Noir salle. Une scène nue apparaît alors qu’affleure la lumière. Six danseurs forment une boule en suspension, dans une introduction lente, où chaque mouvement est décomposé à l’extrême.
Soudain, la musique de Georges Gerschwin entre en scène et impose son énergie, à laquelle viennent se mêler les bruits du compositeur Mauro Lanza. Le corps des danseurs devient un instrument, tantôt piano tantôt cuivre, tantôt rythme tantôt mélodie. Les mouvements s’amplifient, se démultiplient, les corps s’ouvrent.
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Le corps des danseurs devient un instrument, tantôt piano tantôt cuivre, tantôt rythme tantôt mélodie.
Les différents points d’entrée du son (en haut, à gauche, en frontal, tout autour de la salle), les volumes sonores inégaux et la variation des versions musicales du Piano concerto en fa de Gerschwin, impulsent les interprétations dansées et azimutent le spectateur.
Partition pour plusieurs corps
La musique, le rythme, s’imposent aux danseurs. Ils n’ont d’autre choix que de les suivre. Parfois, cela semble difficile. Les danseurs marquent des pauses, comme un jeu de « un, deux, trois, soleil » désarticulé et déstabilisant.
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Chacun doit jouer sa partition, avec cette difficulté inhérente à tout groupe social : garder sa liberté tout en évoluant avec les autres. Une belle place est ainsi laissée aux solos, véritable espace d’expression de chaque danseur, pour ensuite se retrouver à deux, puis trois, et enfin se rejoindre à l’unisson.
Chacun doit jouer sa partition, avec cette difficulté inhérente à tout groupe social : garder sa liberté tout en évoluant avec les autres.
Une seule règle imposée par Thomas Hauert : épouser la musique, sa structure. Pour le reste, le chorégraphe a demandé à ses danseurs de suivre leur intuition et d’improviser leur interprétation, rendant chaque représentation unique.
Mickeymousing
Dans le monde du cinéma, on utilise ce terme pour désigner une musique de film qui souligne exactement chaque mouvement physique de l’action, comme dans les premiers dessins animés de Mickey Mouse. En danse, le « mickeymousing » indique la pratique inverse, où le mouvement suit exactement la musique. La danse devient la parole, les gestes des dialogues.
La danse devient la parole, les gestes des dialogues.
C’est une pratique inhabituelle voire dédaignée en danse contemporaine, où les mouvements vont souvent à l’encontre de la musique, à contretemps du rythme. Thomas Hauert a voulu s’attacher ici à explorer la fascination de chacun d’entre nous pour les danses populaires, chorégraphiées et coordonnées avec la musique dans ses moindres détails.
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La synchronisation des mouvements avec la musique engendre plusieurs interprétations : celle des danseurs faite avec leur corps et celle des spectateurs comme sens donné à ce qu’ils entendent et ce qu’ils voient.
Et c’était la volonté de Thomas Hauert, qui a créé Inaudible « parce qu’on n’entend jamais tout dans une musique. Ici, on entend certains éléments parce qu’on les voit dans la danse ».