Serge est grabataire mais profite d’un après-midi pour livrer ses souvenirs à Valentin, son petit-fils doué en dessin. En 1939, c’est la Retirada : des milliers d’espagnols fuient la dictature franquiste. Les français les parquent alors dans des camps. À l’époque, gendarme affecté à la surveillance de ces derniers, Serge se lie d’amitié avec Josep Bartoli. Le dessinateur et caricaturiste espagnol à la vie romanesque, sera incarcéré dans sept camps avant de s’enfuir vers le Mexique et les États-Unis. Le récit vu à travers les yeux du gendarme maintenant très âgé se permet des sauts dans le temps, des fabulations mais s’attache également à l’âpre réalité. La mort, la faim, la violence, le racisme. Serge s’arrange avec les ordres afin d’ouvrir des espaces de liberté et d’aide aux espagnols enfermés. Le dessinateur de presse Aurel et le scénariste Jean-Louis Milesi racontent cet épisode peu connu de l’Histoire à travers le récit fictionnalisé de la vie de l’artiste dans un très beau film d’animation.
L’animation comme une composition
L’animation est saccadée, à l’instar de la mémoire vacillante du vieil homme. Ces images peu animées se révèlent être de véritables compositions, des tableaux par lesquels se manifeste le talent d’Aurel pour retranscrire ses personnages, leurs émotions mais aussi la brutalité du sujet. À cela se mêlent des dessins originaux de Josep témoignant de la vie dans les camps, rappelant le talent de l’artiste et la force du dessin de presse, dans lequel tout se dit en une page. Aurel livre avec ce film un hommage vibrant et personnel au dessinateur.
Le beau casting de voix donne du relief à l’ensemble avec le catalan Sergi López dans le rôle de Josep, François Morel dans celui d’un gendarme ordurier ou encore Bruno Solo dans celui de Serge. La bande son est signée par la chanteuse espagnole Silvia Pérez Cruz qui illumine le film de sa voix envoutante.
Des thématiques fortes
L’ambition d’Aurel était de réaliser « un film personnel au service d’un autre dessinateur ». Il découvre Josep Bartoli un peu par hasard, dans un salon du livre grâce à l’ouvrage que George Bartoli consacre à son oncle.
Les dessins politiques, critiques du pouvoir le saisissent. Les croquis des camps particulièrement. Il éprouve alors le besoin de se plonger dans cette histoire, de « la digérer puis la faire revivre à travers le filtre de mon crayon » affirme-t-il. Le sujet du film sera le dessin, son incarnation Josep Bartoli.
Mais d’autres thèmes traversent le film. Celle de l’histoire des migrations et du traitement de cet Autre, qui revêt des origines différentes selon les époques. Celle de l’héroïsme ordinaire aussi, de la participation de certains à ces fenêtres de résistance. Aurel confie qu’il souhaitait interroger la notion d’engagement, de résistance, de témoignage et de déracinement. C’est une grande réussite.
Josep
Réalisation : Aurel
Scénario : Jean-Louis Milesi
Musique originale : Silvia Pérez Cruz
Technique : animation 2D
Durée : 1h14
Nationalités : Français, Espagnol, Belge
Avec les voix de Sergi Lopez, Bruno Solo, Gérard Hernandez, Valérie Lemercier, François Morel,…
Au cinéma le 30 septembre
Pour aller plus loin :
La Retirada, exode et exil des Républicains d’Espagne, dessins de Josep Bartoli, photos et textes de Georges Bartoli, récit de Laurence Garcia. Éditions Actes Sud BD, 2009, 18 euros.
Josep Bartoli et l’exode espagnol : son crayon est une arme sur France Culture (https://www.franceculture.fr/histoire/josep-bartoli-et-lexode-espagnol-son-crayon-est-une-arme)