Aller voir un film au Festival des 3 Continents, c’est s’ouvrir l’esprit sur un monde méconnu, découvrir des histoires pleines de sens, voir des visages inhabituels, écouter des langues étrangères. Un choc culturel qui change notre regard sur les autres. Jérôme Baron, l’actuel directeur artistique, qui dirige aussi le Cinématographe à Nantes, en a fait l’expérience dès l’âge de 15 ans.
«C’était une expérience déterminante» confesse-t-il dans une interview accordée à Fragil. «J’ai élargi mes horizons cinématographiques en regardant ces histoires intimes, profondes, terribles. Ce cinéma d’auteur m’a donné une vue précise sur le monde avec un discours articulé, réfléchi, sensible. Tous ces témoignages ont changé mon rapport au monde et ont donné de l’épaisseur à la réalité».
90 films en 10 jours dont 10 en compétition
Pour sélectionner les 90 films qui seront présentés du 18 au 27 novembre à Nantes au Katorza, au Concorde, à Bonne Garde au Cinématographe mais aussi à l’Eden 3 d’Ancenis, au Gén’eric d’Héric, à l’Atlantique de La Turballe, au Jacques Tati de Saint-Nazaire, au Connétable de Clisson, au Lutétia de Saint Herblain, Jérôme Baron a visionné 1300 films. Autant dire que le tri a été sévère. Voici ses recommandations si vous ne pouvez pas tous allés les regarder.
Rewind and play à Trempo
Parmi les 10 séances spéciales, il y en a une à ne manquer sous aucun prétexte, selon lui : Rewind and play mercredi 23 novembre à Trempo (entrée libre). Il s’agit d’un portrait de Théolonious Monk revisité par Alain Gomis. Le réalisateur a monté des rushes inédits d’une interview que le célèbre pianiste avait accordé en 1969. Le montage brosse un portrait tout en finesse.
Les «OVNIs» indiens
Quant aux rétrospectives, elles livrent des trésors cinématographiques. Celles consacrées à l’automne indien recèle notamment «deux OVNI» , deux films «étonnants, politiques, poétiques, satyriques» au dire de Jérôme Baron. Celui de Sanjiv Shah :Hun Hunshi Hunshilal et le «cultissime» Om dar-b-dar de Kamal Swaroop.
Kore-Eda, invité à la cérémonie de remise des prix
La rétrospective du japonais Hirokazu Kore-Eda offre un regard «lucide, tendre mais sans excès sentimental» sur son pays. Pour Jérome Baron, Kore-Eda est «plus qu’un cinéaste de la famille». «Il explore de façon unique le cœur du Japon». Avoir rassemblé ses 20 films montre à quel point «ils viennent s’enrichir les uns les autres». Le réalisateur japonais viendra les présenter le dernier week-end du festival et sera l’invité d’honneur de la soirée de clotûre à Stéréolux le dimanche 27 novembre. Film recommandé : Lessons from a calf.
Chez Mike de Leon, tout est bon
L’œuvre de Mike de Leon est présentée dans son intégralité. C’est une première mondiale. Pour Jérôme Baron, il faut tout aller voir car le réalisateur philippin est «un génie de la plastique et de la forme». Il n’a pas son pareil pour questionner la jeunesse. Quelle est son destin ? Son identité culturelle ? Est-elle condamnée à la misère sociale voire morale ?
Perrone, un cinéaste à part
Enfin la rétrospective consacrée à l’argentin Raùl Perrone, le franc-tireur d’Itizaingo, est un condensé de sa production originale. En 30 ans, Raùl Perrone a réalisé 60 films sans quitter son village d’Ituzaingo, à 100 km de Buenos Aires. Sa particularité : il a embarqué dans son aventure cinématographique tous les habitant·es.
Le festival, un tremplin pour ce cinéma indépendant
Le Festival des 3 continents donne aussi à de jeunes cinéastes débutant·es la possibilité de réaliser leur premier film grâce à l’atelier Produire au Sud. 6 binômes sélectionnés parmi 100 candidatures seront accompagnés pendant ces 10 jours pour écrire le scénario, concevoir la mise en scène et trouver un producteur.
En plus de 40 ans d’existence, le festival né à Nantes a acquis une notoriété internationale. Il a révélé des cinéastes qui ont ensuite brillé dans des festivals plus prestigieux.
«Les 3 continents sont devenus l’antichambre du Festival de Cannes» reconnaît Jérôme Baron. «Si je sélectionne un film indonésien par exemple, j’ouvre des portes à son réalisateur. Il sera présenté à Cannes, Venise ou Berlin».
Bref, le festival des 3 continents ne change pas que le regard des nantais·es sur le monde. Il transforme aussi le destin de ces films créatifs et indépendants des grands circuits commerciaux.