• Maxime Blanc et Amandine Heulard nous présentent leurs classiques de la littérature Queer
12 novembre 2024

Les Vagues : plus qu’une librairie queer, des ateliers militants pour rendre la littérature accessible

La librairie queer "Les Vagues", ouverte depuis le 15 juin rue de Strasbourg à Nantes, propose de repenser la notion d'accessibilité en offrant d'autres approches et moyens d'accès à la littérature. Rencontre avec les gérant·es de ce projet, Amandine Heulard et Maxime Blanc.

Les Vagues : plus qu’une librairie queer, des ateliers militants pour rendre la littérature accessible

12 Nov 2024

La librairie queer "Les Vagues", ouverte depuis le 15 juin rue de Strasbourg à Nantes, propose de repenser la notion d'accessibilité en offrant d'autres approches et moyens d'accès à la littérature. Rencontre avec les gérant·es de ce projet, Amandine Heulard et Maxime Blanc.

Première librairie queer à Nantes, Les Vagues a fêté ses quatre mois d’ouverture en octobre. Amandine Heulard et Maxime Blanc, les gérant·es du lieu, nous parlent de leur vision devenue réalité.  

Ouverte depuis mi-juin, la librairie Les Vagues, nom en hommage à un roman de Virginia Woolf, propose, outre un vaste choix d’ouvrages queers, des ateliers et rencontres in situ et hors les murs. Un parti pris important pour les jeunes libraires, car parler de littérature queer, c’est forcément parler de visibilité, comme le rappelle Amandine : « On cherche à prendre la place et c’est ce qu’on fait en ouvrant ce genre de lieu et c’est pour ça que c’était important de mettre ‘queer’ sur la façade, c’était une façon de dire ‘On est là' ». 

« Désacraliser » l’accès aux librairies avec des ateliers

Dans une ville où il y a déjà « beaucoup de librairies », ce n’est pas anodin. Et qui dit accès à une librairie dit aussi désacraliser cet accès, un autre point important pour Amandine et Maxime qui voient en leurs ateliers une façon d’y parvenir : « C’est aussi ramener des personnes qui ne viennent pas dans un premier temps accéder à des livres mais pour faire du collage, pour écrire (…) ces ateliers-là marchent super bien, ce sont des petits groupes, ça crée un espace un peu cocon dans la librairie ». Ce sont aussi, par exemple, des lectures au bar queer La Plaisir, « Les Traversées », mises en place conjointement avant même l’ouverture de la librairie.  

La librairie Les Vagues met en avant des ouvrages queers

Au-delà d’un simple magasin de livres, c’est donc la volonté de proposer un lieu militant qui permet de se retrouver, ainsi qu’un espace d’ouverture : certaines personnes « ne sont pas forcément présentes dans les milieux militants et dans les évènements queers de Nantes, mais restent des personnes LGBT, et ces événements-là permettent de les rencontrer » nous précise Amandine, en ajoutant que « quand on met ‘Librairie Queer’, il faut être à la hauteur de ce qu’on a écrit sur notre devanture« . 

Ces animations organisées pour échanger avec des écrivain·es queer servent ainsi à « désacraliser quelque part les auteurices qu’on peut adorer lire, pour pouvoir les rencontrer : ces personnes-là, elles sont ici et elles sont comme nous. Et c’est aussi donner la possibilité d’entendre l’échange sur des lectures avec du public ; ça marche et pour nous c’est trop important ». 

Un lieu de rencontres et de convivialité

Multiplier les propositions, c’est multiplier l’accès à la littérature, à la réflexion, à l’échange. Car ceux qui passent la porte ne viennent pas là par hasard, souligne Maxime lorsque la question de l’accès et l’emplacement est évoquée : « C’est plus difficile de toucher les gens qui ne nous connaissent pas. C’est vrai que par rapport à une librairie de centre-ville où les gens se baladent, là l’emplacement pêche certainement un peu », étant donné sa devanture rue de Strasbourg, artère de la circulation routière nantaise.

Le duo a malgré tout voulu faire de cet espace un lieu accessible et convivial : ici on a le droit de parler fort, de faire du bruit, et de trinquer quand on fait des rencontres. Ils nous rappellent toutefois que « ce n’est pas suffisant » et que leur collaboration pour faire des ateliers avec d’autres lieux engagés comme Pol’n ou La Plaisir permet justement de proposer une nouvelle accessibilité et visibilité.

D’ailleurs, Amandine conclut en citant les paroles de la poétesse Meryem Alqamar, venue en octobre pour une rencontre « Lisez, écrivez écrivez écrivez, et lisez ». À ce sujet, les deux libraires conseillent quelques classiques de la littérature comme Stone Butch Blues de Leslie Feinberg, Le Corps lesbien et Les Guerrillères de Monique Wittig, La chambre de Giovanni de James Baldwin, ou encore Le Bal des folles et La Guerre de pédés de Copi.

 

Un article co-écrit par Claire Marquaille et Charlotte Gabrié

Après 4 ans dans le cœur battant de Nantes, c’est en quête de découvertes que Claire rejoint la communauté des rédacteur.ices bénévoles de Fragil. Elle nous invite à flâner dans cette ville éminemment culturelle, engagée et verte.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017