9 février 2023

La musique par l’image : les Rolling Stones sur grand écran au Cinématographe

Quelques jours avant les fêtes de fin d’année 2022, le Cinématographe, salle de cinéma nantaise, a ouvert ses portes à Nicolas Stanzick, historien de formation et journaliste, pour proposer une conférence autour d’un sujet qui lui tient particulièrement à cœur : les Rolling Stones et le/au cinéma. L’occasion d’en discuter avec lui et d’aller plus loin sur ce qu’est la musique à travers le cinéma.

La musique par l’image : les Rolling Stones sur grand écran au Cinématographe

09 Fév 2023

Quelques jours avant les fêtes de fin d’année 2022, le Cinématographe, salle de cinéma nantaise, a ouvert ses portes à Nicolas Stanzick, historien de formation et journaliste, pour proposer une conférence autour d’un sujet qui lui tient particulièrement à cœur : les Rolling Stones et le/au cinéma. L’occasion d’en discuter avec lui et d’aller plus loin sur ce qu’est la musique à travers le cinéma.

 

Pour Nicolas Stanzick, tout part d’une rencontre en 2010 avec Andrew Loog Oldham, le manager fondateur des Rolling Stones. Au fil des discussions une découverte pour le moins croustillante : la première image que le producteur anglais veut insuffler aux Stones, elle provient du cinéma, plus particulièrement de la Nouvelle Vague, en la personne de Jean-Claude Brialy.

Le Keith Brialy

Lors de la première séance photo qu’il organise avec ses jeunes talents, Oldham veut voir Brialy dans Le Beau Serge (1958), un film de Claude Chabrol. Coupe de cheveux, tenue, et allure désinvolte, tout y passe. Cette découverte fascine Laurent Stanzick, qui n’est pourtant pas tellement surpris étant donné le lien qu’auront eu les Stones au fil de leur carrière avec le cinéma. Une question demeure : c’est quoi une filmographie de groupe de rock, et comment l’aborder ?

Deux styles bien différents. Les Beatles à gauche. Les Stones à droite, devant l’appareil de Philip Townsend en 1962.

 

C’est ce que le journaliste a tenté d’expliquer pour l’exemple des Stones en 2017 dans un article paru au sein des pages des historiques Cahiers du Cinéma. Cette conférence était l’occasion de “mettre en scène” ses analyses mais aussi de les illustrer sur grand écran avec des séquences de films et extraits musicaux :

“Au final sur une conférence comme celle-ci je suis un peu comme un DJ”, en rigole-t-il.

Il a évoqué la rencontre culte entre le groupe et Godard pour un travail en studio pour Sympathy for the Devil mis en scène par le cinéaste franco-suisse. Là encore un lien ambigu avec la Nouvelle Vague, mouvement du cinéma français qui se saisit de l’image “Stonienne” tant ils représentent la nouveauté, l’évolution et la révolution : “en partant de Jean-Claude Brialy, arriver à Godard c’était presque une évidence ! ”. Peut-être pas si évident au départ quand on sait que Oldham comme Godard ont opté pour les Stones après avoir loupé le coche avec un autre groupe anglais de jeunes aux mèches folles.

Quand les pierres font de l’ombre aux scarabées

Les Beatles et les Rolling Stones, c’est deux rapports assez opposés avec le cinéma. Si les natifs de Liverpool ont eu leurs films “promotionnels” dans lesquels ils jouaient leurs titres dans un esprit bon enfant et humoristique qui était le leur alors au début de leur carrière, dans la filmographie de Jagger et ses partenaires c’est différent. Nicolas Stanzick explique : “Cela leur vient du blues où les sujets les plus sombres sont évoqués”.  On est dans le trash en évoquant des sujets comme la colère, le désir, la frustration ou encore l’impuissance sexuelle.

Ce qui marque le plus la filmographie du groupe londonien ce sont les documentaires sur eux, lorsqu’ils sont filmés dans le vrai, sans artifices. C’est le cas dans Gimme Shelter (1970) où on peut les voir découvrir les images de leur propre concert : une performance lors du festival d’Altamont qui s’est terminée tragiquement.

Le cinéma juke-box

Mais parler d’un groupe au cinéma c’est aussi parler des films dans lesquels leurs chansons sont citées. Et pour ce qui est des Rolling Stones, les exemples ne manquent pas, de Wes Anderson à Francis Ford Coppola en passant par Terry Gilliam. Mais s’il fallait n’en citer qu’un, ce serait bien évidemment Martin Scorsese. Avec Mean Streets (1973) qui lui donnera une renommée internationale, il illustre à l’écran les personnages de voyous et gangsters américains à travers les citations de Jumpin Jack Flash ou Tell Me. “Scorsese aime citer des chansons et parfois dans de longues scènes en les proposant au spectateur dans leur entièreté.” Que ce soit pour replacer l’action dans son contexte historique (les années 50 avec du Elvis ou encore les années 70 avec du disco) ou pour exprimer un message en lien avec ce que l’on voit à l’écran, ces citations ont un rôle non négligeable. 

Les cinéastes aujourd’hui réutilisent très régulièrement, ce qui était une nouveauté alors à l’époque : “aujourd’hui tous les metteurs en scène utilisent des musiques, mais sans forcément une illustration ou un sens filmique derrière”, remarque le conférencier. Un phénomène de citations qui donne parfois une nouvelle utilisation aux films :

“ Il y a un film avec Whoopi Goldberg où elle écoute Jumpin Jack Flash. J’étais très content de voir ce film car je n’avais pas le titre sur un album, je l’avais loué dans un vidéo club et je pouvais me le remettre je ne sais combien de fois pour écouter la chanson !”, se remémore Nicolas.

Le Cinématographe met de nouveau la musique à l’honneur actuellement dans le cadre de l’évènement pour les jeunes “Les Lucioles” jusqu’au 5 mars. Les établissements du Concorde et de La Bonne Garde sont aussi de la partie : des diffusions de films musicaux avec entre autres le cultissime Chantons sous la Pluie (1952).

Après plusieurs années en fac d'histoire je me lance dans le journalisme. Étudiant au CNJ, je suis passionné de cinéma et j'aimerais faire découvrir la diversité d'évènements culturels ayant lieu à Nantes toute l'année.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017