KAY est une jeune artiste péruvienne, elle a grandi à Iquitos, une métropole de 380 000 habitants en pleine Amazonie. Cette grande ville l’a marquée par sa situation géographique, on ne peut y accéder que par le fleuve ou par les airs, et aussi par toute l’histoire qui s’y rattache. Issue du métissage, Kay Zevallos Villegas revendique autant son ancrage dans la modernité en portant la voix de l’écoféminisme que son enracinement dans les légendes traditionnelles. KAY est une artiste touche à tout, ainsi son imaginaire prend forme aussi bien en photos, qu’en films, sculptures, performances et installations. Le centre d’art contemporain, Zoo Galerie nous offre l’opportunité de découvrir cette artiste internationale.
3 mythes animistes pour porter un autres regard sur les femmes
Cosmogoniste militante, KAY n’hésite pas à reprendre l’image de charapa callente, la tortue ardente. À l’origine, la tortue est symbole de fertilité dans les croyances autochtones, mais cela se transforme et devient un stéréotype associé à la femme amazonienne, facile et hypersexualisée. C’est ainsi que lors de la performance donnée lors du vernissage, elle revêt la structure d’une carapace. Puis quasiment crucifiée dans l’ossature métallique, elle termine par un discours engagé où il est question de renverser la société actuelle fictivement amalgamée à l’abondance et à la paix.
Autre récit cosmogonique la lune, la luna, corps céleste relié très intimement aux femmes, à leur corps, à leur cycle et à leurs orifices. Elle se retrouve dans la forme d’une table circulaire exposée à une lumière très blanche sur laquelle repose 28 talons hybridés à des éléments naturels (arrêtes, papillons, plantes, champignons…) qui prennent les couleurs de plus en plus sombres. La lune est aussi présente à l’entrée de l’exposition sous forme de sable rose, par endroit mélangé à des perles et de la poudre de coca, qui évoque une vulve géante.
Elle travaille aussi autour du mythe du dauphin rose, le bufeo colorado, animal sacré pour les peuples amazoniens. Avec l’arrivée des colons, notamment au 19e siècle pour l’exploitation à outrance du caoutchouc, le bufeo colorado devient la représentation en fait d’une figure paternelle pour les enfants qui ont une ascendance inconnue ; c’est-à-dire des enfants qui sont nés de liaisons extra-conjugales, de viols, d’agressions sexuelles. Puis peu à peu, il se met à incarner un homme très occidental, un grand blanc aux yeux bleus honorant de sa visite les jeunes femmes. Elle revisite alors le mythe pour mieux s’en libérer.
Tout au long de l’exposition, KAY n’hésite pas à jouer avec les clichés d’animalité sexuelle, mais elle les utilise pour mieux les combattre.
Cette exposition monographique « Del Coño Sur » de Kay Zevallos Villegas alias KAY est à découvrir jusqu’au samedi 4 mai 2024, du mardi au samedi de 14h00 à 19h00, au centre d’art contemporain, Zoo Galerie, 12 rue Lamoricière à Nantes (entrée libre et gratuite).