10 avril 2024

Le Musée Dobrée, bientôt dévoilé

Moins de deux mois avant la réouverture du nouveau Musée Dobrée, le 18 mai prochain, les derniers objets prennent place dans leur écrin. Focus sur les équipes qui sont à l'œuvre dans la mise en place des collections.

Le Musée Dobrée, bientôt dévoilé

10 Avr 2024

Moins de deux mois avant la réouverture du nouveau Musée Dobrée, le 18 mai prochain, les derniers objets prennent place dans leur écrin. Focus sur les équipes qui sont à l'œuvre dans la mise en place des collections.

Il aura fallu un peu plus de deux ans de travaux pour cette réhabilitation-extension d’envergure, menée par l’Atelier Novembre (Paris). Mais déjà, le Musée Dobrée a retrouvé de sa superbe et affirme toute la singularité de son architecture à celles et ceux qui l’aperçoivent derrière les dernières barrières de chantier. Installé au cœur de Nantes, près du Muséum voisin, il s’articule autour de trois bâtiments : la Maison Dobrée, flanquée d’une tour de 30m, palais néo-médiéval qui accueille les collections permanentes sur quatre étages, le manoir du 15e siècle (destiné aux expositions temporaires) et le bâtiment d’accueil, agrémentés d’un jardin, en accès libre. Entrer dans le Musée Dobrée, c’est embarquer pour un voyage au cœur de 500 000 ans d’histoire (de la Préhistoire au 20e siècle) et parcourir les cinq continents. Mais il faudra patienter encore quelques semaines avant de pouvoir le découvrir, le 18 mai prochain, lors de la Nuit Européenne des Musées.

 

La tour du Palais Dobrée (XIXe siècle) côtoie l’extension du Manoir de la Touche et les espaces d’accueil. Une rénovation-extension de l’Atelier Novembre (Paris) 2024.

« Le seul bagage attendu en venant au Muse Dobrée, c’est la curiosité ».
Julie Pellegrin, Directrice de Grand Patrimoine de Loire-Atlantique.

Julie Pellegrin, Directrice de Grand Patrimoine de Loire-Atlantique, devant la sculpture de Thomas Dobrée (1810-1895).

Un musée de collectionneurs, pensé comme un espace chaleureux et accessible à tous·tes

Le Musée Dobrée est avant tout un musée de collectionneurs. Au départ, le projet ambitieux de Thomas II Dobrée (1810-1895), passionné d’arts et d’objets du monde entier, qui consacra trente ans de sa vie et sa fortune familiale à la construction d’une demeure monumentale, destinée à accueillir ses collections. Achevée après sa mort, la maison ne fut pas habitée, mais elle s’apprête aujourd’hui à accueillir les visiteur·euse·s comme des invité·es de choix.
La collection originelle, associée à celle de la Société archéologique et historique de Nantes, et complétée de nombreux autres dons, porte en elle l’éclectisme et l’esprit de curiosité. C’est cet esprit qui a été mis en avant, pour une découverte qui privilégie l’expérience et le ressenti. Désormais, les collections (arts décoratifs, beaux-arts, arts graphiques, livres anciens, numismatique…), s’appréhendent librement avec, pour seul moteur, l’émotion. Et les espaces sont conçus et aménagés pour que le visiteur se sente chez lui.

Le Laboratoire départemental Arc’Antique, au cœur de la campagne de restauration

Ce sont plus de 2400 objets qui seront présentés aux visiteurs et chacun d’entre eux a fait l’objet d’une attention toute particulière. Les équipes de conservation, régie des collections et restauration sont à l’œuvre depuis des mois pour préparer la réouverture. Dès 2019, 1900 objets sont partis en restauration, partout en France, dont près de la moitié a été prise en charge par les équipes du Département, au Laboratoire Arc’Antique. Spécialiste de la restauration de céramique et de verre, de métaux, de matériaux organiques et du patrimoine sous-marin, c’est un service unique en France, les laboratoires de restauration étant majoritairement privés.
Devant un crâne d’auroch, daté de 5000 ans avant notre ère, Aymeric Raimon, conservateur-restaurateur du patrimoine au laboratoire Arc’Antique explique : « C’est l’œuvre qui m’a demandé le plus de temps. J’y ai consacré  80 heures, car elle était en très mauvais état et avait été restaurée de manière abusive ». Des pièces d’exception, Aymeric Raimon en a vu passer des centaines entre ses mains (pièces d’orfèvrerie remarquables, intégralité de la collection d’armes de la famille Rochebrune), en gardant toujours à l’esprit que son travail se devait d’être réversible et invisible, dans le strict respect des matériaux.

Photo Aymeric Raimon. Musée Dobrée.

Aymeric Raimon, Conservateur-Restaurateur au Laboratoire Arc’Antique, présente un crâne d’Auroch (5000 avant notre ère) qu’il a restauré.

L’installation des collections dans leur écrin, une étape complexe

« Il faut choisir quels objets on expose, dans quelle vitrine, comment est-ce qu’on les présente et quel discours on raconte autour de ces objets », explique Muriel Rouaud, responsable de la régie des collections du Musée Dobrée. La présentation d’un objet résulte d’un dialogue permanent entre le service de conservation, qui cherche à ce que l’œuvre soit visible et compréhensible par tous·tes, et les équipes de restauration qui peuvent orienter la demande, ou trouver des palliatifs, en fonction de l’état de conservation de l’objet et des possibilités de soclage. Sculptures, dépôts métalliques (un phénomène très répandu localement), pièces d’orfèvrerie, galerie de céramiques…à chaque objet, son socle, pour une présentation qui le sublime. Et lorsque l’on interroge Muriel Rouaud sur l’élément le plus symbolique de cette réouverture, elle cite sans hésiter le montage des quatre statues monumentales, de 3 à 4 m de haut, qui ornaient le clocher de la cathédrale romane de Nantes. Composées de plusieurs tronçons, elles ont été stockées sur des palettes puis remontées en février dernier, bloc par bloc. « Les revoir enfin remontées toutes les quatre, côtes à côtes, a été un grand moment d’émotion pour tous les anciens qui ont travaillé ici avant la fermeture ».
Le dernier niveau
du Palais, consacré aux « ailleurs », présente les collections archéologiques méditerranéennes (Égypte, Grèce, Étrurie) et les arts extra-européens. Là encore, à l’approche d’un couvercle de sarcophage présenté dans sa plus pure expression, on ne peut que souligner le travail de soclage, qui laisse la part belle à l’émotion, en le présentant comme en lévitation.

Couvercle de sarcophage en bois, collection Egyptienne du Musée Dobrée.

Les derniers objets installés ne seront pas des moindres. Le célèbre écrin d’or du cœur d’Anne de Bretagne sera bientôt placé dans sa vitrine, dans la salle des orfèvreries, à côté de la Chasse de St Calmin (XIIe siècle), objet phare de la collection, car c’est celui qui inspira la construction du Palais. Et les céramiques prendront place dans leur galerie-bibliothèque. « Ce sont les dernières œuvres que l’on va installer, quand il y aura moins de monde dans le Musée, que ce sera plus calme », nous glisse Muriel Rouaud. Car iels sont nombreux·ses, les professionnel·les, à circuler et s’affairer pour une ultime vérification et pour se réjouir, on le devine, de tout le travail accompli.

 

Réouverture le samedi 18 mai. Boutique, librairie et café. Jardins en accès libre.
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Originaire de la Drôme, Domitille a jeté l’ancre à Nantes, il y a près de quinze ans après avoir fait un tour de France pour ses études et ses activités professionnelles. Guide conférencière, médiatrice et chargée de projets culturels, elle a appris à connaître la ville de fond en comble ainsi que son patrimoine grâce à son métier

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017