4 février 2020

Journalisme, fake news et théories du complot à la médiathèque d’Orvault

Mercredi 29 janvier, Fragil est intervenue à la médiathèque d'Orvault pour parler fake news et théories du complots, dans le cadre du parcours numérique proposé par le PIJ de la ville

Journalisme, fake news et théories du complot à la médiathèque d’Orvault

04 Fév 2020

Mercredi 29 janvier, Fragil est intervenue à la médiathèque d'Orvault pour parler fake news et théories du complots, dans le cadre du parcours numérique proposé par le PIJ de la ville

Mercredi 29 janvier au soir, Fragil, association d’éducation aux médias et au numérique, est intervenue à la médiathèque Ormedo d’Orvault pour un atelier autour du journalisme. Une soirée riche en réflexions et complète dans les notions abordées qui vont du journalisme, aux fake news jusqu’aux théories du complot.

L’association a été sollicitée par le Point Information Jeunesse d’Orvault pour animer une série d’ateliers de septembre 2019 à juillet 2020 sur les pratiques numériques.

Trois adolescentes et un adolescent étaient présent.es à cette soirée sur les six prévus normalement.

Réflexions autour du journalisme

L’atelier débute par un débat mouvant dans lequel les participantes et le participant argumentent sur une phrase en expliquant s’il ou elles sont d’accord ou pas avec cette dernière. Trois affirmations sont ainsi débattues :

  • Est-ce qu’il faut une carte de presse pour être journaliste ?
  • Les journalistes donnent-ils leur opinion ? Une participante nous parle ici de la ligne éditoriale et prend l’exemple du Figaro qui a une ligne de droite.
  • Pour les journalistes, il est plus important de parler de 10 morts à 10 km que de 100 morts à 1000 km : Le participant nous parle des feux en Amazonie/Australie et de l’importance de couvrir de tels événements même si ils ont lieu loin de chez nous.

Puis vient l’initiation à l’écriture journalistique, le « jeu des clés » est ainsi réalisé (l’animateur prend une clé dans sa main droite, la lance, et loupe de la récupérer avec la main gauche), les personnes présentes doivent rendre compte de cette action en 3-4 phrases en répondant aux six questions « qui ? quoi ? ou ? comment ? quand ? pourquoi ? »  Comme dans la majorité des ateliers réalisés par Fragil, la question « comment tu t’appelles ? » à destination de François-Xavier, salarié chez Fragil, revient, mais personne ne demande le « pourquoi ? » de cette action. Or la clé est ici, sans cet élément, chacun et chacune y va de son interprétation et les vrais faits ne sont donc pas relatés.

Initiation à l’écriture journalistique

Reconnaître et lutter contre les fake news

La discussion sur les fake news a été passionnée et passionnante. Les participantes et participant sont amenés à réfléchir à l’intérêt de créer des fake news, plusieurs buts sont évoqués : 

  • Créer de l’intérêt : soit pour gagner de l’argent, soit pour créer une émotion, soit pour faire changer d’avis.
  • Faire rire, tout simplement.                                                                                               

L’aspect humoristique et parodique des fake news donne lieu à une rapide visite du site internet du Gorafi, un des journaux d’informations parodiques les plus connus en France.

Le participant présent à cette soirée nous partage un autre site parodique : Complots faciles, qui lui aussi fait bien rire l’assemblée présente.

Site de Complots faciles

Le site tourne aussi en dérision l’utilisation des cookies en en révélant en quelque sorte la vraie face, rire dans la salle encore une fois.

Message à propos des cookies sur le site Complots faciles

Le sujet des fake news est ensuite approfondi et les jeunes sont invité.es à choisir deux images (voir ci-dessous) afin de réfléchir à la vraisemblance ou non de l’information. Il et elles forment ensuite deux groupes de deux personnes et réfléchissent ensemble aux moyens de lutte contre les fake news.

 

Parmi les éléments qu’il et elles avancent pour repérer et lutter contre une fake news, il y a la lecture des commentaires de l’article ou de la photo/vidéo pour voir si certaines personnes alertent du caractère fallacieux de l’information, le fait d’aller vérifier l’information sur d’autres sources sûres, vérifier aussi la biographie de l’auteur.e pour constater si la personne qui émet l’information est fiable ou non.

Ces éléments sont de bonnes méthodes pour lutter contre les fake news, il est ensuite montré aux ados plusieurs outils qui permettent aussi de vérifier si une information est vraie ou non. Il y a premièrement l’outil google images, ainsi en inversant la démarche, c’est à dire au lieu de chercher une image, on peut télécharger une image ou glisser le lien pour voir si l’image apparaît ailleurs sur le moteur de recherche. Ainsi, il arrive souvent qu’une image présentée par exemple comme une mobilisation massive ayant eu lieu le week-end dernier soit en fait une image qui date de 2 ans et qui présente un rassemblement d’une tout autre nature. Ensuite, d’autres outils, plus institutionnels dans le sens ou ils sont proposés par les médias eux-mêmes sont présentés.

  • Les décodeurs, l’équipe du journal Le Monde en charge de décrypter et de repérer les fake news.

  • Check news, outil du journal Libération qui permet aux personnes qui se rendent sur le site de poser une question à propos d’une information qui ne paraît pas fiable et des journalistes se chargent de vérifier si l’information est vraie ou non et publient ensuite un article.

 

  • Décodex, outil du journal Le Monde qui permet d’entrer le nom d’un site et de vérifier si c’est un site fiable, si c’est un site parodique, si c’est un site sérieux etc..

Ceci est une liste non exhaustive, il existe d’autres outils tout aussi intéressant comme Désintox qui opte pour le modèle de format vidéo et est le résultat d’un partenariat entre Libération et Arte.

Théories du complot

A la fin de l’atelier, le sujet des théories du complot est abordé avec notamment le visionnage d’une vidéo « Le complot chat ». Une théorie du complot « propose de donner une vision de l’histoire perçue comme le produit de l’action d’un groupe occulte agissant dans l’ombre ».

Cette vidéo, réalisée par une classe de seconde présente plusieurs éléments pour prouver que les chats sont en fait des aliens. En commençant par établir un lien historique, en parlant des chats et de l’Egypte antique, l’émetteur de l’information tente de crédibiliser le propos. Une musique angoissante est ajoutée pour faire davantage appel à l’émotion des personnes.

La vidéo fait réagir les participant.es qui comprennent qu’il est facile de tromper et de créer une théorie du complot, le participant demande d’ailleurs le visionnage d’une autre vidéo de ce style. On peut douter de la véracité des propos quand une information tarde à venir. Or, dans cette vidéo, plusieurs éléments sont avancés pour justifier que les chats sont des aliens et à aucun moment la vidéo commence en expliquant directement « Les chats sont des aliens, je vais vous expliquer pourquoi ». Parce qu’il faut mettre en condition les téléspectateur.trices en les assommant d’arguments pour qu’ils finissent par croire aux propos avancés.

En service civique et originaire de Perpignan. Tout ce qui tourne autour de la politique m'intéresse, grand amateur de science fiction et de dystopies. J'écris principalement sur les ateliers d'éducation aux médias et au numérique.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017