10 décembre 2024

Fermeture du bar Monsieur Machin : un « au revoir » festif et mélancolique

Ce vendredi 6 décembre se tenait la soirée de clôture du bar restaurant nantais, Monsieur Machin. Après douze automnes passés au 5 Rue Saint Léonard, le duo de propriétaires, Christophe Roy et Guirec Belaud, a mis un terme à son aventure. Et ce pour le plus grand malheur d’une clientèle nantaise, qui a pu se retrouver une dernière fois et partager des moments forts.

Fermeture du bar Monsieur Machin : un « au revoir » festif et mélancolique

10 Déc 2024

Ce vendredi 6 décembre se tenait la soirée de clôture du bar restaurant nantais, Monsieur Machin. Après douze automnes passés au 5 Rue Saint Léonard, le duo de propriétaires, Christophe Roy et Guirec Belaud, a mis un terme à son aventure. Et ce pour le plus grand malheur d’une clientèle nantaise, qui a pu se retrouver une dernière fois et partager des moments forts.

« On a fait l’after ici, on a écouté Africa de Rose Laurens, j’ai pleuré, je me suis faite larguer, c’est huit ans de ma vie ! », s’émeut Lisa, alors gagnée par la nostalgie. Malgré un temps menaçant, le Monsieur Machin est déjà bien animé : l’ambiance est très chaleureuse, le bar est plein à craquer. Lisa sait que ce vendredi soir, c’est le dernier soir, un moment particulier. Comme tant d’autres autour d’elle, elle est portée par une foule en ébullition. Celle-ci semble bien plus dense que d’habitude et déborde sur l’autre côté de la ruelle piétonne. Elle est aspirée comme un essaim d’abeille par les moindres parcelles de lumières qui encadrent la terrasse du bar brasserie, Monsieur Machin.

Au milieu de la soirée, les Nantais.es serrent dans une ambiance chaleureuse devant le Monsieur Machin (06/12/2024)

Une aventure humaine qui s’achève sans aucun regret

C’est autour d’une table que le duo de patrons Christophe Le Roy et Guirec Belaud, aussi détenteurs du café/bar au Magma sur l’île de Nantes, nous livre sans détour leur rapport au Monsieur Machin et à sa clientèle. Ces quarantenaires, après dix-sept ans d’expériences, ressentent le besoin de clore un chapitre et ils ont maintenant l’opportunité de le faire : « Il y a plein de petites raisons. C’est la fin d’un cycle pour nous et pour le staff ». Ils précisent également qu’une rupture semblait nécessaire car ils n’ont plus la force et l’envie de s’adapter pour suivre la dynamique actuelle : « On avait la volonté d’arrêter pour ne plus finir aussi tard et d’être là jusqu’à 2h du matin surtout le vendredi et samedi. Cela fait 17 ans qu’on est dans le monde de la nuit, c’est fatiguant, on cumule sur les deux bars . On est en décalage de plus en plus avec les générations du weekend. Il y a des fois où on vient bosser le soir et on connaît plus personne».

Le duo nantais encore afféré à bien gérer les derniers préparatifs jusqu’à la fin de la semaine nous avoue qu’il n’a pas encore pris conscience de sa décision : « c’est le tunnel de la fin, cela sera plus la semaine prochaine qu’on se rendra compte ». Mais les deux hommes esquissent un large sourire car ils savent que leur décision est mûrement réfléchi : « On est contents et c’est un choix assumé. On a pas le même rapport au lieu que les clients. » Selon eux, les Nantais.es seront plus touchés : « Pour les clients, c’est un lieu affectif et dans lequel ils s’amusaient tout le temps ».

Dès l’horizon 2025, les deux hommes veulent s’orienter vers un autre type de brasserie, en misant plus sur la partie restaurant que bar et en proposant une cuisine ouverte le midi et le soir.

Les deux propriétaires de gauche à droite : Christophe Roy et Guirec Belaud devant la terrasse du Monsieur Machin (06/12/2024)

Un bar brasserie convivial et de quartier pour les copains d’abord

Cette dernière soirée au Monsieur Machin était aussi l’occasion pour les habitué.es du coin de se réunir et de célébrer une dernière fois leur joie d’avoir fréquenté ce lieu : « J’ai travaillé ici, je connais le bar depuis plus de cinq ans et je viens tous les jours entre 14h et 14h30 », évoque Marcy. Pour elle, c’est le cadre de travail instauré par le personnel qui a permis de s’attacher au lieu et de passer des moments aussi conviviaux que plaisants : « C’est l’équipe derrière qui fait beaucoup. Tu viens manger chez Monsieur Machin et ici tu te sens bien ».

D’autres encore font part de leur attachement comme nous le confient Camille et Louise : « On perd un super bon restaurant. Ils ont su rester simple, avec un bon rapport qualité prix et avec toujours un bon accueil ». Pour elles, Monsieur Machin est associé à leur amitié et a été vecteur de beaux souvenirs : « on s’est rencontrées un peu grâce à Monsieur Machin, on a travaillé là-bas ».

Monsieur Machin, une belle aventure qui va se poursuivre avec un nouveau propriétaire.

Malgré la fermeture annoncée par Christophe Roy et Guirec Belaud, le bar brasserie Monsieur Machin ne va pas définitivement fermer ses portes. Les deux hommes ont vendu aux propriétaires du Mess à Nantes. D’après eux, il y aura une continuité et le nom de Monsieur Machin qui fut baptisé en hommage à l’arbitre international Roger Machin va être conservé, assure Guirec : « Il garde le nom, il garde le même réseau, le même intérieur mais il change l’équipe ».

Une perspective qui ne convainc pas encore, si l’on en croit les premières réactions des habitué.es : « ça sera jamais chez nous, c’est fini ! », conclut brutalement Lisa. Pour Louise et Camille, la pilule est aussi difficile à passer : « Cela ne me fait pas plaisir que ça soit le Mess qui reprend. Ce n’est pas du tout la même identité, c’est même bizarre de garder le nom ». Et pour d’autres encore, comme Pascal aussi familier du lieu, c’est définitivement la fin de l’aventure : « Je venais le midi car je travaillais à côté, c’était un bon QG mais maintenant je ne sais pas où je vais boire mes coups ».

Professeur d’histoire-géographie, Pierre observe avec curiosité les changements de sa ville natale. Entre ses promenades à Chantenay, sa passion pour le backgammon et ses racines iraniennes, il explore à sa manière l’histoire et la culture.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017