8 décembre 2017

Jacky Molard Acoustic Quartet : Une musique bretonne teintée de parfums d’ailleurs…

Suivi de près par le Nouveau Pavillon depuis la création du groupe en 2006, Jacky Molard Acoustic Quartet est revenu ce jeudi 30 novembre jouer son album Mycellium. Nous avons eu l’honneur de découvrir en avant-première ce dernier opus avant sa sortie dans les bacs.

Jacky Molard Acoustic Quartet : Une musique bretonne teintée de parfums d’ailleurs…

08 Déc 2017

Suivi de près par le Nouveau Pavillon depuis la création du groupe en 2006, Jacky Molard Acoustic Quartet est revenu ce jeudi 30 novembre jouer son album Mycellium. Nous avons eu l’honneur de découvrir en avant-première ce dernier opus avant sa sortie dans les bacs.

La salle de spectacle Le Nouveau Pavillon de Bouguenais propose une programmation riche, dédiée aux musiques traditionnelles actuelles. Jacky Molard est un violoniste incontournable de la musique actuelle bretonne. Il était accompagné d’Hélène Labarrière (contrebasse), Yannick Jory (saxophone) et Janick Martin (accordéoniste). La musique bretonne a beaucoup évolué, on est loin du couple Biniou/Bombarde du 19è siècle. Aujourd’hui, elle s’ouvre à toutes les sonorités du monde, en témoignent les accents orientaux et roumains qui envoûtent l’auditoire.

Bien au chaud dans nos fauteuils, on oublie vite le froid qui sévit dehors grâce au son des premières notes du quatuor. Des résonances qui nous emmènent directement aux confins de la Syrie . Nul besoin d’aller très loin pour voyager ! Les paroles ne manquent pas non plus, on suit les murmures du violon, véritable chef d’orchestre. Comme nous le fait remarquer Jacky Molard, « la musique remplace toutes les langues, elle est parole universelle ! »

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Chacun des musiciens s’envole vers moult horizons, et nous suivons leurs rêves émerveillés. Il règne une véritable symbiose entre eux. Leur musique est à l’image de leur complicité, en parfaite harmonie. Un invité exceptionnel vient se greffer à ce concert déjà bien entamé, il s’agit de François Corneloup. Accompagné de son saxophone baryton, il propose sa composition, écrite à la demande du groupe, pour la nouvelle année 2017.

La musique du quatuor se veut par moments moins enjouée, comme « La marche des gens qui s’en vont », très bel hommage à ceux qui nous quittent trop tôt. Cette fois, on laisse la place à une mélodie plus sombre, les sons s’alourdissent, comme si les ténèbres s’ouvraient sous nos pieds.

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On découvre aussi le morceau Mycelium qui donne son nom à l’album. Jacky Molard nous explique que, comme son nom l’indique, « ce champignon (Mycelium) est primordial à la vie organique et qu’il est à l’origine d’une formidable chaîne vectrice de vie sous nos pieds ». Le parallèle s’établit aisément avec le réseau musical, qui est lui aussi vital pour lutter contre tout ce qui est inhumain, et en l’occurrence, la « bêtise de l’ homme » !

C’est donc une musique vivante, à l’image de la vie qui passe ! Ainsi s’achève le très beau concert de Jacky Molard Acoustic Quartet. C’est un moment exquis, plein d’émotion, ou les musiciens nous ont littéralement fait voyager ! Je recommande vivement !

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Rencontre avec Jacky Molard

À l’issue du concert, Jacky Molard nous reçoit chaleureusement pour répondre à nos questions.

Fragil : Qu’évoque pour vous le terme « World music », créé pour désigner ce style de musique du monde, différent des styles habituels jazz, rock, etc ?
Jacky Molard : Pour moi la « world music » c’est surtout un terme commercial, cela sert à vendre chez les disquaires, à avoir une catégorie qui regroupe plein de musiques très différentes . Avant on appelait cela de la musique traditionnelle ou folk. On achetait les disques sans que cela ne soit étiqueté « world music »..

Fragil : Vous mariez la musique bretonne avec pleins de sons d’ailleurs et vous laissez une grande place à l’improvisation dans vos morceaux… Pourquoi avoir eu envie de bouleverser les codes de la musique traditionnelle, de sortir des thèmes justement ?
Jacky Molard : Je ne bouleverse pas les codes. La musique n’est pas un « arrêt sur image ». C’est quelque chose qui est toujours en perpétuel mouvement, en évolution constante. Ce sont les musiciens qui la font vivre. La musique bretonne a beaucoup évolué. Autrefois, on trouvait les sonneurs ou chanteurs qui voyageaient et qui véhiculaient leurs messages. Ceux-ci étaient digérés et réutilisés par d’autres musiciens, et ainsi de suite. La musique est faite pour être utilisée afin d’en faire toujours de nouvelles choses. D’autre part, je ne m’intéresse pas qu’à la musique bretonne. J’écoute plein d’autre styles de musique qui me bouleversent et qui m’inspirent, (dans le passé les Beatles par exemple, aujourd’hui beaucoup de musique classique). Alors non on ne peut pas dire qu’on change les codes, même s’il y en a toujours, on se permet juste d’aller puiser ailleurs ce qui peut enrichir la musique.

 

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Fragil : Il y a beaucoup d’influences dans votre musique, véritable porte ouverte sur le monde, quels sont les voyages qui vous ont le plus inspiré(s) ?
Jacky Molard : La Roumanie m’a beaucoup inspiré. L’Irlande aussi, car j’ai appris le violon par la technique irlandaise. Je suis originaire de St Malo et quand j’étais enfant, il était plus difficile de se procurer des disques de musique d’ailleurs. On n’avait pas internet comme aujourd’hui. Mes 3 frères, plus vieux que moi, voyageaient beaucoup et me ramenaient des disques « improbables ». Cela a été une vraie chance d’avoir accès à ces enregistrements d’autres pays.
Je suis aussi allé dix jours au Yémen à Sanaa. Même si je ne parle pas arabe, on a eu cette chance, grâce à la musique, de s’être compris très vite entre musiciens. la musique permet de communiquer entre nous sans avoir la barrière de la langue.

Fragil : Comment faites vous pour rencontrer les artistes d’ailleurs et ainsi envisager une future coopération ?
Jacky Molard : On se rencontre au fur et à mesure de notre carrière avec les musiciens d’ailleurs. Les festivals, les hasards des rencontres font qu’on se retrouve. C’est lors de ces événements que l’on prend contact et que l’on se dit qu’on pourrait travailler ensemble. En faisant de plus en plus d’événements on rencontre aussi de plus en plus de personnes et c’est ainsi qu’on créé son réseau.

Fragil : Quels sont vos projets ?
Jacky Molard : Sans hésiter, continuer de jouer, de faire ce que l’on fait. De toute manière, la musique, je pense qu’on ne l’arrête que quand on ne peut plus en jouer. Cela ne me paraît pas envisageable d’en être « dégouté ». Cela fait un tel bien, pour moi c’est vital !

 

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La musique et la culture bretonne

Fragil : Comment est perçue la musique bretonne à l’étranger ?
Jacky Molard : Elle est très méconnue. On parle souvent de musique celtique, qui regroupe les musiques écossaise, irlandaise, bretonne, mais aussi galloise, galicienne…En fait le rapport qui existe vraiment se trouve entre l’Ecosse et l’Irlande, de culture gaelique. Ces pays sont en lien direct avec les Etats-Unis, du fait de l’immigration . Le business et le rayonnement mondial se font donc avec les musiques de ces pays. La musique bretonne reste ancrée à la France, on reste un petit pays. On a joué plein de fois aux Etats-Unis mais dans des endroits précis, pour un public averti, rarement sur des grosses scènes.

Fragil : Quel avenir, selon vous, pour la musique et la culture bretonne ?
Jacky Molard : Il y a une relève prometteuse en ce qui concerne les jeunes musiciens. Ils ont une « super » énergie ! On n’a jamais eu un niveau aussi bon dans les écoles. Le seul bémol que je mets c’est que j’espère que l’esprit de la danse sera bien conservé. Je m’explique : Dans un monde où tout va de plus en plus vite, je souhaite vraiment que les aspects liés à la musique de danse soient maintenus, je pense notamment à la technique. Sinon, l’essence même de la musique bretonne risque d’être perdue. Avant, les gens dansaient avec les sonneurs, musiciens. Eux connaissaient très bien les pas, ce qui leur permettaient de faire danser les gens. Si les musiciens actuels ne connaissent pas la danse bretonne, ils auront du mal à faire danser le public. Il faut bien faire attention à ne pas perdre l’esprit de la musique bretonne et la danse en fait partie. Tout va tellement vite aujourd’hui, que des fois certaines choses sont dénaturées. On perd vite leur nature profonde.

Fragil : A l’instar de Stivell qui est très engagé dans une démarche militante, comment vous situez vous? Etes vous engagé pour la culture bretonne ?
Jacky Molard : Je ne suis pas nationaliste. je ne m’inscris certainement pas là-dedans. Au contraire je suis pour une ouverture sur le monde, plutôt qu’un repli sur soi. En ce qui concerne la Bretagne, je m’inscris dans un courant culturel mais je ne suis pas dans un courant politique. Je suis breton , fier de mes racines, mais ce n’est pas pour autant que je revendique l’indépendance de la Bretagne. Je regrette vivement le massacre de la langue bretonne mais, même si le combat pour maintenir en vie la langue bretonne est un beau combat, je crois qu’on ne parviendra pas hélas à regagner ce qui a été perdu. Et nous avons tant de choses à combattre aujourd’hui!

 

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Guide touristique de métier et amoureuse inconditionnelle des mots, Pauline aime raconter des histoires. Chaque paysage, chaque lieu, chaque rencontre est pour elle source d’inspiration. Aventurière dans l’âme, une autre passion l’anime et la suit en voyage… le dessin ! Tel l’inséparable compagnon, son carnet de croquis vit au travers de ses aventures…

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017