31 janvier 2025

La gestion des biodéchets à Nantes : un trajet complexe

Nantes Métropole vise une réduction ambitieuse de 20 % des déchets ménagers par habitant d'ici 2030. Depuis 2019, la mise en place de poubelles dédiées aux biodéchets marque une étape cruciale vers cet objectif. Mais comment fonctionne réellement ce système de tri, et est-il à la hauteur des attentes en matière d’efficacité ?

La gestion des biodéchets à Nantes : un trajet complexe

31 Jan 2025

Nantes Métropole vise une réduction ambitieuse de 20 % des déchets ménagers par habitant d'ici 2030. Depuis 2019, la mise en place de poubelles dédiées aux biodéchets marque une étape cruciale vers cet objectif. Mais comment fonctionne réellement ce système de tri, et est-il à la hauteur des attentes en matière d’efficacité ?

Elles sont partout dans le centre-ville, ces poubelles blanches et oranges. Depuis 2024, la loi AGEC (anti-gaspillage pour une économie circulaire) rend obligatoire pour tous les ménages français le compostage de leurs biodéchets. Les villes doivent alors mettre en place des points de collecte de biodéchets pour leurs habitants.es, et Nantes Métropole a expérimenté le compostage de 2019 à 2021 à Nantes Nord. Ces essais ont conduit à installer, dès octobre 2023, des bacs pour les déchets alimentaires, servant aux Nantais.es pour déposer leurs déchets alimentaires et à la ville pour les collecter et les transformer.

L’un des points de collecte installés dans les quartiers nantais, ici dans le quartier de la Perverie@AnouckFILY

Un an après le lancement du projet, plus de 2 400 bacs de biodéchets ont été installés dans la métropole. Mais une question centrale se pose alors : Où vont ces biodéchets et que deviennent-ils ? 

Valoriser les biodéchets


Nous avons donc retracé le parcours des déchets alimentaires collectés dans ces poubelles. On peut y déposer : “Le reste de notre repas, comme du poisson, des fruits, des légumes ou encore du pain”, explique Maxime Du Bois, l’un des deux associés de l’entreprise L’Assiette au Champ. Cette entreprise, née il y a maintenant 4 ans avec un seul objectif, « contribuer à la valorisation des biodéchets par méthanisation agricole », utilise une méthode encore quasi inexistante dans la métropole nantaise. 

Suite à un appel à projet lancé par Nantes Métropole, l’établissement a remporté ce marché en collaboration avec la multinationale spécialisée dans le traitement des déchets et de l’eau, Suez. L’un des critères d’exigence principaux pour participer à ce projet était : « les bennes à ordures ne doivent pas sortir de la métropole ». Une condition largement respectée par L’Assiette au Champ, située à Rezé, qui réceptionne tous les biodéchets pour ensuite en redonner à Suez 50 % de cette matière. 

De nos poubelles aux champs agricoles

Toutes les semaines, les points de collecte sont vidés. Tous les jours, l’entreprise rezéenne reçoit, dans un grand hangar, entre 4 et 5 bennes, à l’exception du jeudi. Une fois arrivés à Rezé, les biodéchets commencent la première étape: la bio-séparation. La deuxième étape inclut « le déconditionnement des déchets, c’est-à-dire qu’il faut enlever tout le plastique, puis l’hygiénisation pour éliminer les bactéries », explique Paul Laurent, co-gérant. 

Arrivage de la collecte de biodéchets par Nantes Métropole à l’entrepôt de l’Assiette au Champ ©Anouck FILY

Les biodéchets sont liquéfiés en une « soupe » utilisée pour produire de l’énergie via la méthanisation. Une moitié est envoyée à des méthaniseurs agricoles, comme à Mortagne-sur-Sèvre, et l’autre est compostée par Suez.

Des associations engagées dans le tri des biodéchets avant la loi AGEC

Sur le territoire nantais, il n’y a pas seulement L’Assiette au Champ et Suez qui participent à la collecte et à la transformation des biodéchets. En centre-ville, une association joue également un rôle clé dans le compostage des biodéchets : Les Alchimistes. Nous les avons rencontrés pour mieux comprendre leur contribution au tri des biodéchets.

Les Alchimistes sont entreprise solidaire et d’utilité sociale faisant partie d’un réseau national, avec une antenne à Nantes. Benjamin Pollet, membre de l’association, justifie leur action en déclarant : « La collecte des biodéchets est, à mon sens, essentielle partout. Nos poubelles contiennent 30 % de biodéchets, qui sont pour la plupart incinérés. On finit par brûler des épluchures de bananes composées à 90 % d’eau.»

Depuis 2020, l’entreprise, située à l’Agronaute, collecte à vélo et en véhicules légers, les biodéchets des entreprises, des restaurants et des écoles. « Notre objectif est de maintenir une démarche locale en collectant les biodéchets avec des véhicules peu polluants et en assurant leur transformation au sein de la métropole », ajoute Benjamin. Après la collecte, les déchets sont transformés en compost au terme d’un processus de trois mois. Le compost final est vendu aux particuliers, en sacs de 2 à 20 litres, mais aussi aux agriculteurs, afin de lutter contre la dégradation des sols.

Station de lavage des bacs des Alchimistes après la collecte hebdomadaire ©Anouck FILY

En plus de leur travail de collecte, Les Alchimistes animent des ateliers pédagogiques dans plus de 270 écoles, pour sensibiliser et éduquer au tri des biodéchets. L’association récolte actuellement 2 500 tonnes de biodéchets par an et espère augmenter ce volume grâce à son nouveau site de transformation, voisin de L’Assiette au Champs.

Les objectifs pour le futur 

Nantes Métropole prévoit d’étendre son action aux communes périphériques d’ici 2025 en installant des bacs orange « Ici je dépose mes déchets alimentaires ». Cela entraînera un besoin accru pour la collecte de ces déchets. 

Selon nos informations, Nantes Métropole a décidé de ne rien faire dans l’hypercentre en matière de poubelles de biodéchets. Cette décision découle des restrictions imposées par les Architectes des Bâtiments de France, qui compliquent la mise en place de solutions de tri adaptées dans cette zone dense et historique. L’appel d’offres signé entre Suez, l’Assiette au Champ et Nantes Métropole pour la gestion des déchets prendra fin en mai 2030. La ville envisage de devenir autonome en construisant une station de transformation en périphérie. La méthode, compostage ou méthanisation, reste à définir, avec l’aide des partenaires du projet.


Article réalisé par Léonie Abrousse et Anouck Fily.

Du haut de ses 19 ans, Anouck Fily est passé par Paris, les Emirats Arabes Unis et Nantes. Elle adore la cuisine, le tennis et la BD mais surtout le journalisme. Anouck effectue actuellement une licence information-communication dans l'objectif d'être plus tard journaliste.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017