25 novembre 2024

Festival des 3 Continents : un public de volontaires en service civique plutôt conquis

Mercredi 20 novembre, à l’occasion de la journée de rencontre entre les volontaires en service civiques, la Ligue de l’Enseignement a emmené le groupe au festival de cinéma les 3 Continents. Entre réticentes préalables des uns et engouement des autres, ce temps de médiation culturelle a finalement convaincu la plupart.

Festival des 3 Continents : un public de volontaires en service civique plutôt conquis

25 Nov 2024

Mercredi 20 novembre, à l’occasion de la journée de rencontre entre les volontaires en service civiques, la Ligue de l’Enseignement a emmené le groupe au festival de cinéma les 3 Continents. Entre réticentes préalables des uns et engouement des autres, ce temps de médiation culturelle a finalement convaincu la plupart.

« Quand vous recevez la convocation pour cette journée, on peut craindre un truc un peu formel et ennuyeux, mais j’espère que ce n’est pas le cas, en tout cas j’ai le sentiment que ça se passe plutôt bien », confie Nicolas, en charge des volontaires en services civiques affilié·es à la Ligue de l’Enseignement dans le 44. Lors de la journée de rencontre du groupe, après une matinée d’échanges, la structure a profité du Festival des 3 Continents qui se tient du 15 au 23 novembre à Nantes pour emmener la quinzaine de volontaires visionner le film Bonne Mère de Hafsia Herzi puis assister à une conférence sur la représentation de l’immigration maghrébine au cinéma.

Aller au cinéma pour « ouvrir une fenêtre culturelle » chez les volontaires

Selon Nicolas, la ligne suivie par la fédération à laquelle ont adhéré les volontaires est assez claire : « c’est un mouvement d’éducation populaire, ça veut dire qu’on considère que les citoyens doivent pouvoir apprendre et s’enrichir tout au long de la vie sous diverses formes ». Ainsi, s’iels ont accueilli des services civiques, c’est parce qu’ils considèrent que l’engagement est justement « une forme d’enrichissement ».

Le groupe de volontaires en service civique de la FAL44 entrant au Cinématographe pour la projection du film Bonne mère – Photo : Enora Moreau, 20/11/24

Et si, à premier abord, le cinéma est peut-être une thématique éloignée de certaines missions, « proposer ce temps de découverte et de médiation du Festival des 3 Continents sur cette journée d’accueil des volontaires en service civique, ça permet d’ouvrir une fenêtre culturelle, ça fait partie de cet enrichissement lié à la Ligue de l’Enseignement », rappelle Nicolas. Le choix du film, l’histoire d’une mère de famille précaire à Marseille, n’est pas non plus anodin, explique-t-il en disant que « ça faisait plus sens de proposer ce film-là qui est plus proche de notre réalité, et avec des jeunes ».

« Un film, il peut plaire, il peut ne pas plaire… C’est aussi intéressant. »

Léa Leboucq, chargée médiation avec les publics au Festival des 3 Continents, a travaillé avec la Ligue de l’Enseignement en amont pour mettre en place ce temps. Elle a l’habitude d’accueillir ce genre d’échanges, notamment avec des scolaires : « Pour les services civiques, je vais surtout essayer de créer des conditions d’écoute et de circulation de la parole pour que chacun puisse exprimer son ressenti ». Mais il n’est pas toujours simple de convaincre un public auquel il a été imposé de venir, bien qu’ici cela rentre dans le cadre de l’engagement du service civique. Elle rajoute d’ailleurs que toute réaction au film qui est proposé est pertinente à exprimer : « Un film, il peut plaire, il peut ne pas plaire… C’est aussi intéressant. ».

Un public plus ou moins réceptif à la médiation culturelle

Entre réticence et impatience, les réactions sont d’ailleurs assez diverses au sein du groupe quelques minutes avant d’entrer en salle. « On se sentait un peu obligés, on met les pieds dans l’inconnu », confient par exemple Calvin et Taylor, respectivement volontaires au club de rink hockey de Saint-Sébastien et au club de football des Dervallières, soit des missions sportives plutôt écartés du cinéma. « Personnellement, je n’y serais pas allé de ma propre initiative, mais ça va peut-être nous permettre de découvrir d’autres choses », rajoute tout de même Taylor.

Mylène et Margot, deux volontaires en service civique, étaient ravies de pouvoir assister aux coulisses du Festival des 3 Continents – Photo : Enora Moreau, 20/11/24

Pour Margot et Mylène, volontaires à Lire et faire lire et à Info Jeunes Rezé, cette proposition est au contraire plutôt une chance. « Moi, je ne vais jamais au cinéma, non pas parce que j’aime pas mais parce que c’est cher et loin de chez moi vu que j’habite en campagne », confie Mylène, tandis que Margot affirme que « de toute façon [elle se] serait inscrite même si ce n’était pas une contrainte ».

En revanche, après la séance, si le film Bonne Mère a visiblement plu aux volontaires qui s’empressent d’échanger dessus entre elleux, la conférence à l’espace Cosmopolis a cependant moins fait l’unanimité. Les propos d’Emna Mrabet, spécialiste du cinéma du Maghreb, n’étaient pas forcément accessibles à ce public, comme l’aurait pourtant souhaité le festival. Résultat : des bâillements de la part de Calvin et Taylor. « Je ne pense pas avoir quelque chose d’intéressant à apporter sur un échange cinématographique, c’est là où je ne me retrouve pas », avoue également Mylène. Ainsi, quand la maîtresse de conférence à Paris 8 demande s’iels ont vu les films dont elle parle ou s’iels ont des questions, les services civiques ont du mal à lever la main.

Emna Mrabet, maîtresse de conférence spécialisée dans le cinéma du Maghreb, a pris la parole à l’espace Cosmopolis pour faire suite au film – Photo : Enora Moreau, 20/11/24

Mais, une fois sorti de la salle, le groupe semble tout de même tirer un bilan plutôt positif de cette journée. Les jeunes de 16 à 25 ans hochent d’ailleurs franchement la tête quand un intervenant leur demande : « Est-ce que ça vous a plu ? C’est écarté de votre mission mais c’est aussi lié ». Et c’est pour ce genre de réaction que le Festival des 3 Continents continue à faire de la médiation culturelle auprès de publics variés. Avec l’association La Cloche par exemple, qui propose de l’accompagnement aux précaires sur le plan social et culturel, il a été proposé d’assister à une séance du festival puis de partager un repas chaud ensuite.

Volontaire en service civique cette année à Fragil, Enora est passionnée de littérature, d'histoire, de cinéma... Son objectif est de devenir journaliste culturelle !

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017