• Cover de MAMANI
5 janvier 2024

MAMANI, un récit musical de mixité culturelle et de traditions boliviennes

Dans son premier EP, Amankaya propose la fusion musicale de ses deux cultures d’origine : la France et la Bolivie. Mariant synthés et instruments traditionnels, friande de collaborations avec d’autres musiciens, elle propose des mélodies soignées au court de 5 morceaux inspirés de ses racines boliviennes. Rencontre avec cette artiste qui a hâte de présenter son projet sur scène.

MAMANI, un récit musical de mixité culturelle et de traditions boliviennes

05 Jan 2024

Dans son premier EP, Amankaya propose la fusion musicale de ses deux cultures d’origine : la France et la Bolivie. Mariant synthés et instruments traditionnels, friande de collaborations avec d’autres musiciens, elle propose des mélodies soignées au court de 5 morceaux inspirés de ses racines boliviennes. Rencontre avec cette artiste qui a hâte de présenter son projet sur scène.

“Ce que je veux présenter, c’est pas une image ou un personnage, c’est vraiment ce que je ressens dans mes chansons”. Jeune artiste nantaise, Amankaya utilise son vrai prénom pour se présenter au public. Initiée très jeune à la musique par son père, qui lui a appris à jouer de la zampoña (une flûte de pan d’origine andine), elle apprend également à jouer du piano auprès d’une professeure inspirante.
Danseuse pendant plusieurs années, elle est revenue à la musique au moment de la crise du Covid et sort son premier projet MAMANI le 17 Novembre 2023.

“J’ai un petit carnet où j’écris toutes mes phrases de la vie et, une fois que j’ai une mélodie qui m’inspire, j’essaie de poser cette vision [dessus]”

Au cours de cet EP, elle porte, en espagnol, un message de “retour à l’essentiel”, à la culture bolivienne dont elle a hérité de son père (lui aussi musicien).
Le projet, initié depuis plusieurs années avant sa sortie, a beaucoup évolué depuis ses débuts. Amankaya parle de son voyage récent de 3 mois en Bolivie, et de l’inspiration qu’elle y a trouvé au fil des rencontres qu’elle y a faites.
Cielo Oscuro, par exemple, parle des sentiments liés au deuil et évoque le fait que les défunts laissent toujours un souvenir fort d’eux à leurs proches. Ce morceau lui a beaucoup été inspiré par son échange avec une commerçante de salchipapa (de la street-food bolivienne), qui lui racontait la perte de son mari et sentait encore sa présence dans le ciel.

“Je veux de l’instrument, je ne veux pas que du synthé”

Pour son EP, Amankaya s’est entourée de plusieurs musiciens guitaristes aux styles et influences très différents : un guitariste d’origine bolivienne, un guitariste de Flamenco, et un guitariste de Jazz Manouche. “Les trois font de la guitare mais les trois font des variantes complètement différentes”. À ses côtés, également, se retrouvent deux de ses amis d’enfance d’origine bolivienne : un joueur de Quena (instrument à vent de la famille des bois) et de zampoña (type de flûte de Pan d’origine Andine), ainsi qu’un joueur de Charango (petite guitare Andine inspirée des instruments des colons espagnols du XVIe siècle).

“Je pense qu’aujourd’hui il faut profiter de cette mixité culturelle”, confie-t-elle en expliquant les origines de certains de ces instruments typiquement issus de la colonisation des Andes par les Espagnols. Elle rappelle “qu’il y a eu énormément de mal qui a été fait [par la colonisation], dans le passé”. Se considérant héritière à la fois du “côté envahisseur et du côté envahi”, elle explique qu’elle “n’a pas envie de rester dans cette confrontation”, et que “aujourd’hui, il faut créer un nouveau départ sur tout ça : il y a du mauvais mais aussi du bon qui a été créé”.
“Au sujet des instruments, par exemple (Quena et Charango), on aurait jamais eu une évolution aussi importante s’il n’y avait pas eu cette fusion de cultures”.

Amankaya et Mauricio Copa (musicien Bolivien venu pour faire de la musique en France) au studio Tamisée basé à Trempo

Amankaya et Mauricio Copa (musicien Bolivien venu pour faire de la musique en France) au studio Tamisée, basé à Trempo. Crédit photo : Killian Bizais

“Le studio, quand tu es perfectionniste, peut te pousser à donner 100% parce que tu sais qu’après tu as 1 version que les gens écoutent et réécoutent.”

La production de MAMANI est également le fruit de sa collaboration avec Tamisée, un studio de prod musicale et de direction artistique nantais.
Avant de publier un morceau, Amankaya travaille son chant et recherche ses mélodies en amont. Ensuite, elle les enregistre en studio et s’inspire des connaissances de Philémont, son ingénieur son, pour les peaufiner et les structurer davantage à la manière d’une bande originale de film que d’un morceau classique “intro-refrain-couplet-refrain”.
“Dans ma mentalité il faut que ça soit parfait”, explique-t-elle au sujet de leur séances de travail en studio. Ses morceaux évoluent donc beaucoup entre le premier jet et la version finale. “Les ingés son, c’est des magiciens de fou et lui (Philémont), c’est un des meilleurs que je connaisse”.

Si elle devait ne faire découvrir qu’un seul morceau de son EP, Amankaya choisirait Tu Reflejo. “De toutes les compositions que j’ai pu faire dans ma vie, c’est ma toute première et c’est celle dont je suis la plus fière aussi. Elle m’a permis de dévoiler mes sentiments auprès de mon père et auprès de moi-même”.

“Je préfère la scène au studio”

Avec cet EP, Amankaya considère avoir posé les bases de sa vision artistique. Pour la suite, elle dit avoir un peu de mal à se projeter. Elle aspire à donner à sa musique une plus grande portée internationale, tout en étant consciente que ça nécessite du temps et du travail.
“J’ai une vision assez claire. Après, comment ça va se faire et se développer ? Ça prendra la tournure que ça prendra”.
“Là, j’ai envie de développer le côté scénique” ajoute-t-elle. “En me basant sur MAMANI, j’ai envie de créer un show entier ou je pourrai partager ce côté culturel”. Elle explique : “Je pense énormément que c’est toutes les décisions du passé qui font que je suis cette personne là. Que ce soit mes décisions, celles de ma mère ou celles de mes ancêtres encore avant. C’est tout un ensemble. J’aimerais bien partager cette vision là sur scène”.

“J’aime bien quand ça danse, j’aime bien quand ça vibe. J’aimerais bien créer quelque chose de très dynamique et en même temps très profond, une intimité où on se sentirait bien”

Amankaya interprétant Gom Jabbar

Amankaya interprétant Gom Jabbar. Crédit photo : Aurélien Lps

Pour le mot de la fin, Amankaya nous dit “Je pense que c’est important de soutenir les artistes qu’on aime et qui sont proches de nous. Pas par rapport à moi, je parle vis-à-vis des artistes que je connais autour de moi et qui mériteraient mille fois plus de soutien que ce qu’ils ont. C’est important de donner de la force”.
Elle nous confie également ses coups de cœurs artistiques récents : cette vidéo du danseur Sean Lew et du chorégraphe Zoï Tatopoulos, pour son univers macabre, malaisant mais, malgré tout, fascinant et dont elle admire la liberté artistique; et également les projets Mocha et Mocha Venti de son ami IPNDEGO, originaire de Nantes, à propos duquel elle dit “Mélodiquement, le gars est une bête”.

Liens externes :
Écouter MAMANI,
Suivre Amankaya et Tamisée sur Instagram.

Multi-passionné, à l’écoute et touche à tout, il adore se nourrir des gens qu’il rencontre et partager ce qu’il pourra en retour, toujours avec ludicité. Ce fin connaisseur du hip-hop nantais – qui allait déjà à des concerts du haut de ses 16 ans– et designer de métier affectionne sa ville natale et aime en faire découvrir les nombreuses facettes.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017