Regardez bien ces gravures. Elles ont été peintes par Goya à partir de 1810 mais elles n’ont été publiées qu’après sa mort en 1863. Au total, il y en a en 82. Ces planches illustrent la guerre sans merci que se sont livrés les partisans de Napoléon et les défenseurs de la monarchie espagnole. On les appelle «Les désastres de la guerre».
Goya, 3 de mayo
C’est ainsi que commence le film de Carlos Saura à l’affiche du Festival du cinéma espagnol de Nantes : «Goya, 3 de mayo». Des images chocs, glaçantes, effroyables qui nous rappellent celles que nous voyons à la télévision en ce moment avec la guerre en Ukraine aux portes de l’Europe.
Un court métrage de 15 minutes qui cherche comme Goya à dénoncer les atrocités de la guerre : le bruit et la fureur des coups de canon, les fusillades, la torture, l’exode et toutes ces victimes innocentes qui périssent au nom d’intérêts qui les dépassent.
Goya a produit ces gravures et Carlos Saura leur a donné vie en retraçant ces scènes d’horreur avec la force du cinéma. Lui aussi a peint un tableau en teignant ces images comme sur le fameux tableau de Goya «el 3 mai 1808». Il nous replonge à l’époque des guerres napoléoniennes. Une fresque historique bouleversante et qui laisse le spectateur sidéré.
Goya, le chroniqueur de guerre
«Le 3 mai 1808, c’est comme 1789 pour nous les français», indique Emmanuel Larraz, historien du cinéma, en introduisant la séance. Cette date marque le soulèvement des madrilènes contre les troupes de l’Empereur après l’abdication du roi d’Espagne Charles IV. C’est le début de la guerre d’indépendance.
Et puis il y a ce magnifique portrait de Goya à la fin de sa vie à Bordeaux : «Goya en Burdeos». Carlos Saura nous montre toute la puissance du peintre à décrire les travers de l’humanité, les monstruosités, l’hypocrisie, le cynisme encore d’actualité de nos jours. Un autre chef d’œuvre à voir absolument.
«Los disparates de de Fuendetodos»
«Goya était un chroniqueur de génie. Il a été le premier peintre à dénoncer l’absurdité de la guerre, sa folie et il a inspiré ensuite Picasso et bien d’autres».
En commentant l’exposition consacrée à Goya à Cosmopolis, Serge Murio, le commissaire de l’exposition, lui-même artiste, ne tarit pas d’éloge sur la pertinence des observations.
«Quand il dénonce la guerre et les victimes qu’elle engendre, il ne prend pas position. Il renvoit dos-à-dos les deux protagonistes, qu’ils défendent les Lumières de la Révolution ou le pouvoir absolu de la Monarchie».
La guérilla et les désastres de la guerre
A l’affiche du festival également, la série de Mario Camus sur cette même guerre d’indépendance . Six épisodes produits pour la télévision espagnole en 1982 pour décrire cette guerre de harcèlement, d’embuscades. Une guérilla meurtrière entre l’armée régulière du général Léopold Hugo et les troupes d’El Empecinado, l’un des chefs rebelles.
L’absurdité du terrorisme
Le plaidoyer du Festival contre la guerre ne s’arrête pas là. Il faut aller voir le film d’Iciar Bollain : «Les repentis». Un film inspiré par une histoire vraie.
Tout débute par l’assassinat d’un responsable socialiste au Pays Basque, Juan Maria Jauregui. Un meurtre de sang froid au nom de l’ETA qui lutte avec les armes pour l’indépendance de son pays.
La réalisatrice, elle aussi, nous montre l’absurdité de ce terrorisme et la souffrance des victimes. Mais avec un message fort. Pour elle, le dialogue vaut mieux que la violence gratuite.
Elle montre ces terroristes enrôlés voire manipulés par leur organisation qui après 20 ans de prison font ce chemin de la repentance. Deux d’entre eux vont finir par adresser leur pardon à la veuve héroïque, Maixabel Lasa avec une magnifique scène finale où l’assassin de son mari va se recueillir sur la tombe de sa cible et chanter avec ses adversaires d’hier.
Elle montre aussi le courage de cette femme qui essaye de comprendre les raisons et les mécanismes qui ont conduit des hommes engagés à exécuter sans pitié, 10, 15, 20 militants opposés à leur idéal politique sans savoir qui ils étaient, simplement pour remplir une mission.
Le film met en avant la justice réparatrice qui permet à chacun, de chaque côté de faire un pas. Un chemin long et difficile vers la réconciliation avec des échanges d’une intensité émotionnelle qui oblige le spectateur à réfléchir sur le sens et les bienfaits du pardon.
La réalisatrice viendra à Nantes le samedi 19 mars au Katorza.