• Yolande Brun à l’Espace Cosmopolis
19 décembre 2022

Festival des 3 Continents : vivre le cinéma autrement en offrant un hébergement chez soi

Dix jours de cinéma, de rencontres, de moments festifs : voilà ce que nous a offert la 44e édition du Festival des 3 Continents à Nantes et dans plusieurs communes de la région. Parmi la myriade d’invité·es du festival, une dizaine de professionnel·les du 7e Art reçu·es par des habitant·es de la ville.

Festival des 3 Continents : vivre le cinéma autrement en offrant un hébergement chez soi

19 Déc 2022

Dix jours de cinéma, de rencontres, de moments festifs : voilà ce que nous a offert la 44e édition du Festival des 3 Continents à Nantes et dans plusieurs communes de la région. Parmi la myriade d’invité·es du festival, une dizaine de professionnel·les du 7e Art reçu·es par des habitant·es de la ville.

Le Festival des 3 continents, manifestation de grande envergure, proposait cette année une généreuse sélection de 90 films d’Afrique, d’Amérique Latine et d’Asie et 32 pays représentés. Parmi la myriade d’invité·es du festival, une dizaine de professionnel·les du 7e Art reçu·es par des habitant·es de la ville. Car le festival bénéficie de plusieurs types de soutiens. Outre les 170 bénévoles, bien visibles sur les lieux, il mobilise également -de façon plus confidentielle- une dizaine de Nantais·es qui héberge gracieusement les professionnel·les.

Yolande Brun, hôtesse d’accueil nantaise, nous présente ce dispositif d’hébergement. Elle a choisi de vivre ce moment cinéphile en accueillant, avec son compagnon Olivier Dupont Delestraint, des invité·es du festival.

 

Une festivalière passionnée

Yolande Brun découvre le Festival des 3 Continents très jeune et elle a la chance de suivre les éditions sur plusieurs décennies. Son grand intérêt pour ce festival lui vient de son ancien poste d’animatrice pour la radio FIP. L’antenne nantaise organisait alors plusieurs prix (meilleure musique de film, prix du public, etc.). C’était l’opportunité pour Yolande d’assister aux séances et d’en parler à l’antenne.

Yolande souligne « Je vis vraiment ce festival comme un temps à part. Je m’immerge complètement dans ces cinématographies qui me touchent beaucoup. Au fur et à mesure, j’ai appris à connaître, à déchiffrer les codes de ces films étrangers. »

Spectatrice assidue, elle voit évoluer au fil du temps les parcours des réalisateur·trices et même de générations de réalisateurs·trices. Elle apprécie particulièrement la sélection Compétition internationale qui la « plonge dans des films récents et inédits en France ». Ces films contemporains fascinent cette citoyenne du monde : ils lui permettent de mieux saisir l’état de pays lointains, ils lui donnent les clés pour comprendre d’autres sociétés, d’autres modes de fonctionnement.

 

Arrietty le petit monde des chapardeurs

Le féérique visuel choisi par le Festival des 3 Continents pour illustrer l’hébergement des invité·es (extrait du film Arrietty le petit monde des chapardeurs)

Concrètement, comment se passe la mise en relation ?

C’est après avoir consulté le site web du festival et après avoir rencontré des gens qui avaient hébergé des réalisateurs ou des producteurs que Yolande a décidé de donner suite à cette proposition de soutien.

C’est simple, on remplit un formulaire sur le site. Le festival envoie un mail demandant si vous avez la possibilité d’accueillir une personne ou plus, selon vos disponibilités et vous met en relation les accueillant.es avec les demandeur·euses. Ensuite il ne reste plus qu’à échanger par mail pour une bonne organisation.

Quant aux personnes hébergées, il s’agit d’une dizaine de professionnel·les. Ils ont des profils variés, aussi bien des interprètes que des membres de l’équipe, des agents de billetterie, des sous-titreur·euses, des producteur·rices, des projectionnistes et même un journaliste.

Claire Allouche, en plein exercice d’interprétariat

Claire Allouche, en plein exercice d’interprétariat pour présenter « Corsario » de Raúl Perrone

 

Partage et esprit de solidarité

Depuis 3 ans, Yolande et Olivier sont aux petits soins de leurs invité·es, le temps du festival. Non seulement ils disposent d’un appartement dans le centre ville, un des critères attendus, mais en plus ils pensent que « l’espace est fait pour être partagé ». Cet accueil correspond d’ailleurs à une continuité d’actions qu’il et elle mènent depuis plusieurs années, auprès notamment de demandeurs d’asile.

Yolande ajoute : « Pour nous, accueillir est essentiel. Et le festival est accueillant, il transmet une chaleur humaine, quelque chose d’une solidarité internationale. Un des volets du festival, c’est Produire au Sud, un atelier de production co-construit avec des partenaires de différentes nationalités. C’est de l’entraide avec les pays riches qui aident les plus pauvres à produire du cinéma d’art et d’essai. Dans cet état d’esprit, on essaye aussi de partager ce qu’on a. Donc on donne les clés. ».

Cette année, ils reçoivent successivement trois professionnel·les, dont Claire Allouche, qui prépare une thèse sur le cinéma brésilien et argentin. « Fabuleuse traductrice espagnole », elle intervient en tant qu’interprète lors des présentations des films.

 

Un accueil gratifiant

Yolande insiste sur la reconnaissance des personnes accueillies : « elles sont contentes de venir et sont attentionnées ! Souvent elles nous laissent un petit cadeau. L’une va offrir un bouquet de fleurs sèches, l’autre un disque d’Atahualpa Yupanqui… »

Malgré les emplois du temps bien chargés des invité·es, Yolande arrive à trouver de courts moments pour échanger autour du cinéma. Elle profite de leurs avis pour orienter ses choix dans la riche programmation du festival. Comme tout·e festivalier·ère, elle adore écouter les prescriptions des professionnel·les.

Pour Yolande et Olivier, ce sentiment d’être utile est important. Ils participent à leur manière à l’événement culturel avec, à la clé, un bel avantage en nature : l’offre d’une accréditation qui donne accès à l’intégralité des séances. « L’accréditation, c’est l’open bar dans une pâtisserie !», déclare en souriant Yolande. De plus, elle est invitée à la cérémonie d’ouverture et au palmarès qui clôture l’événement. Prête pour la prochaine édition, Yolande recommande vivement ce mode d’accueil.

 

Echanges avec le public au Cinématographe

Hirokazu Kore-Eda répond volontiers aux questions du public, entouré par son interprète Léa Le Dimna et Florence Maillard, programmatrice du festival

Vivre le cinéma autrement

Cet esprit de découverte, de partage et de passion se retrouve également dans l’ADN du festival qui s’appuie sur ses bénévoles. Comme le reconnaissent les organisateurs, la présence de ces bénévoles concourt à faciliter le fonctionnement du festival. En contrepartie, tous les bénévoles reçoivent le kit du festivalier et le fameux sésame leur ouvrant les portes à toutes les séances. Une notion d’échanges, comme celle de l’hébergement, qui transcende l’aspect monétaire.

Pas étonnant que la manifestation constitue un moment chaleureux. D’ailleurs, même les festivalier·ères, qui se croisent lors des projections, échangent leurs points de vue sur la dernière séance à laquelle ils viennent d’assister. Les discussions vont bon train dans les files d’attente et à l’Espace Cosmopolis qui réunit la librairie, la billetterie, le bar et la restauration du festival. Après la projection des films, les échanges continuent en salle. En effet, les réalisateurs et réalisatrices ou leurs représentant·es présent·es sont à l’écoute du public et répondent volontiers à leurs questions.

Tout cela contribue à vivre et faire vivre « le cinéma autrement » comme l’indique avec justesse, les 3 mots qui soulignent le logo du Festival des 3 Continents.

 

Logo du Festival des 3 Continents

 

 

Nantaise de cœur, Caroline sillonne la ville entre concerts et spectacles. Ses autres domaines de prédilection : l'art contemporain, les arts graphiques et le cinéma ! Elle partage avec plaisir ses coups de cœur culturels.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017