20 septembre 2018

La Ville en Bois : regards croisés sur un lieu d’hybridation artistique

Les ateliers de la Ville en Bois sont un lieu de création atypique qui attise la curiosité dans le quartier Canclaux-Mellinet. Fragil a rencontré plusieurs personnes qui portent et partagent ce projet associatif.

La Ville en Bois : regards croisés sur un lieu d’hybridation artistique

20 Sep 2018

Les ateliers de la Ville en Bois sont un lieu de création atypique qui attise la curiosité dans le quartier Canclaux-Mellinet. Fragil a rencontré plusieurs personnes qui portent et partagent ce projet associatif.

Le projet des Ateliers de la Ville en Bois prend ses racines dans un lieu chargé d’histoire. La façade des anciens locaux de Plaisance Nature-Aliments, situés entre Canclaux et Mellinet, porte toujours l’empreinte de l’aventure entrepreneuriale de la famille Jost-David. Et les machines à produire les petits sachets d’entremets parfumés et autres poudres alimentaires siégeaient il y a encore peu de temps dans la boutique ouverte sur la rue de la Ville en Bois.

 

[aesop_image imgwidth= »60% » img= »https://www.fragil.org/wp-content/uploads/2018/06/Machines-boutique.jpg » credit= »Ateliers de la ville en bois » align= »center » lightbox= »on » captionposition= »left » revealfx= »off » overlay_revealfx= »off »]

C’est en 2011 que s’opère un grand tournant : l’entreprise centenaire déménage à Rezé. Bruno Jost s’active alors pour valoriser la friche industrielle en un espace culturel et artistique. Sa fille, Solenne, artiste issue des Beaux-Arts, et co-fondatrice de l’association l’Oeil d’Oodaaq à Rennes, prend la relève en créant l’association de la Ville en Bois en 2013 avec deux amis proches, Marie Lemoine et Vincent Bonnin.

Ça a été toute une réflexion pour savoir comment se lancer dans un lieu aussi vaste. Tout était à construire. Avec mon père, on a rencontré pas mal de monde pour en discuter. Solenne Jost, co-fondatrice de l’association La Ville en Bois.

Un lieu de vie et de création protéiforme

Petit à petit, les lieux sont aménagés en espaces de création pluridisciplinaire et accueillent des résidents permanents aux profils variés : graphiste, typographe, vidéaste, modéliste, sculpteur sur bois, marqueteuse, artistes plasticiennes… Une diversité qui permet les croisements aussi bien humains que créatifs.

C’est un lieu inspirant : je fais pas mal d’expérimentations personnelles et plastiques autour du dessin, de la calligraphie et des techniques d’impression. Ça vient nourrir mon travail de commande (…) Le fait qu’il y ait plein de créateurs permet la collaboration puisqu’on est sur le même lieu. Après, il n’y a rien d’obligatoire. C’est au bon vouloir de chacun. Une fois, j’ai réalisé une enseigne peinte et c’est Thomas qui l’a accrochée chez le commanditaire. Florence Boudet, directrice artistique et graphiste.

[aesop_image imgwidth= »60% » img= »https://www.fragil.org/wp-content/uploads/2018/06/Bureau_2.jpg » credit= »Laura Wujek » align= »center » lightbox= »on » captionposition= »left » revealfx= »off » overlay_revealfx= »off »]

Depuis le mois de mai, 50 m2 d’ateliers ont été ouverts au rez-de-chaussée d’un hôtel particulier pour accueillir 7 nouveaux résidents dont un collectif d’urbanistes tourné vers l’innovation sociale.

Le collectif FIL est un peu plus éloigné du domaine de l’art ou de l’artisanat. Mais finalement, on s’est dit que la Ville en Bois est un lieu pluridisciplinaire et ouvert à la création au sens large. L’expérimentation est le mot d’ordre autour duquel se rassemblent les résidents. Angélique Bougeard, chargée de développement de la Ville en Bois.

Le lieu est également ouvert ponctuellement à des acteurs extérieurs : des artistes en résidence ou des associations qui ont besoin de faire de gros travaux comme la Maison Fumetti en préparation de festival.

On occupe le hangar toute la semaine pour construire la scénographie du festival car on n’a pas de place à la Manu : on ne peut pas faire de bruit ou de poussière car on est dans une bibliothèque. On a construit les modules ici et ensuite on va les apporter à la Manu. Les copains sont trop charmés par la convivialité des lieux et l’aspect pratique. Il y a moyen qu’on remette ça l’an prochain. Anna Conzatti, artiste et dessinatrice, Maison Fumetti / Vide Cocagne.

[aesop_image imgwidth= »60% » img= »https://www.fragil.org/wp-content/uploads/2018/06/Fumetti_2.jpg » credit= »Laura Wujek » align= »center » lightbox= »on » captionposition= »left » revealfx= »off » overlay_revealfx= »off »]

Un peu plus en marge du projet associatif, la Ruche qui dit Oui prend ses quartiers dans la boutique et accueille une quarantaine de clients réguliers tous les mercredis. Cet événement est animé par Audrey, elle-même membre de l’association de la Ville en Bois, qui sélectionne des produits locaux issus de l’agriculture biologique.

J’ai passé une sorte de contrat moral avec Bruno Jost pour qui les questions environnementales sont très importantes : proposer du bio était la condition sine qua none pour que se tienne la Ruche à la Ville en Bois. Audrey Nicolas, responsable de la Ruche de Canclaux.

[aesop_image imgwidth= »60% » img= »https://www.fragil.org/wp-content/uploads/2018/06/La-Ruche_2.jpg » credit= »Laura Wujek » align= »center » lightbox= »on » captionposition= »left » revealfx= »off » overlay_revealfx= »off »]

Une programmation plus visible et lisible

Par son ouverture et sa proximité, la Ruche créée un pont entre un public qui ne connaît pas forcément les ateliers et la programmation culturelle.

Nous devons faire en sorte que les gens de l’extérieur aient une compréhension globale de ce que sont les ateliers. Que ceux qui viennent à la Ruche ne s’arrêtent pas à la Ruche. C’est pourquoi, nous organisons de plus en plus les vernissages les mercredis soir. Angélique Bougeard, chargée de développement de la Ville en Bois.

 

[aesop_image imgwidth= »60% » img= »https://www.fragil.org/wp-content/uploads/2018/06/Expo_2.jpg » credit= »Laura Wujek » align= »center » lightbox= »on » caption= »Exposition "Il ne pleut pas sur Nantes" de Marion Barraud, 22-26 mai 2018 aux ateliers de la Ville en Bois » captionposition= »center » revealfx= »off » overlay_revealfx= »off »]

Expositions, restitutions de résidence d’artistes, ateliers de sérigraphie pour les adultes et les enfants, marché de Noël… la programmation des Ateliers de la Ville en Bois est foisonnante. Celle-ci reste encore marquée par l’influence de sa co-fondatrice Solenne, toujours membre d’un jury vidéo à l’Oeil d’Oodaaq.

On a créé pas mal de connexions entre les deux associations L’Oeil d’Oodaaq et la Ville en Bois. Pour la Biennale artistique d’art vidéo VIDEOPROJECT, les ateliers ont accueilli des installations vidéo. D’autres relations existent avec des assos nantaises comme MIRE, L’oiseau bègue, APO33, MPVite, Le GriGri, l’Île d’en face… Solenne Jost, co-fondatrice de L’Oeil d’Oodaaq et de la Ville en Bois.

Depuis l’arrivée de deux salariés, la programmation tend à s’élargir et à se structurer par le biais d’une communication sur le web. Celle-ci est à retrouver sur le site de l’association ou sur leur page Facebook.

Pour découvrir la magie du lieu, rien ne vaut une visite sur place. Le 20 juin, se tiendra un des temps forts de l’année : la deuxième édition de Xylopolis. Qui sait, vous croiserez peut-être Solenne, Angélique, Anna, Florence et Audrey au détour de l’exposition « La perpétuité du chiffre 2. Du mythe de l’androgyne au cyborg », d’un concert de Mélanie Loisel et DRAACHES ou d’un « chien chaud » préparé par Paws Hot Dog.

[aesop_image imgwidth= »60% » img= »https://www.fragil.org/wp-content/uploads/2018/06/vernissage-credit-solenne-jost.jpg » credit= »Solenne Jost » align= »center » lightbox= »on » captionposition= »left » revealfx= »off » overlay_revealfx= »off »]

Après 10 ans passés à l’étranger, Laura a gardé le goût des voyages et des rencontres ! Elle est aujourd’hui rédactrice web à Nantes et s’intéresse (notamment) aux sujets liés au numérique.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017