Il est pratiquement 16h ce jeudi 21 mars, lorsque je rencontre Anette Ory-Lamballe, animatrice pour la Fresque du sexisme.
Engagée sur plusieurs fronts, qu’il s’agisse des enjeux climatiques, des discriminations ou encore du sexisme, elle s’intéresse particulièrement aux systèmes de domination (racisme, inégalités femme-homme…), à leurs mécaniques similaires, ainsi qu’à la façon d’y remédier.
Le but de la Fresque qu’elle anime aujourd’hui, et qui a été conçue en 2021, est ainsi de contribuer à une société égalitaire et inclusive, grâce à l’intelligence collective. Sur le même principe que sa grande sœur, la très connue Fresque du climat, les participant⸱e⸱s doivent trouver des liens entre les causes et les conséquences de diverses situations ou comportements, et partager, s’iels le veulent, leurs propres expériences, avant de tenter de trouver ensemble des pistes et réponses à une société construite autour du sexisme.
« Les discriminations, on en fait sur tous les sujets ! »
Le public du jour sera 100% féminin, une première pour Anette qui a animé une quinzaine de Fresques du sexisme, et reconnaît qu’il y a souvent « une majorité de femmes« . C’est parti pour 3h d’atelier, à déconstruire ensemble la façon dont la société fonctionne. Un premier cadre est posé pour les 14 participantes, celui d’un espace de liberté : chacune doit pouvoir s’exprimer dans la bienveillance, écouter l’autre, le tout dans un climat de confiance. « On met facilement les choses dans des cases; les discriminations, on en fait sur tous les sujets » reconnaît une participante lors de la distribution des premières cartes à relier afin de cartographier l’étendue du sexisme.
Dans le second groupe, une fresqueuse lance « d’un autre côté, on doit se conformer à des stéréotypes pour rentrer dans les normes » : vous l’aurez compris, le sexisme n’est pas un problème qui se réglera en un claquement de doigts !
« C’était censé être facile comme atelier ! »
La tentation d’aller voir ce que fait le second groupe se fait parfois sentir, car même si toutes ont vécu un jour le sexisme, le lien entre les cartes posées sur la table n’est pas toujours évident. La distribution des cartes « Injonctions » s’avère ensuite révélatrice de la charge mentale supportée par les femmes : certaines participantes remplissent plusieurs papiers, jusqu’à constituer une pile d’injonctions subies par leur entourage, et plus largement par la société : « aimer les bébés », « avoir des enfants », « être féminine sans être vulgaire », « toujours s’occuper des autres »…
« On a une vie d’injonctions en fait… »
A la lecture de l’injonction « ne pas coucher le premier soir », une participante observe « alors que si tu es un mec tu es vu comme un champion ! » Anette explique « cette boucle ne s’arrête pas, elle fait partie des rouages psychosociaux qui entretiennent ces comportements », ainsi, les couleurs des jouets, les noms des métiers (sage-femme, femme de ménage…), tout est stéréotypé, et, quel que soit notre genre, nous y sommes confronté⸱e⸱s dès notre naissance ! Autre exemple, seuls 2% des noms de rues en France sont attribués à des femmes célèbres, alors qu’elles ne manquent pourtant pas dans l’Histoire de France, qu’il s’agisse d’artistes, d’inventrices, de chercheuses…
Le responsable ? Le patriarcat, une société où les rôles importants et le pouvoir sont détenus par les hommes. En découlent les VSS (violences sexistes et sexuelles), les écarts de salaires femmes/hommes, la charge parentale et contraceptive laissée à la femme, une charge mentale et émotionnelle accrue… La liste est très longue et ne saurait être résumée en quelques mots. Le harcèlement de rue est un autre exemple des dérives d’une société patriarcale : en France, 8 femmes sur 10 ont peur de rentrer seules le soir.
« On pourrait dissoudre l’Académie Française ! »
Après les constats, vient l’heure des réponses proposées pour construire une société plus égalitaire, toujours dans la collaboration ! Les participantes ne manquent pas d’idées : « sensibiliser dès l’enfance, y compris les équipes pédagogiques », « proposer plus de jouets multicolores », « démocratiser les insultes non-genrées pour arrêter d’insulter les mères », « imposer l’écriture inclusive »…
Les participantes à cette Fresque sont unanimes sur ses bénéfices à la fin de l’atelier : « cette sororité fait qu’on ne se sent pas toute seule dans notre coin, on peut faire bouger les choses ensemble ! », « j’ai envie de parler de tout ça autour de moi », ou encore « j’aurai plus d’arguments face à mon copain ! »
« Ça fâche un peu de parler de sexisme »
Si les participantes du jour ne tarissent pas d’éloges sur la Fresque, Anette reconnait que celle-ci est moins plébiscitée par les entreprises : « les structures se sont bien mises à la Fresque du climat parce qu’il y a des obligations réglementaires de formation aux enjeux climatiques, c’est un sujet en vogue, ça permet aussi parfois un peu de greenwashing sur la com’ de la boîte » au contraire des ateliers sur le sexisme, pour lequel peu d’obligations à la sensibilisation sont mises en place pour les entreprises « on n’a pas de problèmes chez nous » est ainsi souvent la réponse apportée à l’absence de sensibilisation !
« J’aurais bien aimé que des hommes soient présents »
Du côté des participantes, comme Céline, on regrette l’absence d’hommes à cette session, « mais je suis contente de savoir que c’est plutôt exceptionnel, car ils sont concernés et subissent le sexisme également, même si l’incidence est bien moindre que pour les femmes ». Un groupe de 9 étudiantes est venu tout spécialement d’UniLaSalle Rennes (école des métiers de l’environnement) : « on aimerait déployer la fresque au sein de l’établissement pour sensibiliser les étudiant⸱e⸱s, comme on le fait déjà à travers une commission fondée au sein de notre BDE (bureau des étudiant⸱e⸱s), et dont le but est de lutter contre les VSS, et sensibiliser les élèves et le personnel sur ces questions de sexisme, diversités de genre… »
Le sexisme, les violences et discriminations qui y sont liées, sont des sujets tout aussi importants que le climat, des ateliers de sensibilisation sont organisés régulièrement près de chez vous, plus d’excuse pour ne pas y participer !