27 octobre 2017

Du Glyphosate au retour à la terre

Du Glyphosate au retour à la terre

27 Oct 2017

Oeufs contaminés au Fipronil, Glyphosate partout, du bisphénol dans les cheveux et des perturbateurs endocriniens jusque dans nos céréales du matin, les produits de maquillage et les couches pour bébés… on en n’a pas fini d’entendre parler de ce que les médias appellent communément les “nouveaux scandales phytosanitaires”. Les médias adorent les scandales, et (il faut bien le dire) nous aussi. Il faut s’en indigner bien sûr. S’informer aussi, toujours, même si la transparence en matière de santé publique est encore aussi claire qu’une goutte d’eau dans un océan de pesticides.

Alors à qui la faute ? Là dessus, aucun doute : nous sommes tous responsables. Les politiques agricoles intensives mises en place après la seconde guerre mondiale jusqu’à aujourd’hui ont été menées par celles et ceux que nous avons nous-mêmes mis au pouvoir ; la mécanisation et l’utilisation massive d’engrais et de pesticides en tous genres ont amené depuis les années 1970 à une surproduction des ressources qui appauvrit la terre et attaque la biodiversité ; les systèmes de rétribution encouragent les plus grosses exploitations (qu’elles soient végétales ou animales) forçant les petits producteurs à entrer dans le cercle vicieux des subventions européennes ou à tenter de s’en sortir seuls via les circuits courts, le bio, les AMAPs, les marchés locaux et les ventes directes. Nous-mêmes nous sommes perdus et nous ne savons plus à qui faire confiance tant les informations manquent ou sont trop souvent trompeuses.

Fragil avait rencontré Pierre Rabhi en début d’année, et c’est pour nous l’occasion de rappeler encore et toujours que, tel le colibri, chacun peut faire sa petite part de travail face au grand incendie qui menace la forêt. À Nantes, les moyens de s’investir ne manquent pas : les rencontres directes entre producteurs et consommateurs se développent à grande vitesse, de nombreux projets de dépollution des sols par les plantes voient le jour et, à condition d’être un peu patients et de respecter le rythme des saisons, chacun peut demander à la Mairie de son quartier une petite parcelle de terre dans l’un des 35 jardins collectifs de la ville.

Il y a une dizaine d’années, on observait les grands mouvements citadins du “retour à la terre” : ces jeunes qui s’organisaient collectivement pour cultiver leur nourriture de manière autonome et responsable. Aujourd’hui plus que jamais, on a tous besoin d’un jardin pour résister à la frénésie et aux excès du monde.

 

À mi distance entre la pédagogie et le journalisme, Benoist est un passionné des cultures et des sociétés du monde, des sciences et des mythologies. Prof de formation, grand fan de "C'est pas sorcier!", ne voyage jamais sans son ukulélé.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017