Retrospective Fassbinder
Ni cœur, ni humeur (l’attitude d’un écrivain par rapport à la société)
Je n’ai aucune idée de ce que ressent un écrivain, poète, dramaturge, lorsqu’il se met à écrire. L’acte même de publier au monde me semble une vraie folie, un suicide contre l’absence.
Quelque part, Fassbinder est l’image d’un format photomaton (35mm x 45mm) que l’on garde dans son porte- feuille, coûte que coûte, que l’on oublie et re-regarde jusqu’à ce qu’un jaloux nous demande pourquoi l’avoir si proche. Parce que c’est un homme ! Bien-entendu ; que deviendrait-on si nous nous écartions les uns des autres ?
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Anti-theater, c’est le nom donné à sa troupe, qui sonne peut-être comme un manifeste ou une vérité ou alors une conviction, une valeur commune. Une revendication de leur choix du comment concevoir l’amour ; anti- théâtre. Voilà ce que l’on peut voir dans toute l’œuvre Fassbinderienne, les mêmes acteurs s’échangeant les rôles. Des visages qui peuvent nous surprendre à chaque film, tant rien n’est évident, ils sont tous. Les possibles réincarnations, transitions, transformations qui nous font un clin d’œil parce qu’ils sont nombreux et sans conséquence réductrice pour celui qui les fait. Il me semble que c’est grâce à cette volonté de nous faire voir tant de rôles pour la même distribution que nous réussissons à comprendre l’évolution de chacun des membres de la troupe.
Et c’est un collectif qui utilise la technique, peut-être pour mieux interpréter certains organes tel que l’œil. Ou alors, l’objectif essaie d’être un œil dans un corps avec des humeurs (un regard parfois vague, parfois oppressant et intrusif). La caméra devient une sonde, pour connaître les fonds des acteurs, semblable à nos attitudes envers nos proches. Peut-être que la volonté de ce groupe reste de réussir à pousser le désir de revendication des changements, des transformations, à sa plus sincère démarche, un territoire cinématographique proposant l’insatisfaction de l’arrêt. Que devient-on avec le langage d’une machine, d’une technique ? Ou plus simplement, que devient notre cité aujourd’hui ?
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C’est à nouveau la naissance, apprendre à vivre en confiance, peut-être avec l’idée que l’autre peut nous transformer.
La caméra fait partie du jeu des acteurs, ou même, devient un acteur qui se transforme et se réincarne, et donc influençable. Elle s’essaie à d’autres rôles, avec d’autres attitudes. Elle est autant libre qu’autrui et a autant de droits. Les caméras des Fassbinder sont des membres de leur famille qui possèdent leurs pouvoirs de décisions.
Il y a aussi la production, je veux dire que tout ça produit une valeur, à la fois monétaire et culturelle. Le poète cherche à mon avis, à produire un besoin de contrepartie en créant le jeu. Il cherche sans doute (mais sans certitude) des moyens pour obtenir un retour qui pourrait être une conversation, un échange, une action de la moindre importance.
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Que pouvait-il préférer entre changer linguistiquement le monde ou changer économiquement des vies (sans doute les deux) ? Peut-être que ce qui est proposé dans les films de Fassbinder, les choses lyriques comme les corps des hommes bodybuildés dans des situations « gratuites », sont des objets à échanger (monnaie plutôt qu’objets), mon corps sur le fauteuil de cinéma se monnaye aussi.
Dans cette cité de paroles, les genres se mêlent du même mouvement, ils font commerce et engagent les conversations avec les libertés des persona (presque aussi énigmatiques que les directions de nos propres vies), je profite futilement, je participe à cette « agoraphonie » pour que le bordel des sons rassure. Et franchement, une chose est sûre pour ma part, qu’il y ait un semblant de suites possibles à l’ordre des choses n’a pas tellement d’importance, ni même de conséquence.
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