Après une première exposition intitulée « Le règne du silence » présentée en 2021 au Muséum d’Histoire Naturelle, Fabrice Azzolin revient sur les lieux avec « La symétrie des rêves », présentée au public le 19 avril dernier et visitable jusqu’au 6 janvier 2025. Entre art et science, pas moins de 300 papillons aux motifs étonnants sont présentés au sein de cette exposition méticuleuse et réaliste.
Un artiste prédestiné au monde de la science
Curieux, Fabrice développe durant l’adolescence un intérêt pour les plantes médicinales puis il intègre la voie scientifique : « Mon père s’est dit : ‘Oh, tu devrais faire pharmacie ! Ton frère fait médecine, ta sœur sera infirmière, vous monterez un cabinet à trois.’ Donc j’ai commencé des études de pharmacie. » révèle-t-il. Bien qu’il n’ait pas poursuivi cette voie, l’artiste en garde une ouverture sur le monde et un constant désir d’apprendre.
Aux prémices de « La symétrie des rêves »
L’idée originale de l’exposition est apparue à Fabrice en vision : des papillons imitant des œuvres d’art. À son domicile situé à la Martinière, au sein de son musée personnel qu’il nomme « le Théâtre de Mémoire », il imagine un envol de papillons dans un escalier mis en couleurs par des spots lumineux.
« Comme l’art ne peut imiter la nature, est-ce que la nature peut imiter l’art ? […] Comme j’avais des bouquins d’art, j’ai imaginé qu’un papillon puisse se poser et prendre en quelques secondes les motifs et couleurs, transformer ses ailes de façon à ce qu’il devienne quasiment invisible » raconte-t-il. Il fait alors appel à Ji Yoon Jang et Ophélie Manas pour donner vie aux lépidoptères.
L’artiste contacte ensuite Philippe Guillet, directeur du Muséum de Nantes avec qui il a déjà collaboré, pour visiter les collections. Selon Philippe Guillet, Fabrice Azzolin utilise un processus d’observation qui s’apparente à la démarche scientifique, avec une sensibilité unique. L’artiste considère qu’il s’agit avant tout d’une exposition collective compte tenu des nombreuses personnes qui l’ont aidé à concrétiser le projet.
Au Museum de Nantes, la rencontre entre art et science
Dans l’une des plus petites salles d’exposition du bâtiment, art et science se mêlent afin de toucher le public. Cette rencontre entre les deux disciplines n’est pas exceptionnelle mais Philippe Guillet souligne l’importance qu’il accorde à l’équitable mise en valeur des deux disciplines : « Il y a une grande vigilance, pour qu’on ait une rencontre art-science qui fait la part belle à l’art, qui fait la part belle à la science. C’est vraiment important. ».
« Éviter à la science le comique du geai se parant des plumes du paon, et à l’art, le pathétique du paon qui emprunterait ses plumes au geai »
Selon lui, les deux démarches entrent parfois en contradiction. La science est souvent un prétexte pour parler l’art, ce qui peut dévoyer le message scientifique et inversement. Pour illustrer ses propos, il nous cite le physicien et théoricien Jean-Marc Lévy-Leblond qui préconise d’« éviter à la science le comique du geai se parant des plumes du paon, et à l’art le pathétique du paon qui emprunterait ses plumes au geai ».
Utiliser l’art pour interroger le monde et les rendre les sujets accessibles
« L’intérêt c’est de faire appel à des artistes qui permettent une certaine compréhension du public sur des thématiques très difficiles »
Depuis plus d’une vingtaine d’année, le Museum propose des expositions artistiques. Selon Philippe Guillet : « L’intérêt c’est de faire appel à des artistes qui permettent une certaine compréhension de la part du public sur des thématiques très difficiles ». À travers les projets mis en œuvre, le museum cherche à valoriser ses collections, dans une recherche constante d’émerveillement des visiteurs.
Pour Fabrice Azzolin, la science a pour but de rassurer, tenter d’élucider les mystères du monde alors que l’art vise avant tout à poser des questions et faire perdurer : « Il n’y a pas de progression en art, c’est un présent éternellement renouvelé. La vocation de l’art c’est une sorte de pied de nez à la mort. […] L’art fait perdurer les choses, les êtres humains et aussi bien les créations de la nature que du génie humain. […] Il paraît qu’à un moment ils fermaient leurs ailes à cause de l’humidité ou de la sécheresse » ajoute-t-il amusé à propos de ses petits insectes. Engagé, l’artiste souhaite alerter sur la disparition en silence des papillons : « Si on détruit la nature, est-ce qu’on peut se contenter d’un succédané de nature ? J’ai pas la réponse parce qu’elle est peut-être posée par cette exposition-là ».
Il reste un mois pour découvrir l’exposition avant qu’elle ne voyage à travers la métropole nantaise. Jusqu’à la fermeture pour travaux du muséum en 2025, il est aussi possible de (re)découvrir deux expositions temporaires : « Trésors et Biodiversité » puis l’exposition photographique « Spécimens » de Romain Baro du 28 janvier jusqu’au mois d’avril.