10 novembre 2023

Impressions Mutantes, objets curieux : déambulation dans l’univers d’une micro-édition en pleine mutation

« Micro-édition », se dit d’une pratique éditoriale « spontanée » et « à toute petite échelle ». « Auto », qu’on fait soi-même, qu’on fabrique de bout en bout. Du 2 au 12 novembre, le Festival des Impressions Mutantes propose, aux ateliers de la ville en bois, un moment suspendu pour découvrir le travail de 120 artistes émergent·es qui mettent en valeur le livre en tant qu’objet, façonné, pensé, aimé. Dans une multitude de formes, les lecteurices sont invité·es à redécouvrir l’objet imprimé façon « mutantes ».

Impressions Mutantes, objets curieux : déambulation dans l’univers d’une micro-édition en pleine mutation

10 Nov 2023

« Micro-édition », se dit d’une pratique éditoriale « spontanée » et « à toute petite échelle ». « Auto », qu’on fait soi-même, qu’on fabrique de bout en bout. Du 2 au 12 novembre, le Festival des Impressions Mutantes propose, aux ateliers de la ville en bois, un moment suspendu pour découvrir le travail de 120 artistes émergent·es qui mettent en valeur le livre en tant qu’objet, façonné, pensé, aimé. Dans une multitude de formes, les lecteurices sont invité·es à redécouvrir l’objet imprimé façon « mutantes ».

Ielles sont quatre artistes de la scène nantaise, Juliette Morisse, Victor Tetaz-Josse, Alexane Leprieult et Gaël Forcet-Moreau, et sont sorti·es de l’École des Beaux-arts de Nantes en 2022 avec l’envie de créer leur collectif et partager leurs connaissances autour de l’objet livre. Pour sa deuxième édition, leur festival Impressions Mutantes tisse sa toile au sein des ateliers de la Ville en Bois, du 2 au 12 novembre. Plus de 200 objets imprimés sont à découvrir dans cette exposition, venus de toute la France : livres façonnés à la main, cousus, piqués, agrafés, objets bizarres, à manipuler. Des œuvres hors normes, qui font la part belle aux techniques d’impression artisanales et originales.

Impression-mutantes : une exposition-bibliothèque

Impression-mutantes : une exposition-bibliothèque

L’expérience proposée est celle d’une déambulation au milieu d’une scénographie créée à huit mains, avec des matériaux de récupération. Dans l’espace découpé, des bâches qui abritent des livres, suspendus entre le plafond et le sol. Et dans tous les coins, des tabourets en bois, des morcellements de mousses, des gros poufs qui ressemblent à des étoiles de mer ballonnés : on peut s’y installer, sans être sûrs de se relever un jour. « Une sorte d’exposition, mais aussi de bibliothèque » explique Gaël, « un salon de l’édition qui casse l’idée parfois intimidante de la table et de son exposant derrière ».

Prendre le temps de la curiosité

Ici, pas de barrière, donc : vous êtes invité·e à vous promener, observer, feuilleter quelques pages. Un temps suspendu, qui s’éloigne des rapports presque exclusivement commerciaux qu’on peut trouver dans les marchés de livres habituels. D’ailleurs, « Tous les livres et objets ne sont pas à vendre », fait remarquer Gaël.

« On voulait créer quelque chose qui permette de découvrir les travaux des gens, qui est plus un espace d’exposition du livre, considéré vraiment comme une œuvre, et donner le temps aux gens de le découvrir, de partager les travaux, voir ce qu’il est possible de faire sans le rapport mercantile. » raconte Alexane.

Gaël ajoute : « Les œuvres qui ne sont pas à vendre, on ne va pas les retrouver sur un salon d’édition. Pas mal de pièces sont même uniques et on leur offre un espace qui leur permet d’avoir une vie, d’être consultées. » Glanage en règle, au milieu de ces objets rares et précieux, j’ai trouvé : un coffre aux trésors, un vrai, avec des feuilles pliées à l’intérieur, un petit lit dont on peut feuilleter les draps (J’ai changé les draps, la sadness est restée, Ali), une étude sur un film de Mariah Carey (Analyse sur la traduction et le doublage dans le film Glitter, Nicolas Frachisse), une histoire risographiée où les gens ont des maisons-chaussures (Scules, Diversion), un livre de toutous (Toutous 2023, Elise Legal), un classeur de photos d’objets trouvés dans la rue (Collection de vie, Luna Lambert).

Un livre-lit, l’une des pépites de l’exposition

La sélection d’œuvres exposées, vous l’aurez compris, repose sur une infinité de supports et de matériaux. Mais les Impressions mutantes, c’est aussi le porte-voix d’une micro-édition foncièrement politique. Alexane, qui comme ses camarades fait un travail entièrement bénévole pour le festival, précise leur choix éditorial :

« Ça nous tenait à cœur de donner une place au discours Queer, au discours de celleux qui sont dans la précarité, au discours des jeunes artistes. »

Les livres suspendus entre sols et plafonds

Impressions mutantes, une exposition-bibliothèque hors genres et hors normes, qui se découvre encore jusqu’au dimanche 12 novembre, aux ateliers de la Ville en Bois.

ATELIERS DE LA VILLE EN BOIS
21 rue de la ville en bois, 44100 NANTES
ENTREE PRIX LIBRE

 

 

Margaux est arrivée à Nantes il y a quelques mois pour se lancer dans la vie tumultueuse d'illustrautrice, après quelques années parisiennes en tant qu'éditrice jeunesse. Elle aime écrire des BD rigolotes et a une vive inclination pour les livres, l'art et le féminisme.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017