En début d’après-midi d’une journée ensoleillée, Bruno*, Mathilde* et Xavier* m’ont tous les trois rejoint dans un café pour parler de l’association intersyndicale VISA (Vigilance et Initiatives Syndicales Antifascistes) et de sa branche de Loire-Atlantique, créée en juin 2023.
Bruno, membre du bureau et du conseil d’administration, a, comme Xavier, rejoint VISA au niveau national bien avant la création de la branche départementale. Pour Mathilde, c’est la lutte victorieuse pour le CADA (Centre d’accueil pour demandeur·se·s d’asile) de Saint-Brévin qui l’a poussée, elle et son syndicat, à intégrer VISA44. Comme elle le souligne, « nos modes d’action sont différents, nous avons des divergences, mais nous avons aussi des points de convergence, et c’est ceux-là que nous voulons faire exister ».
Une création au cœur de la lutte contre l’extrême droite
VISA voit le jour en 1996. « On s’est organisé à l’époque face à une première offensive sociale du Front National, qui avait créé des syndicats étiquetés FN », m’explique Xavier. Grâce à une forte mobilisation, tous ces syndicats d’extrême droite finiront par être interdits.
Cinq organisations syndicales composent la branche départementale de Loire-Atlantique : le SAF (Syndicat des Avocats de France), Solidaires, la CGT (Confédération Générale du Travail), la CNT (Confédération Nationale du Travail) et la FSU (Fédération Syndicale Unitaire). Elles ont toutes à cœur de « dénoncer et combattre syndicalement toutes les discriminations racistes, sexistes et LGBTophobes au sein et en dehors des entreprises et des administrations », comme l’indique leur communiqué de presse.
La montée des actes de violences
Mathilde rappelle : « Il y a quelques mois, il y a eu un procès à Vannes pour des faits qui ont eu lieu en 2017, à Nantes, lors du deuxième tour des élections présidentielles. Des membres du GUD (Groupe Union Défense, groupuscule étudiant d’extrême droite connu pour ses actes de violence répétés, dissous en 2024, ndlr) avaient laissé pour morts deux jeunes à l’arrêt Du Chaffault parce qu’ils étaient considérés comme antifascistes ». Cette soirée du 7 mai 2017 a laissé à Erwan et Steven, deux cyclistes dont le seul « tort » était de porter des vêtements sombres, des séquelles à vie. Les quatre militants d’extrême droite ont été condamnés à des peines allant de deux ans avec sursis à sept ans de prison ferme par la cour d’assises du Morbihan.
Bien que Nantes soit relativement épargnée par les groupuscules d’extrême droite comparée à Angers ou Rennes, « ce sont les mêmes militants violents que l’on retrouve à travers toute la région. Ils sont peu nombreux, mais se déplacent beaucoup. On a également Nemesis (groupuscule identitaire se réclamant du féminisme, ndlr) qui vient d’arriver », complète la syndicaliste. En avril, quatre d’entre elles avaient perturbé le meeting de Jean-Luc Mélenchon à la faculté de médecine, munies de pancartes « voile = soumission » et « burka = obscène ».
Déceler, identifier, nommer
« Notre travail consiste à déceler et identifier, parce que le fascisme ne reviendra pas sous sa forme originelle. Il faut pouvoir dénoncer les comportements d’extrême droite et les nommer. À Nantes, il y a deux blocs : les catholiques intégristes, qui constituent le bastion historique de l’extrême droite, et les nationalistes », explique Xavier. Récemment, France 3 Pays de la Loire a mis en lumière les dérives sectaires de la Fraternité Saint-Pie X, où 500 membres de la communauté avaient défilé dans les rues de Nantes pour un chemin de croix le 18 février dernier.
« La vocation de VISA est de produire du matériel argumentaire pour les militants dans le monde du travail et syndical, afin de déconstruire les programmes et les discours de l’extrême droite. »
« Chaque fois que l’actualité justifie une prise de position, nous préparons un dossier pour déconstruire les mensonges, comme pour l’imposture rurale de l’extrême droite. Tout est accessible sur le site. Le but n’est pas de gagner de l’argent, mais que ce matériel soit utilisé et serve à l’éducation sociale sur les questions d’extrême droite », m’apprend Bruno en me tendant plusieurs documents. Parmi eux, leur dernier dossier paru : « de l’Italie de Meloni à la France de Le Pen ».
C’est dans cette dynamique qu’ils organisent des formations pour les salarié·e·s.
« On étudie des cas qui se sont réellement passés parce que les fascistes ne s’arrêtent pas de l’être une fois qu’ils ont pointés au travail »
« Nous étudions des cas qui se sont réellement produits parce que les fascistes ne cessent pas de l’être une fois qu’ils ont pointé au travail. »
Une première session a déjà eu lieu à la Maison des syndicats sur l’île de Nantes. « Ça s’est très bien passé, ça nous motive à en organiser d’autres », se réjouit Xavier. « Là, tout est un peu chamboulé avec le nouvel agenda politique, mais on espère pouvoir en caler une autre au second semestre, si nous ne sommes pas interdits d’ici là. »
Tous s’inquiètent d’une potentielle arrivée au pouvoir de l’extrême droite. VISA44 ne donne pas de consigne de vote, mais appelle à « ne donner aucune voix à l’extrême droite » le jour des législatives.
Le 28 septembre auront lieu leurs premiers États généraux à Paris. « Les VISA locaux, les syndicats et autres organisations adhérentes sont invités à contribuer et à proposer des idées sur le fonctionnement de VISA ». L’association intersyndicale s’agrandit et appelle ses membres à participer à sa restructuration.
*en raison de récentes menaces, tous les prénoms ont été modifiés