« Plusieurs discussions vont se poursuivre dans les semaines à venir pour étouffer progressivement cette histoire, et faire redescendre la pression au sein de la faculté. ». C’est par ces mots que le président de la CNEM (Corporation Nantaise des Étudiants en Médecine de Nantes), Mathis Neuhaard, s’est exprimé, le 11 octobre 2023, via le salon Discord des étudiant·es de deuxième année en médecine. Ce message fait suite au mail officiel de la présidente de Nantes Université Carine Bernaut, du même jour, adressé aux étudiant·es de médecine et dénonçant des faits d’exhibition sexuelle. Celle-ci rappelle la loi : « délit puni d’un an d’emprisonnement et de 15,000 € d’amende selon l’article 222-32 du code pénal » et annonce avoir « saisi le Procureur de la République […] et demandé à ce qu’une enquête interne soit diligentée ». Pour préciser les faits, ces événements se déroulent le 28 septembre 2023. Ils commencent de manière traditionnelle avec « la danse des P2 » [P2 pour étudiant·es de deuxième année] devant un amphithéâtre d’étudiant·es en première année de médecine. C’est un rite annuel qui consiste à « accueillir » les P1. Cependant, l’évènement prend une autre tournure lorsque quelques individus masqués ou non identifiables se positionnent devant l’assemblée et abaissent leurs sous-vêtements pour exhiber leurs parties génitales. Les réactions des étudiant·es en première année sont mitigées. En témoignent les quelques vidéos et commentaires de la scène publiées sur les réseaux sociaux X ou Tiktok. On peut y entendre des rires et des applaudissement, mais également y voir des personnes statiques, ne participant pas aux encouragements. (AVERTISSEMENT / TW vidéo montrant des exhibitions sexuelles postée sur X le 29/09/2023 de plus de 300.000 vues : https://twitter.com/AxelBrrg/status/1707829309006557395 ).
« C’est pas la première fois que ça arrive en fac de médecine », un·e étudiant·e* en 3ème année de médecine.
Un événement minimisé par la CNEM
Cette affaire prend un autre tournant avec la prise de position du président de la CNEM « conscient de l’impact stressant que celui-ci peut avoir auprès de votre promo [ndlr : la promo des deuxièmes années] ». Principale association étudiante de la faculté de médecine, en place depuis 30 ans, et comptant plus de 2000 adhérents, « la corpo » intervient en tant que représentante des étudiant·es de médecine dans différents domaines, dont l’animation (intégration, tonus et événements de la vie étudiante).
Ce message Discord nous a été transmis par une étudiante* de médecine « choquée » par les propos du président de la corporation et qui « ressent cette déclaration comme un encouragement ». En effet, les mots du président de la CNEM viennent largement délégitimer le propos tenus par la présidente de Nantes Université, et les ressentis des étudiant·es choqué·es par l’exhibition sexuelle.
Mathis Neuhaard a accepté de nous donner une interview. Nous lui avons demandé si les discussions visant à « étouffer progressivement cette histoire» étaient liées à celles avec la présidence de Nantes Université. Ce dernier affirme que « jusqu’à présent » il n’a « toujours pas rencontré la présidence de l’université’ », mais « qu’il y a eu plusieurs discussions en parallèle, notamment avec le directeur général de Nantes Université (ndlr : DGA chargé de l’environnement social et institutionnel), Roman-Dubreucq, et avec la doyenne », Pascale Jolliet qui n’est plus en poste depuis décembre 2023. Information que la présidence de Nantes Université nous a confirmé par mail en nous indiquant que « Nantes Université n’a (…) en aucun cas, essayé, ou la volonté « d’étouffer » cette affaire ».
« C’est comme si trois jours après ce qu’il s’était passé, ce n’était plus un sujet » – étudiante* en deuxième année de médecine.
Cependant, le président de la CNEM se rassure du rôle de la corporation étudiante dans la lutte contre les VSS, « le problème c’est que comme beaucoup de tradition en médecine les choses changent d’années en années, j’ai rencontré pas mal de présidents de corpos en France, pour savoir comment ça se passe dans d’autres villes. C’est vrai qu’à Nantes on a fait pas mal de boulot pour endiguer tout ça, je pense qu’on est l’une des villes les plus Bisounours sur ce point là. ». Il rappelle que « nous la CNEM on a un pôle santé public qui est engagé fermement là dedans, on a fait beaucoup de prévention anti VSS depuis au moins 2 ans ». L’étudiante en deuxième année de médecine qui nous a transmis le message de la CNEM trouve que « la corporation ne semble pas prendre la mesure du potentiel caractère choquant de ce genre d’événement, en dissonance avec un discours de vigilance autour des VSS tenu depuis le début de l’année par l’association ».
Quatre mois après les faits et la réaction officielle de la présidence de Nantes Université, il apparaît que l’affaire s’est essoufflée selon une étudiante* en deuxième année : « aucune initiative n’a été menée, tout est revenu à la normal ». La présidente de Nantes Université, suite à une prise de contact, affirme à travers son attachée de presse que « l’enquête est en cours et dans ce cadre Nantes Université n’accorde aucun commentaire ». Selon Mathis Neuhaard, « un rendez-vous est prévu en fin de semaine » entre la corporation et la présidence de Nantes Université.
Enquête signée Aminata Diaban et Lisa Le Floch
*[les étudiant·es ayant apporté leurs témoignages ont souhaité rester anonymes]