Hé Ho, du bateau !

10 Fév 2017

François, Emmanuel, Benoît, Marine et Jean-Luc sont sur un bateau et certains sont plus proches du bord que les autres. Quand Benoît surfe sur la vague de sa récente victoire à la primaire, ouvrant la porte à une alliance avec un Mélenchon plus en forme que jamais avec son nouveau jouet : un hologramme tout droit sorti du Retour du Jedi. Emmanuel, lui, recherche son souffle pour mettre en place un programme qui pourrait le faire élire. « Je ne veux plus entendre autre chose que « l’important c’est de travailler » a-t-il déclaré lors de sa « grand-messe » à Lyon ce week-end. Son discours reprend les idées posées depuis la suppression du RMI en 2009, selon lesquelles une personne sans emploi a le devoir de se lancer éperdument à la recherche de celui-ci. C’est le glissement du devoir étatique censé assurer un minimum vital à ses citoyens grâce au RMI, vers une responsabilisation de l’individu qui ne reçoit le RSA qu’à condition de démontrer sa motivation à chercher ledit travail. De son côté, Marine suis son chemin. Retournement de veste, la peine de mort n’apparaît soudain plus dans son programme, soutien inconditionnel aux bavures policières, et démagogie anti-européenne, elle n’étonne plus vraiment. François, lui, c’est une autre histoire, il a décidé lundi de « contre-attaquer », autant dire qu’il va tenter de traverser le Pacifique à la nage avec un boulet au pied. Sa femme ayant elle-même déclaré qu’elle n’avait jamais travaillé en tant qu’assistante parlementaire, et sa fille ayant vraisemblablement été en stage de droit au moment même où elle était censée occuper ce poste. Et bien qu’il ait arrêté de lire les journaux et leurs « calomnies et boules puantes », on ose espérer qu’il ne s’en sortira pas juste en s’excusant pour son erreur ou en publiant son patrimoine un mois avant la date obligatoire imposée par les élections, ou alors… Et nous dans tout ça ? Ce bateau paraît seul, perdu dans une tempête dont il aura bien du mal à se tirer, et le chemin jusqu’au bureau de vote paraît plus long que jamais. Il va falloir choisir, ou choisir de ne pas choisir, et c’est là peut-être le plus difficile.


Pierre Hémono, 10 février 2017

« Dans une petite salle sombre et odorante, j’essaye de retrouver le sens de la vie en tapant des lettres au hasard. »

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017