«Je suis cosmopolite. Je sais que c’est mal vu de le dire en ce moment. Mais c’est ce qui définit mon identité». Avec sa malice, son charme et l’humour qui le caractérise, Fernando Trueba n’a pas mâché ses mots contre ceux qui mènent des guerres au nom de leur nationalisme.
«Rien ne justifie que l’on détruise des maisons avec des familles qui vivent dedans» a-t-il affirmé. «Cette identité là, elle sert à se battre avec les autres et elle produit du mensonge». Une allusion sans la citer à l’invasion de l’Ukraine par Poutine.
En fait le cinéma de Trueba n’a pas de frontière. Le réalisateur madrilène a tourné aux Etats-Unis, en Colombie, en France, en Tchécoslovaquie, bref ailleurs qu’en Espagne. Voici comment il s’est défini lors de cette 31ème édition du Festival du cinéma espagnol.
«Je suis cosmopolite. Je ne comprends pas que l’on puisse faire une différence entre les religions, les races, les nationalités. Mon identité c’est le cinéma».
Cosmopolite et francophile
Trueba est curieux. Il aime voyager, découvrir d’autres cultures que la sienne et il est très francophile. D’ailleurs à Graslin, il s’est exprimé en français pendant deux heures avec ce petit accent sifflant qui rappelle ses origines ibériques.
Petite confidence au passage : sa première petite amie était française. Ce qui lui plaisait en France, c’était la liberté qui existait à l’époque de son adolescence.
«En Espagne, tout était interdit y compris la pornographie et moi j’adore ça, la pornographie». Un écho à l’un de ses maîtres à penser Brassens et son esprit anarchiste.
Brassens et Condorcet comme modèle
«Il était formidable pour moi car il n’hésitait pas à s’en prendre à l’ordre bourgeois, à la police, à la justice, aux bienpensants. C’est mon héros. Il est toujours dans mon cœur. Il m’accompagne partout. D’ailleurs, ça a été mon premier professeur de français».
Son autre grand modèle, c’est Condorcet, le philosophe des Lumières. «C’est le meilleur des hommes. Il a inventé la démocratie participative, repensé l’instruction, s’est battu contre l’esclavage, a défendu le droit des femmes et des homosexuels avant l’heure. Durant toute sa vie, il a cherché à améliorer la condition humaine».
Trueba l’humaniste
A l’écouter, on comprend mieux sa générosité, son ouverture d’esprit, son sens de l’humain. Tous les artistes qui l’ont côtoyé l’adorent a constaté Pilar Martinez Vasseur, la co-Présidente du Festival qui l’interviewait lors de cette masterclass. Ce qu’a confirmé l’intéressé à sa façon.
«Je ne vais pas m’amuser à torturer les comédiens et comédiennes qui tournent avec moi. Je sais que certains réalisateurs le font mais moi je préfère travailler dans la complicité, l’amitié, l’humour et quand c’est la fête sur un tournage, je suis heureux. C’est un miracle qui s’accomplit».
Son amour pour les grecs
Fernando Trueba, l’humaniste, le francophile, le citoyen du monde a un autre amour, les grecs.
«Les grecs ont tout inventé : la tragédie pour nous aider à surmonter la mort et la malédiction ; et la comédie pour nous apprendre à rire et se moquer des puissants ».
Le cinéaste est tellement truculent, tellement passionnant qu’on l’écouterait pendant des heures. Cette année, le festival lui rend hommage en projetant au Katorza l’un des grands films : «El olvido que seremos». A voir ou revoir.