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Un monstre au corps de femme décapité nous assène ses vérités tout en se caressant…
Une samouraï danse avec son arme sur un tatami dessinant des lignes droites au sol…
Un bébé, « mélange d’Elie Kakou et d’Eric Zemmour », jette une tétine pour lécher la lame d’une épée…
Ses parents se déchirent en se traitant de smoothie et d’abonnement Netflix…
Ce bébé se métamorphose en vieillard désespéré…
Une voix chante I keep on fallin’…
Dans son rite initiatique et sa quête de sagesse face à un sage sur fond de om repris en mantra par trois moines, Le même samouraï se tranche le bras et provoque une effusion de sang digne de Tarantino…
Ce sage descend de son piédestal et devient clochard céleste sous des minuscules flocons de neige…
Une voix, différente de la première, entonne ironiquement le fameux What a wonderful world de Louis Armstrong…
Puis une femme déclame son désarroi, son incapacité à vivre, à réaliser ses rêves…
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Voilà ce que Tanguy Malik Bordage et sa troupe nous ont donné à voir lors de ces trois représentations. Plusieurs tableaux qui laissent deviner une intention, un univers à explorer.
Une exploration
Le metteur en scène avait prévenu la centaine de spectateurs réunie au Nouveau Studio Théâtre :
« Ce que vous allez voir est le fruit d’un peu plus de trois semaines de travail. C’est une sorte d’excroissance de la pièce qui sera présenté au mois de juin à Angers et à Nantes. Cependant, il est tout à fait possible que rien ne subsiste dans la version finale. C’est donc une sorte d’exploration dans l’univers de Guerrières. »
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Après Le Loup des steppes et Tourista, Tanguy Malik Bordage a une fois de plus joué de son talent de provocateur moderne pour mettre en scène sa recherche de style et son refus des codes. A travers le plateau fait de lignes. A travers un rythme qui emporte le spectateur. A travers les comédiens incarnant cet univers et qui se métamorphosent en plusieurs personnages. Saluons au passage Coline Barraud, Baptiste Allaert, Alice Tremblay, Aude Martos et Armel Façon, qui, chacun dans son style, ont personnifié le monde du « bouillonnant et talentueux metteur en scène nantais ».
Interrogations et questionnements
Tanguy Malik Bordage s’interroge et utilise le théâtre pour dévoiler ses questionnements. S’inspirant de la mythologie orientale, il expose aux yeux de tous et sans aucune pudeur ses démons, sa quête de paix et de sérénité. Il est humain, a beaucoup de questions et tente de trouver des réponses. Libre, sincère et agitateur, il propose dans Guerrières un rite initiatique qui ne manquera pas d’interpeller les spectateurs.
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L’errance du créateur
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Fragil : Une maquette qui ne reflète que l’univers de la future pièce, est-ce ce qui est habituellement fait ?
Tanguy Malik Bordage : Non. Ce qu’il y a de particulier dans ma démarche, c’est que je ne maitrise rien. Elle est purement sensible et instinctive. C’est une sorte de long processus. Et ça finit par faire un spectacle un peu par miracle. Il est donc très dur pour moi de présenter quelque chose de concret, précis et intelligible aussi tôt dans le processus de création. Cette maquette reflète donc bien l’errance dans laquelle je me trouve quand je créé une pièce.
« Les éléments sont validés, mais il reste un énorme travail d’écriture et de dramaturgie »
Fragil : Au terme de ces 3 jours, quelles sont vos certitudes ?
Tanguy Malik Bordage : Ce qui m’a énormément plu, c’est que les gens étaient très réactifs et avides de tout le côté fabuleux, mythologique, notamment la première scène avec la tête coupée. Ils se sont montrés très friands de l’univers de fiction pure, de fable et de conte. Ça me plait beaucoup. Parce que c’est très dur pour moi d’assumer le premier degré. Il y a toujours une distanciation, un cynisme, une peur de ce premier degré. Et là, j’aimerais créer un spectacle qui n’a pas peur de s’engager dans la fiction, dans le fait d’y croire, dans ce premier degré. Ensuite, la scénographie marche très bien. C’est vraiment l’écrin de cette création. Elle est beaucoup plus minimaliste que celles de mes deux précédents projets et fonctionne très bien. Je suis également très content de mon équipe d’acteurs. Ils ont un énorme potentiel, mais également des failles et des doutes. Après avoir expérimenté ensemble cette première épreuve, on va encore plus facilement travailler ensemble et il y a un vrai désir. En résumé, tous les éléments sont validés, mais il reste un énorme travail d’écriture et de dramaturgie.
« Une quête initiatique féminine »
Fragil : Guerrières, vous aviez la volonté de mettre les femmes à l’honneur ?
Tanguy Malik Bordage : J’avais envie de mettre en scène des héroïnes. A l’inverse de mes deux précédents spectacles qu’on vivait à travers mon prisme masculin, j’avais envie d’écrire à travers le prisme de femmes. Notamment, en faisant référence à l’univers des films asiatiques sur le kung fu dans lesquels il y a souvent des héroïnes très marquées. Ceci dit les titres, c’est souvent très compliqué parce qu’on les choisit très tôt dans la création et après ça nous suit un peu sans savoir s’ils font encore sens. Malgré son côté abrupte, il y a quelque chose qu’il reflète qui me convient, c’est cette quête initiatique de femme.
« Un espace de tous les possibles »
Fragil : Est-ce une volonté consciente ou inconsciente d’être provocateur ?
Tanguy Malik Bordage : Je ne pense pas que ce soit provocateur de mettre sur scène une femme nue qui se masturbe. Le côté transgressif de ce genre de choix est selon moi un peu ringard. Là, ce qui m’intéressait, c’était le décalage inquiétant et poétique lié à la situation de ce démon qui incarne une sorte de peur avec ce corps féminin qui se masturbe. C’est une sorte de tableau sensible, sans la vocation de choquer. Donc si ça choque, c’est malgré moi et donc totalement inconscient. Surtout que la lumière est tamisée, on ne voit pas sa tête, c’est donc impersonnel… L’espace scénique est un espace de transgression où l’on montre des choses qu’on oserait pas faire dans la vie, il doit rester un espace de tous les possibles. Il me paraît important de ne pas lâcher cet aspect et de ne pas se laisser bouffer par la morale, quelle qu’elle soit.
Reste à savoir si les thèmes qui seront finalement développés resteront les mêmes et si cette « épopée tragi-comique onirique » sera menée de cette manière à son terme.
Réponse en juin pour les Angevins et en octobre pour les Nantais.
Dessin de tête : ©Sarah Nyangué