9 mars 2017

Internet n’oublie jamais

Internet n’oublie jamais

09 Mar 2017

Pour beaucoup d’entre nous, lorsque nous cherchons une information sur un quelconque sujet, notre premier réflexe est de questionner l’ami Google. Ce moteur de recherche qui sait pratiquement tout sur tout avec ses millions de résultats de recherche. Mais lorsque nous nous intéressons plus précisément à quelqu’un, nous fouillons surtout les réseaux sociaux pour obtenir la moindre trace numérique de la personne en question. Personne ne l’avoue, mais tout le monde le fait. On appelle cela stalker, « traquer » si vous préférez, d’ailleurs Léopold en parle vraiment bien sur Vice. Cette technique est de plus en plus utilisée par les médias pour s’informer sur des individus pour alimenter un sujet d’actualité. Récemment, le jeune Sébastien Troadec, membre de la famille assassinée à Orvault, en a été la victime. Longtemps désigné comme étant le suspect n°1 de cette affaire, à cause de ses anciens messages postés sur le web et de sa voiture disparue, il est devenu la cible d’une véritable traque numérique, voire judiciaire, laissant de nombreuses hypothèses surgir et alimenter le feuilleton judiciaire. Des individus ont même déclaré l’avoir aperçu. On apprendra finalement que Hubert Caouissin, le beau-frère de Pascal Troadec, le père de famille, aurait orchestré le 16 février 2017, peut-être avec la complicité de son ex-femme, l’horrible massacre, pour une histoire d’héritage. Avant même le tribunal judiciaire, le tribunal populaire s’était prononcé et nous amène à nous poser une question : « Que faire de nos innombrables messages disséminés sur la Toile ? ». Ces messages qui, des semaines, mois et années après leurs publications tendraient à forger notre identité actuelle. Ces messages qui, publiés dans un contexte respectif propre à chacun et à son histoire, semblent dépasser toute temporalité comme s’ils avaient été prononcés lors de leur consultation. Beaucoup moins dramatique mais plus cocasse, François Fillon est un homme politique qui est en droit de se poser cette question. Les traces numériques qu’il laisse sont des prises de position qui se retournent aujourd’hui contre lui dans l’affaire qui le tourmente.

Deux exemples, deux situations pour montrer que chaque internaute laisse des traces, des bribes de soi, par-ci, par-là. Il s’agit maintenant pour nous de nous questionner sur ce que nous souhaitons dire à la Terre entière ou ce que nous voulons garder intimement… pour éviter tout jugement pouvant nous porter atteinte demain, dans 5 ou 10 ans. N’oublions jamais qu’Internet n’oublie jamais.


Valentin Gaborieau – Mars 2017

À l'affût des dernières innovations numériques, Valentin a un goût prononcé pour l'info 2.0. La création de projets journalistiques innovants et l'usage du numérique par différents publics sont des domaines qu'il affectionne, parmi tant d'autres...

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017