• Bertrand Cuiller - es Apartés 3 juin( photo Julien Mignot)
3 juin 2024

Le claveciniste Bertrand Cuiller achève la 2e saison des concerts baroques à la bougie avec « Heaven and Earth »

Fragil avait rencontré le musicien lors de son passage aux Folles Journées. Bertrand Cuiller est de retour à Nantes pour donner un récital de clavecin dans le cadre des Apartés organisés par l’ensemble Stradivaria lundi 3 juin à la Chapelle de l’Immaculée Conception. C’est l’occasion pour Fragil de refaire un point avec lui sur sa passion, la musique.

Le claveciniste Bertrand Cuiller achève la 2e saison des concerts baroques à la bougie avec « Heaven and Earth »

03 Juin 2024

Fragil avait rencontré le musicien lors de son passage aux Folles Journées. Bertrand Cuiller est de retour à Nantes pour donner un récital de clavecin dans le cadre des Apartés organisés par l’ensemble Stradivaria lundi 3 juin à la Chapelle de l’Immaculée Conception. C’est l’occasion pour Fragil de refaire un point avec lui sur sa passion, la musique.

Bertrand Cuiller baigne dans la musique baroque depuis toujours. Sa mère Jocelyne Cuiller est claveciniste et clavicordiste. Son père Daniel Cuiller, violoniste a créé l’Orchestre Baroque de France avant de prendre la direction en 1987 de Stradivaria, l’orchestre baroque de Nantes. Aujourd’hui, il en est le co-directeur et son autre fils Guillaume, hautboïste a pris la direction artistique de Stradivaria qui organise aujourd’hui l’événement Les Apartés.
Bertrand Cuiller a eu l’occasion de jouer avec des membres de sa famille, mais aujourd’hui leurs chemins se sont séparés. Bertrand développe ses propres projets, notamment avec l’ensemble Caravansérail qu’il a crée en 2015.

« Je pourrais jouer la même œuvre toute ma vie et aller plus loin dedans… »

Bien qu’il ait un répertoire de prédilection abordé lors de notre précédent entretien, il reste ouvert à la redécouverte d’anciennes partitions si elles présentent un intérêt. Il précise que, par exemple, « les nouveaux programmes que j’ai fait avec mon ensemble l’année dernière, c’était sur la musique romaine du début du XVIIe siècle et c’est des compositions que personne ne joue. ». Ce n’est absolument pas l’idée de sortir une œuvre inconnue qui le motive, mais « Je trouvais cette musique passionnante et j’avais envie moi de me plonger dans une composition que je connaissais pas pour le plaisir de la découverte. C’est plutôt une recherche personnelle. » D’ailleurs, il trouve dommage que sous le couvert de nouveautés exhumées des temps passés, on ressorte des œuvres qui ne présentent pas grand intérêt. Il précise « Je pourrais jouer la même œuvre toute ma vie et aller plus loin dedans, travailler, rechercher, il y a toujours un truc nouveau. C’est comme quand tu vas dans la forêt. C’est toujours la même forêt, mais chaque jour, elle est différente, tu es content d’y retourner. Tu vas le matin, et le soir tu ne la reconnais pas alors que c’est le même endroit. »

clavecin londonien construit en 1579 par Lodewijk Theeuwes

Le clavecin londonien construit en 1579 par Lodewijk Theeuwes et conservé au Victoria and Albert Museum qui a servi de modèle à l’instrument dont joue Bertrand Cuiller.

Trois musiciens anglais élisabéthains au programme du récital Heaven and Earth

Bertrand Cuiller a choisi de jouer une sélection d’œuvres de trois compositeurs anglais John Bull, William Byrd et Peter Philips. Il donne trois raisons à cela. Tout d’abord il aime revisiter la musique anglaise renaissance car dit-il : « c’est une des musiques que je préfère jouer » De plus, « elle est moins jouée que celles plus connues de Bach, Rameau, Scarlatti ou Couperin. ». Et surtout il va la jouer sur son clavecin qui est « la copie d’un clavecin de 1579 vraiment très ancien, qui est conservé au Victoria & Albert Museum à Londres et qui est relié à William Byrd. ». En effet, Bertrand Cuiller explique que l’instrument original appartenait à une famille proche du compositeur William Byrd dont il va jouer la musique ce soir.

Les Apartés, c’est aussi un projet d’action culturelle.

Et Bertrand Cuiller va aussi y participer lors de son passage à Nantes. Le matin avant le récital, il va donner un concert pédagogique accompagné d’une médiatrice auprès d’écoliers. Le lendemain, il ira jouer un concert pour un public âgé demeurant en Ehpad. Bertrand Cuiller est déjà familier des actions d’éducation artistique et culturelle car avec son ensemble Le Caravansérail, il mène des activités pédagogiques à Montereau-Fault-Yonne.

Musique du passé, mais homme de son temps bien ancré dans le présent

Bertrand Cuiller s’interroge beaucoup sur la marche du monde et nous fait part de son questionnement quant aux politiques menées face aux « gros problèmes sociaux et politiques de l’époque ». Ainsi il reste dubitatif sur les actions menées auprès de jeunes enfants qui ne savent ni lire, ni écrire car il ne participera en rien à rattraper leur fort retard scolaire : « Est-ce que c’est en allant dans les écoles montrer comment marche un clavecin qu’on va changer les choses, je ne suis pas très sûr. Je voudrais être sûr qu’on ne perde pas un peu notre temps pour faire semblant de justifier des politiques pourries ! ». Il poursuit « Je suis content de donner et de partager avec tout le monde, mais je veux que ça ait du sens. Je ne veux pas passer mon temps à faire du pansement, à faire quelque chose qui est complètement déconstruit par ailleurs… » Bien qu’à la fin de l’année les élèves de CE2 et CM1 qu’il accompagne et fait travailler, donnent un spectacle de danse Renaissance, déclament des sonnets de Shakespeare et chantent du Purcell avec un certain talent, ça reste à ses yeux : « une goutte d’eau par rapport au mouvement général politique du monde ».
Lorsque Fragil évoque la baisse des subventions dans le secteur culturel, Bertrand Cuiller ne pense pas être le plus impacté dans ses activités, toutefois il exprime la volonté de ne rien lâcher : « Il faut lutter, il faut continuer absolument à se battre ! ».

 

Répétition du répertoire anglais par Bertrand Cuiller (Insta)

Le répertoire britannique qui sera joué à Nantes par Bertrand Cuiller réserve peut-être des surprises ?!

Agenda de Bertrand Cuiller

  • 2 août : Le Caravansérail à Bruges « Odes »
  • 6 septembre : nouvel album « Bach en solo » sur le label Ramée de Outhere Music
  • L’Apothéose de Monsieur Violon, spectacle pour jeune public bientôt en tournée
  • Les Fâcheux de Molière et Pierre Beauchamps

Info utiles :

Les apartés – Heaven and Earth – Stradivaria
Lundi 03 juin 2024 à 20.30
Chapelle Notre-Dame de l’Immaculée Conception
Nantes, Rue Malherbe, 44000 Nantes

 

Crédit photo : Julien Mignot

Nantaise de cœur, Caroline sillonne la ville entre concerts et spectacles. Ses autres domaines de prédilection : l'art contemporain, les arts graphiques et le cinéma ! Elle partage avec plaisir ses coups de cœur culturels.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017