Dix animateurs et animatrices du réseau jeunesse du département de la Loire-Atlantique étaient présent.es au bureau de Fragil lors de cette journée, avec pour but l’apprentissage d’un atelier utilisé par Fragil sur les métadonnées afin de l’adapter aux structures des différent.es animateurs et animatrices présent.es. La journée était financée par la DRDJSCS (Direction Régionale et Départementale de la Jeunesse, des Sports et de la Cohésion Sociale).
Du jeu d’enquête sur les métadonnées au débat sur la liberté et la surveillance
La formation débute avec deux présentations. Une première, faite par Luc Primard, conseiller d’éducation populaire et jeunesse à la DDJSCS, consiste à voir rapidement ce que font les autres participant.es présent.es ici. Pour cela, un jeu d’inter-connaissance est mis en place, le bureau de Fragil représente le département de la Loire-Atlantique et chaque personne doit se placer dans la salle en fonction de la ville ou du village où elle exerce son activité d’animation. La deuxième présentation, menée par François-Xavier, salarié chez Fragil consiste à résumer le programme de la journée. L’après-midi sera consacrée à un quiz puis la création de scénarios par les animateurs et animatrices en lien avec le jeu vu le matin et enfin la découverte d’outils sur les métadonnées.
Le jeu peut commencer !
Pour comprendre en quoi consiste le jeu « détectives du numérique », vous pouvez aller voir ici un article explicatif.
Au tableau, les participant.es sont invité.es à écrire tous les indices possibles, on retrouve plusieurs éléments : basket noire et blanche, environ 1 m 75, graffiti etc.. Rapidement, un des participants déclare qu’il y a 3 appareils photos différents qui ont pris les photos. D’habitude, trouver le nombre d’appareils n’est pas un réflexe qui va de soit et l’animateur ou l’animatrice de l’atelier doit débloquer la situation en expliquant cette démarche. Sachant cela, l’atelier peut avancer plus rapidement. Plusieurs questions émergent dont celle-ci « on a le droit d’aller sur internet pour retracer le parcours ? », François-Xavier répond : « alors oui, le seul truc interdit c’est d’aller sur le site de Fragil et de voir la solution ! ». Rires dans la salle. Les participant.es cherchent donc sur le compte Instagram du CoDacDePhoMaCa mais n’y trouvent rien d’intéressant.
L’atelier semble se dérouler plus vite que d’habitude puisqu’un participant explique qu’une photo présente sur le compte Instagram se retrouve dans le dossier et que c’est un Samsung, donc le ou la coupable a normalement un téléphone de la marque Samsung. Etant donné qu’il reste encore beaucoup de choses à voir, l’étape est abrégée.
Les photos sont départagées par groupes selon le modèle de l’appareil photo afin d’identifier les lieux et l’heure de prise de vue de chaque photos. Les participant.es se rendent sur metapicz pour trouver les l’heure de prise de vue et les données GPS. Ils et elles réalisent les trajets sur des cartes (voir ci-dessous) puis le trajet est montré sur animaps.
Du danger de la surveillance
Après la réalisation de l’enquête, les animateurs et animatrices sont invité.es à donner leur sentiment. Deux mots reviennent majoritairement : « intéressant » et « flippant ».
Ce qui permet de débattre directement, en prenant le trajet du téléphone Huawei, celui qui fait des aller-retour. « Il cherche une adresse », « il est suspect », « il est perdu », « c’est un dealer », « c’est un livreur » sont autant de réflexions vis-à-vis de cette personne. Interpréter les données, c’est une tendance humaine. La loi française précise qu’on a le droit de se déplacer comme on le veut. Cette réflexion sur la surveillance permet de rentrer directement sur la suite de l’atelier, le débat mouvant.
Débat autour des notions de surveillance, de liberté, de sécurité et des réseaux sociaux
Le débat qui s’ensuit permet de toucher à des sujets en lien avec le jeu d’enquête et plus généralement sur notre rapport à la surveillance, à la liberté, à la sécurité, aux réseaux sociaux. Plusieurs questions sont posées et les participant.es se placent dans la salle en fonction de si elles sont d’accord ou pas avec l’affirmation proposée.
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- L’anonymat sur les réseaux sociaux est une bonne chose : quatre personnes sont d’accord, les six autres ne sont pas d’accord. Pas d’accord à cause des dérives qu’il peut y avoir, notamment la pédophilie avec des personnes qui peuvent se cacher derrière de faux profils. Les personnes d’accord avec l’anonymat évoquent le fait de pouvoir mettre un faux nom et avoir le choix de ne pas mettre de photo. Enfin, pour les personnes pas d’accord, pour répondre à ceux et celles en accord, parlent du fait que quand on crée un compte c’est bien de savoir qui se trouve derrière car cette personne peut commencer à poster des propos malveillants voire plus grave et on n’aura pas son identité.
- « Si je n’ai rien à cacher, je n’ai rien à craindre » : L’écrasante majorité n’est pas en accord avec cette phrase, seule une personne défend l’idée présentée. Plusieurs idées sont évoquées comme les fiches S, que le contexte des manifestations est propice à la surveillance, que cela suscite des craintes. Au final, après le débat, tout le monde se range derrière l’idée qu’on a jamais rien à cacher.
- Pour vivre en sécurité, il faut accepter de réduire sa liberté : Trois personnes sont d’accord, les sept autres non. Une personne en accord avec la phrase avance l’argument selon lequel aux Etats-Unis, ils ont la liberté d’utiliser des armes, « et moi je me sens en sécurité en étant interdit d’armes ». Parmi celles et ceux qui ne sont pas d’accord, un autre argument est avancé : « on s’est battus pour la liberté depuis des siècles et si on y touche on réduira, on réduira et jusqu’ou ça ira ? »
Après ce débat riche en réflexions, les faits sont rappelés. Sur l’anonymat, dans certains pays c’est une résistance, ça permet de ne pas se faire torturer par exemple. Il y a aussi le cas du mouvement des Anonymous, mouvement « hacktiviste » qui lutte pour la liberté d’expression notamment, c’est une manière d’agir quand on est en danger. Si je n’ai rien à cacher, je n’ai rien à craindre ? Les lois et les régimes changent et évoluent. Dans 30 ans, un dictateur peut très bien arriver au pouvoir et utiliser les données stockées sur le net pour emprisonner voire tuer telle ou telle personne. Pour vivre en sécurité, faut-il accepter de réduire sa liberté ? Le constat qui est fait est que la réduction des libertés amène à l’acceptation des régimes autoritaires.
Comme le disait Benjamin Franklin autrefois (citation qui fait débat puisqu’il apparaît qu’elle n’a pas été prononcée comme telle mais qui donne en revanche une idée générale sur le rapport liberté/sécurité) :
« Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité, ne mérite ni l’une ni l’autre, et finit par perdre les deux »
Jeu d’enquête sur les métadonnées et structure : pertinent ou peu pertinent ?
Après toutes ces activités, il est temps de recueillir l’avis des participant.es. Un peu à la manière du débat mouvant, tout le monde est invité à se placer sur une ligne imaginaire selon trois critères : la ligne du plaisir, celle de la pertinence et enfin celle de la faisabilité.
- La ligne du plaisir : Les avis sont mitigés, une personne évoque le jeu d’enquête qui n’a pas été forcément très plaisant vu que cette personne n’avait pas d’ordinateur et met en question la dynamique du jeu aussi. Une autre personne évoque la possible difficulté de reproduire ce jeu avec un public adolescent en expliquant que ça va durer au moins quatre heures. Une autre personne explique enfin les différentes informations qu’elle a apprise grâce à ce jeu et le fait d’avoir collaboré avec les autres, ce qui ajoute un plaisir supplémentaire.
- La ligne de la pertinence : Il s’agit ici de voir la pertinence selon le public de son association/de sa structure. Pour les personnes du CRIJ par exemple, l’atelier est très pertinent, notamment pour ses « promeneurs du net ». En revanche, pour d’autres, avec un public de 6-11 ans cela apparaît moins pertinent, peut-être l’idée d’adapter le jeu sous forme de rally photos serait plus adapté.
- La ligne de la faisabilité : Tout le monde est un peu d’accord sur ce point, le faire d’accord, mais il faut trouver l’enveloppe autour du jeu. Et cela demande une certaine préparation.
D’une manière générale, il y a une grosse interrogation sur la transposition de cet atelier aux autres structures, ainsi une des personnes présentes témoignait à la fin de la journée : « La question de pouvoir le faire en fonction de nos publics, c’est pas tout de suite faisable. Le faire d’une autre manière peut-être, aller plus en profondeur sur les métadonnées. ». Au delà de ça, il y a aussi un certain sentiment de dépassement face à l’informatique en général et par rapport au public de sa structure : « On est aussi dépassés, quand je vois les jeunes de douze ans qui savent presque coder, personne connaît Facebook ».
Adapter le jeu à sa structure d’accueil
Après le bilan de la matinée sur la pertinence ou non de l’enquête selon la structure des animateurs et animatrices présent.es, l’après-midi commence avec la présentation rapide de quelques ouvrages, dont celui de Julian Assange, Menace sur nos libertés. Dans ce livre, Assange parle des « quatre cavaliers de l’infocalypse » selon lui, qui sont : la pornographie enfantile, le blanchiment d’argent, le terrorisme et la lutte contre les drogues. Ces quatre « cavaliers » sont selon l’auteur des arguments utilisés par les pouvoirs publics pour faire passer des lois liberticides.
Des éléments de culture numérique
Après ce retour, un quiz est lancé sur la culture numérique en générale. Les participant.es se mettent par groupes de deux personnes et doivent répondre aux questions sur une ardoise en inscrivant la ou les bonnes réponses.
Sont ainsi vus plusieurs éléments comme le fait que la « gratuité » des réseaux sociaux repose sur le principe que les internautes sont considérés comme des produits. Il s’agit des données personnelles que nous laissons sur le net, qui permettent aux réseaux sociaux de connaître nos goûts et préférences, les entreprises viennent ensuite proposer à Facebook ou Snapchat (par exemple) des publicités qui correspondront à nos intérêts et goûts. C’est ce qu’on appelle la publicité ciblée.
Dans un autre registre, le quiz permet aussi de voir par quel moyen la majeure partie des communications intercontinentales passent, à savoir par de très long câbles. Ces longs câbles sont terrestres mais aussi sous-marins puisque dans les océans on retrouve pas moins de 450 câbles qui relient les différents continents.
En revanche, deux questions suscitent quelques interrogations :
- Qu’est-ce qu’un serveur web ? Plusieurs réponses possibles : un homme qui sert les commandes dans les cybercafés ou un espace de stockage connecté au web ou un outil d’espionnage. La réponse est un espace de stockage connecté au web. Cependant, cette réponse ne fait pas l’unanimité puisqu’un participant présent, qui s’y connaît en informatique, explique qu’un serveur web peut aussi être un outil d’espionnage. François-Xavier explique qu’il n’a pas mis comme bonne réponse outil d’espionnage puisque effectivement un serveur peut être utilisé pour hacker mais en revanche l’outil tel quel n’est pas un outil d’espionnage. La fonction initiale du serveur web c’est de stocker des données.
- Qu’est-ce que le cloud ? Un « nuage » en anglais, une multitude d’ordinateurs connectés ensemble pour mutualiser leur puissance de calcul et leur capacité de stockage ou un système d’exploitation libre. Même polémique qu’avec la question précédente, pour un des participants la réponse numéro 2 correspond en fait au « cloud computing » et non pas au « cloud ».
Enfin plusieurs autres questions concernent le nombre d’utilisateurs sur Facebook, qui possède Instagram ? (Facebook) etc..
Le quiz se termine par le visionnage d’une vidéo sur l’utilisation de nos données personnelles à des fins commerciales notamment, l’occasion de revenir sur la publicité ciblée, de parler du RGPD en Europe etc..
Création de scénarios pour le jeu des détectives du numérique
Après avoir participé au jeu d’enquête sur les métadonnées, les animateurs et animatrices sont invité.es à créer leur propre scénario qui serait adapté à leur public et pourrait ainsi être utilisé dans leur structure.
- Un premier groupe a l’idée d’un pollueur fou qui éparpille des déchets dans la commune et prend plusieurs photos de ses méfaits. Il envoie une enveloppe avec une clé USB avec ces photos.
- Un autre groupe pense à une usurpation du compte Instagram de l’éléphant de l’île de Nantes, avec peut-être un téléphone volé mais rien de sûr pour l’instant.
- Le dernier groupe pense à un vol de goûter, une histoire qui serait parlant pour un public jeune d’un centre de loisirs, avec trois personnes soupçonnées. Le directeur a récupéré trois téléphones avec des photos avec des miettes dessus.
Avec vingt minutes pour réfléchir à ces scénarios, évidemment le temps a manqué pour aller plus loin dans la réflexion. Pour permettre aux animateurs et animatrices d’avoir certains outils pour mener à bien un atelier de ce style, des réflexes et des outils utilisés notamment pour l’enquête faîtes par Fragil sont montrés.
Dans les réflexes à adopter, il y a par exemple le fait de ne pas oublier d’activer la localisation GPS de l’appareil photo pour permettre de retrouver cette donnée dans les métadonnées. D’ailleurs, les métadonnées sont modifiables, il suffit pour cela de télécharger un éditeur de données EXIF tel que colorpilot sur PC ou encore exif editor pour Mac. Pour la création d’une carte animée, l’outil Animaps peut être utilisé, sous réserve de trouver mieux.
Cette journée a été dans l’ensemble bien reçu par les animateurs et animatrices, ainsi après avoir recueilli le témoignage de deux personnes assistants à l’atelier, on peut retenir « Je sais où aller creuser grâce à cette journée, j’ai les bases ». Avec d’autres critiques positives, nuancées cependant : « C’était chouette de faire une formation avec des pros dans ce domaine. Chouette dans l’échange et la création du scénario. Le jeu du matin, c’était frustrant car je me dis que je pourrais pas le faire. J’aurais bien aimé aller plus loin pour le débat mouvant. J’aimerai bien le faire sur deux jours. »