18 septembre 2024

Hôpital public en crise : le personnel du CHU de Nantes tire la sonnette d’alarme

Le samedi 14 septembre, l'intersyndicale hospitalière a mobilisé plus de 200 personnes devant le CHU de Nantes. Face aux fermetures continues de lits et à la pénurie de soignant·es, qui peinent à être recruté·es, les professionnel·les de santé font état de leur profonde inquiétude quant à l’avenir des services hospitaliers.

Hôpital public en crise : le personnel du CHU de Nantes tire la sonnette d’alarme

18 Sep 2024

Le samedi 14 septembre, l'intersyndicale hospitalière a mobilisé plus de 200 personnes devant le CHU de Nantes. Face aux fermetures continues de lits et à la pénurie de soignant·es, qui peinent à être recruté·es, les professionnel·les de santé font état de leur profonde inquiétude quant à l’avenir des services hospitaliers.

Samedi 14 septembre, plus de 200 personnes se sont rassemblées à 11h devant les portes du CHU à Hôtel-Dieu, pour dénoncer les conditions de travail et d’accueil de l’hôpital public. Au même moment, la sous-préfète et un·e représentant·e de l’Agence Régionale de Santé (ARS) recevaient les représentant·es des différentes organisations syndicales.

La fille de Jean, infirmier en unité psychiatrique au CHU de Nantes. 14/09/24, @ju_dcntz

Fermetures de lits : une crise qui s’aggrave

« Nous dénonçons principalement la fermeture des lits, c’est là le problème majeur », explique Élodie, déléguée syndicale à la CGT. Elle connaît bien l’hôpital, où elle travaille depuis 24 ans, d’abord comme soignante puis comme gestionnaire administrative. Son constat est partagé avec l’ensemble de ses collègues : « On peut être pris en charge aux urgences, mais il n’y a ensuite plus de lits pour être transféré dans les autres services. Soit on est renvoyé chez nous, soit redirigé vers d’autres établissements qui ont les mêmes problèmes. »

C’est aussi une situation que subit Jean, infirmier dans le service de psychiatrie. « Nous n’avons que 14 lits de pédopsychiatrie dans le département. Ils sont tellement en sous-effectifs qu’il n’y a plus de prise en charge pour les enfants suicidaires, même après une tentative de suicide. » Dans ce service, la pénurie oblige parfois des adolescent·es à être mélangé·es à des adultes pour accéder à des soins. « Le manque de soignants cause des accidents. On a déjà constaté des viols », déplore la déléguée syndicale.

« Santé mentale de nos enfants en danger, tous mobilisés, tous concernés », 14/09/24, @ju_dcntz

Des coupes budgétaires qui aggravent la situation

Le 7 juillet, le ministre démissionnaire des Finances Bruno Le Maire, annonçait une nouvelle coupe budgétaire de 5 milliards d’euros. « Il veut faire des économies de plusieurs milliards, mais il va taper où ? Il n’y a plus rien à prendre. », pique Élodie. Il appartiendra au futur·e ministre de décider de continuer à geler, ou non, ces coupes. Cette annonce intervenait quelques jours après le scandale du nouveau logo du CHU de Nantes, qui a coûté 185 000 euros, soit l’équivalent du salaire annuel d’une dizaine d’aides-soignant·es. Une dépense qui ne passe toujours pas pour la CGT qui réclame « le départ du directeur général« , Philippe El Saïr, qualifiant de « bling-bling » sa gestion : « C’est inacceptable. Nous avons alerté la commission des comptes et le ministère de la Santé. Nous savons qu’une enquête administrative est en cours. ».

Un appel à la mobilisation générale pour défendre les services publics

Pour Christian, militant de Révolution Permanente et soutien du personnel hospitalier, « la solution pour se faire entendre » passerait par une grève générale de la fonction publique : « Il faut une mobilisation de l’ensemble des services publics pour exiger des moyens, surtout avec l’approche du vote du budget. Nous devons clairement dire que nous n’acceptons plus les politiques en place. »

Tout au long du parcours vers la Préfecture, les différentes prises de parole des syndicats ont unanimement dénoncé « la politique de rentabilité à outrance menée depuis des années« , qui a conduit à des « conditions de travail inhumaines et des salaires trop bas« , provoquant « de nombreux départs par dégoût ou pire, par désespoir. »

Un membre du personnel soignant brandissant un drapeau de la CGT devant la Préfecture. 14/09/24, @ju_dcntz

La fermeture continue de lits, le manque de soignant·es, et les incertitudes sur les futurs moyens de l’hôpital public sont au cœur des préoccupations. Les professionnel·les de santé appellent à une prise de conscience collective et à une mobilisation des usager·ères, qui sont et seront durablement impacté·es par cette situation.

Plus vite, plus fort, et à plus grande échelle : c’est dans l’idée de se construire comme journaliste et faire porter la voix des autres qu’elle a rejoint Fragil.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017