affection envers la progéniture est authentique. Artiste reconnue du milieu révolutionnaire, elle représente ici une mère venant d’allaiter (la rondeur de son sein est visible) : l’allaitement est, à l’époque, fortement préconisé par les médecins et philosophes, ainsi que popularisé par Rousseau.

Chapitre 3 : Troubles et émois

Les artistes du 18ème siècle mettent en valeur les parties du corps, notamment féminines, en les peignant de manière sensuelle : les bouches sont en émois, les yeux semblent humides. La virginité féminine est symbolisée par la perte de la « rose » ce qui créé fantasmes dans la peinture et littérature de l’époque.
Dans cette partie de l’exposition, la femme est largement plus présente en comparaison à l’homme. Cette absence de ce dernier nourrit un fantasme chez le spectateur : celui de l’amant craint ou adoré, qui devient alors prétexte à des rêveries plus ou moins érotiques.
On y admire des tableaux de Jean-Baptiste Greuze entre autres, avec des œuvres comme Tête de jeune fille au ruban bleu ou encore Le Guitariste/Un oiseleur, qui, au retour de la chasse, accorde sa guitare.

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Chapitre 4 : Une mythologie moderne, la théâtralité au quotidien

Toujours sous l’influence du siècle des Lumières, le 18ème siècle rime avec le spectacle, le théâtre, la danse. L’apparition des « Fêtes galantes » correspond à la première manifestation des nouvelles tendances artistiques de l’époque. Ces rassemblements en plein air de la haute aristocratie vont permettre la création de nouveaux cercles d’artistes, mêlant la noblesse à la grande bourgeoisie, plutôt dans des maisons intimes des villes qu’à la Cour. Les membres de ces réunions s’adonnent alors à jouer en intimité, sous l’influence de la commedia dell’arte.
Dans cette partie de l’exposition, des peintures d’artistes comme Lancret vont ainsi représenter le cadre et l’ambiance de ces activités ainsi que les bals, Avant le bal costumé, et spectacles. Mis en scène par la société elle-même, ses représentations sont en effet synonymes de « réalités à la fois vécues et fantasmées. »

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Chapitre 5 : « On m’appelle Nature et je suis tout art » (Voltaire)

C’est par cette citation du célèbre écrivain et philosophe qu’est introduit cette cinquième partie. En rivalité avec les paysages classiques du 17ème siècle comme ceux de Lorrain ou Poussin, les peintres recherchent à ressentir et retranscrire les sensations procurées par ces grands espaces. La nature, perçue comme primitive et imaginaire, est valorisée et idéalisée. La peinture de paysage comporte de multiples aspects durant cette période malgré une dominance néoclassique, notamment avec des artistes tels que Pierre-Henri de Valenciennes qui ressuscite le genre du paysage historié.
Ici, l’œuvre Chasse au loup en forêt de Jean-Baptiste Oudry, connu pour ses séries de chiens de chasse, donne à voir une nature sauvage et brutale. On peut également y admirer des peintures d’artistes comme Jean Huber, qui vont donner une image plus radieuse de la nature grâce à des lumières dorées et des compositions harmonieuses.

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Chapitre 6 : Le spectacle de la Nature, miroir de l’âme sensible

Et si la nature peut être envoûtante et apaisante, elle peut également être des plus démentielle, faramineuse, colossale. Les peintres de l’époque se plaisent à affronter directement le monde afin de témoigner de ses manifestations les plus impressionnantes. La place de l’homme, ressentie alors comme éphémère, est remise en question face à cette nature grandiose. Cette sensation est très bien retranscrite par l’œuvre de Pierre-Jacques Volaire, Eruption du Vésuve et vue de Portici.

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Chapitre 7 : Rendre sensible la matière

La visite se termine par la notion de « nature morte ». Ce genre artistique, naît quelques temps plus tôt, vise à représenter des éléments inanimés comme des fruits, fleurs ou autres objets divers. C’est à partir de 1756 que ce terme est employé, on parlait auparavant de « vie immobile » ou « silencieuse ». Tout au long du 18ème siècle, des artistes tels que Valette-Penot, Desportes ou encore Chardin vont s’investir sur un profond désir de réalisme grâce à un désir de trompe-œil, d’illusions. L’artiste ne cherche pas seulement à imiter, mais à représenter l’objet à travers ses formes et couleurs. Rendre sensible la matière est donc le premier objectif des « natures mortes ». Cette perception de l’art, en rupture avec l’Académie, va montrer la voie à d’autres artistes des siècles suivants tels que Van Gogh ou Manet, pour ne citer qu’eux.

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Pour aller plus loin : L’expérience / La promenade sensorielle
Après avoir découvert et admiré ces nombreuses œuvres, petits et grands sont invités à faire appel à leurs sens grâce à cinq activités ludiques. Ainsi l’odorat, l’ouïe, le toucher et la parole seront mis en action afin de prolonger l’immersion de chacun dans l’époque du 18ème siècle, et ainsi faire réagir leur propre sensibilité.

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Si vous voulez découvrir cette exposition, elle se déroule jusqu’au 12 mai au Musée d’Arts de Nantes ! Courez-y vite !

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017