• lecture-numerique-dys
18 janvier 2018

Lecture pour dys : dix sur dix pour Mobidys !

Une start-up nantaise rend la lecture accessible aux dyslexiques en aidant les éditeurs à enrichir leur texte numérique en fonctions cognitives.

Lecture pour dys : dix sur dix pour Mobidys !

18 Jan 2018

Une start-up nantaise rend la lecture accessible aux dyslexiques en aidant les éditeurs à enrichir leur texte numérique en fonctions cognitives.

Derrière le nom de Mobidys, inspiré du célèbre roman de Melville Moby Dick, on retrouve un « équipage » engagé : Marion Berthaut, pilote du projet, Jérôme Terrien, graphiste-maquettiste et Laure Zuber, chef de la fabrication.

Leur ambition ? Développer des livres numériques accessibles aux personnes dyslexiques. En France, environ 5 % de la population serait atteinte de ce trouble cognitif.

Ce qu’il faut comprendre, c’est que la dyslexie n’est pas une difficulté à lire mais une difficulté à apprendre à lire. Confusion des lettres, confusion des sons, des mots… Et surtout, distorsion du sens : lorsque le cerveau ne comprend pas, il complète par ce qu’il pense être logique, nous explique Marion Berthaut.

Lorsque le diagnostic tombe, la question de l’apprentissage de la lecture doit se poser rapidement pour que l’enfant ne tombe pas dans un engrenage d’échec scolaire et d’exclusion.

Les parents sont souvent désemparés de ne pas trouver de solutions, surtout au collège. Au primaire, il y a une certaine indulgence vis-à-vis des enfants. Mais en 5e ou 4e, tout le monde est censé comprendre les consignes. C’est à ce moment-là que les adolescents envoient tout bouler : « je ne veux pas voir l’orthophoniste »,  « je ne suis pas malade » et commencent à décrocher, précise Marion Berthaut.

Des solutions innovantes de soutien à la lecture

 

De manière tout à fait inédite (et brevetée), Mobidys conçoit pour les éditeurs Jeunesse et Scolaire des ebooks au format epub 3 afin d’exploiter tout le potentiel du numérique. Une bibliothèque de fonctionnalités a été développée à partir de méthodes de soutien reconnues et éprouvées… et grâce à l’intelligence artificielle.

Pour les définitions, l’IA est capable d’adapter les définitions proposées en fonction du contexte. Elle peut aussi repérer à qui fait référence un pronom, par exemple. C’est ce que l’on nomme l’explicitation anaphorique. Demain, elle pourra automatiser l’analyse textuelle et sémantique sur un nombre de critères qu’on lui aura appris. En travaillant avec le LS2N (laboratoire des sciences du numérique de Nantes), nous sommes passés de 62 % de taux de pertinence à 85%. L’objectif maintenant est d’atteindre les 98%, détaille Marion Berthaut.

Suivant l’âge et les préférences de lecture, l’utilisateur aura la possibilité de choisir parmi plusieurs options permettant de soulager les efforts cognitifs – « Free Your Cognition » – et d’accéder au texte original : soutien audio, au déchiffrage (lecture syllabique, valorisation de la ponctuation, isolation des unités de sens), à la compréhension…

La start-up s’adapte au cahier des charges des éditeurs pour fabriquer les livres numériques : conseils sur le choix des fonctionnalités, développements spécifiques en fonction des besoins, conseils sur la direction artistique et sur la place accordée à l’image dans le soutien à la lecture et enfin fabrication par l’intégration du contenu en HTML, CSS et Javascript.

Plusieurs maisons d’édition françaises et étrangères ont déjà eu recours aux services de Mobidys : Nathan pour sa collection Dyscool ou encore Bayard pour enrichir sa collection J’aime Lire.

Avec un tel engouement de la part des parents, des orthophonistes et surtout des lecteurs qui en redemandent, nous appelons les éditeurs à étoffer leur catalogue de titres adaptés pour les dys. Notre ambition, à terme, est de leur proposer une plateforme où il pourront directement intégrer leur texte et les options d’enrichissement cognitif, les « free cog » au format web ou epub, espère Marion Berthaut.

Des obstacles technologiques à surmonter

Pour mener à bien cette mission, Mobidys prend le temps d’ouvrir le marché en levant un à un les obstacles technologiques.

Tout d’abord, elle travaille sur la question de la standardisation des fonctions « free cog », en collaboration avec les instances dédiées du livre numérique et du web ; Edrlab, Le Laboratoire européen de lecture numérique (European Digital Reading Laboratory), en lien avec l’IDPF (International Digital Publishing Forum) désormais rattaché au W3C (World Wide Web Consortium).

Ensuite, elle veille à rendre compatibles les readers avec la version epub 3. Sur Android, qui représente plus de la moitié du marché, Mobidys a dû développer sa propre application de lecture FROG (disponible gratuitement), pour que l’intégralité des fonctions embarquées dans les epubs soient disponibles. Même problématique pour les manuels scolaires : les éditeurs passent par le catalogue CNS (Canal Numérique des savoirs) lié à un reader qu’il a fallu, lui aussi, faire évoluer.

Une recapitalisation nécessaire

Mais toutes ces activités ne sont pas rémunératrices pour la start-up qui doit investir lourdement en Recherche et Développement.

Financée dans un premier temps sur fonds propres et crowdfunding via ULULE, Mobidys a reçu le support financier de la Fench Tech, la “Fabrique AVIVA” et la “Creative Care FACTORY” (avec Harmonie Mutuelle). Aujourd’hui, elle souhaite aller plus loin en lançant durant tout le mois de janvier une opération de financement solidaire via la plateforme Wedogood.

Les contributeurs, particuliers ou organisations, peuvent évaluer l’intérêt du projet mais surtout investir une somme d’argent, qui sera rétribuée par un intérêt trimestriel, proportionnel au chiffre d’affaires de l’entreprise.

Pour la note, on donne déjà 10/10 à Mobidys !

Et pour participer, c’est par ici.

Crédit photo : Antoine Monié

Après 10 ans passés à l’étranger, Laura a gardé le goût des voyages et des rencontres ! Elle est aujourd’hui rédactrice web à Nantes et s’intéresse (notamment) aux sujets liés au numérique.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017