Organisé par la ville de Saint Herblain, le cycle de conférences sur des sujets d’actualité « Place Publique » proposait, pour son dernier rendez-vous de la saison, d’explorer le thème des fake news, faits alternatifs et autres théories du complot à travers une conférence-débat intitulée « L’ère du Mensonge ».
Pour mener cette soirée, Place Publique avait convié Jean Chabot, journaliste, et invité deux spécialistes : Laurent Bigot, enseignant-chercheur à l’école publique de journalisme de Tours et spécialiste du fact-checking, David Prochasson, journaliste indépendant.
[aesop_image overlay_revealfx= »off » revealfx= »off » force_fullwidth= »off » lightbox= »on » captionposition= »center » credit= »Fragil » caption= »De gauche à droite : le traducteur LSF, Jean Chabot, Laurent Bigot et David Prochasson » align= »center » imgwidth= »40% » img= »https://www.fragil.org/wp-content/uploads/2018/06/IMG_20180628_201420.jpg »]
20h05, le débat commence
Après une rapide présentation des deux intervenants, Jean Chabot a tenu à débuter en clarifiant le vocabulaire qui allait être employé tout au long de la soirée :
– Fake news = fausse information destinée à nuire
– False news = erreur dans le traitement d’une information
– Propagande = information erronée avec une notion politique
– Faits alternatifs = faire croire que la vérité est plurielle
Le débat a ensuite abordé le projet de loi « Manipulation de l’information » que le gouvernement a annoncé et qui est d’ores et déjà en première lecture à l’assemblée nationale.
Les deux intervenants ont conjointement exprimé leurs réticences en soulignant plusieurs problèmes liés à ce texte :
– Cette loi semble difficilement applicable et ne sera appliquée qu’en période électorale
– La loi de 1881 sur la liberté de la presse paraît suffisante
– Qui aura autorité pour désigner les fausses informations ?
– Comment neutraliser les milliers de robots qui sont désormais derrière bon nombres de comptes Twitter et Facebook ?
En conclusion, pour les deux intervenants, il paraît essentiel de réguler la circulation de l’information sur les réseaux sociaux afin de maîtriser la propagation des fausses informations.
Une question du public est venue compléter ce débat : Les journalistes ont-ils été conviés à la rédaction de cette loi ?
Pas à la connaissance des deux intervenants.
Une deuxième question est venue remettre en cause le débat : quelle est la réelle menace de cette propagation des fake news ?
Selon les deux intervenants, c’est surtout pour les jeunes que la menace est réelle. Parce que les réseaux sociaux sont devenus pour cette génération les principales sources d’information, les principaux lieux de débat et, à leur insu, une énorme caisse de résonance pour toutes les intox et fake news. C’est pour cette tranche d’âge que le danger semble réel.
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Fact checking
Jean Chabot a ensuite recentré le propos sur le terme de fact checking, spécialité de Laurent Bigot à laquelle il a consacré sa thèse universitaire.
Ce terme est apparu dans les années 1920 aux Etats-Unis. A l’époque, beaucoup de publications engageaient des journalistes qui étaient entièrement dédiés à la vérification des informations publiés dans les articles.
Ce terme a ensuite fait sa réapparition en 2003 après le mensonge de Colin Powell devant l’ONU au sujet des armes chimiques et de destruction massive que Saddam Hussein étaient supposées détenir. Après cette manipulation, les journalistes ont décidé de s’armer et de relancer le fact checking.
Il a longtemps été concentré sur les déclarations des femmes et des hommes politiques. Puis s’est rapidement généralisé à toutes les informations.
Jean Chabot a ensuite interrogé David Prochasson au sujet de la résidence journalistique consacrée à l’éducation aux médias qu’il a eu la chance d’expérimenter dans la communauté de communes d’Erdre et Gesvres. Grâce à ce dispositif initié par la DRAC, il a eu l’occasion de donner des ateliers dans des écoles mais également à destination de la population au sens large. Il nous a expliqué qu’il avait partagé ses interventions entre théorie et pratique afin que les participants se confrontent aux réalités du métier et notamment à la nécessité de croiser ses sources.
Les questions du public ont ensuite fusé :
La publicité n’est-elle pas un mode de propagation des fake news ?
Si, il y parfois manipulation, mais c’est le but de la pub, elle n’avance pas masquée.
La défiance envers les médias ne vient-elle pas du fait que les publications françaises sont détenues par des milliardaires ?
Pas vraiment, selon les deux intervenants. Parce que la majorité des journalistes restent indépendants. Laurent Bigot a cependant tenu a soulever la question de l’autocensure. Cette pratique peut amener certains journalistes à ne pas se positionner sur certains sujets liés au groupe auquel leur média appartient.
Pourquoi l’Etat n’investit pas plus dans l’éducation aux médias ?
Question à laquelle les deux intervenants n’avaient pas vraiment de réponse.
Pourquoi la fachosphère est-elle si puissante sur le net et pourquoi n’a-t-elle pas de rival ?
Effectivement, l’extrême droite est très active sur les réseaux et fait beaucoup de bruit. Pourquoi ? Parce qu’elle s’est organisée avant les autres.
La loi sur le secret des affaires va-t-elle nuire un peu plus au travail des journalistes ?
Oui, bien sûr, mais le journalisme d’investigation va se poursuivre en évitant de rentrer dans le cadre de l’espionnage tel qu’il est évoqué dans la loi.
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Petit exercice
Avant de conclure ce très intéressant débat, Jean Chabot a convié les deux intervenants à un petit exercice : en quelques minutes, peuvent-ils nous expliquer comment ils s’y prennent pour vérifier une information ?
Laurent Bigot et David Prochasson ont décrit les mêmes outils :
– Vérifier la provenance de l’information, la source, grâce à des sites comme le décodex initié par Le Monde
– Croiser les sources (vérifier si un autre média fiable traite cette information)
– Regarder le « qui sommes-nous « et les mentions légales des sites sources
– Bien identifier les médias
Après une conférence-débat riche en vraies informations et entièrement traduite en langage des signes, le public et les intervenants se sont retrouvés autour d’un buffet pour poursuivre les conversations.
Rendez-vous en septembre pour le retour de « Place publique » dont le premier thème sera consacré aux dangers des écrans pour les enfants de mois de 6 ans.
[aesop_image overlay_revealfx= »off » revealfx= »off » force_fullwidth= »off » lightbox= »on » captionposition= »center » credit= »Maison des arts » caption= »Le flyer de la conférence » align= »center » imgwidth= »40% » img= »https://www.fragil.org/wp-content/uploads/2018/06/flyer.jpg »]