Mathias Delplanque, les Nantais·es le connaissent pour ses participations aux ensembles Keda, L’Ombre de la Bête, PLY ou des collaborations soutenues par La Maison de la Poésie.
Pour en savoir plus sur cet artiste, Fragil vous propose de le découvrir à travers ses prochaines créations. Il s’apprête en effet à mener de front trois projets en mars.
Les ombres de la bête
Le premier qu’il évoque c’est « Les ombres de la bête » qui va avoir lieu au Pannonica le samedi 9 mars dans le cadre du Festival Eurofonik.
François Robin, joueur de cornemuse -ou ‘veuze’ dans le pays nantais- avait d’abord lancé le projet « L’ombre de la bête » dans un duo avec Mathias Delplanque. Cette première création, en 2019, s’était traduite par une musique proche de la transe mêlant veuze et électronique et s’inspirant de l’ambiance musicale du jeu vidéo culte « Shadow of the beast ». Aujourd’hui le spectre s’agrandit, on y retrouve le duo accompagné de Morgane Carnet aux saxophones et Dylan James à la contrebasse. Quatre solistes d’univers différents se retrouvent autour du projet de François Robin sur le thème de « La Grand Danse », une ronde dansée nord-vendéenne. Au programme cette fois-ci de la polyrythmie, du tribal, du rugueux et de l’enivrant !
« C’était la première fois où je me sentais à ma place »
Mathias aime ce genre d’expérience complexe où « les questions musicales rejoignent les questions humaines : comment on s’accorde, comment on se trouve, comment on laisse la parole à chacun ? ». Grâce à François Robin, il s’est retrouvé dans un milieu musical très soudé et solidaire, issu de la musique traditionnelle qui utilise des instruments traditionnels pour des créations sonores tout autres. « J’ai découvert que, sans venir du milieu trad, c’était la première fois où je me sentais à ma place ». Il reconnaît qu’auparavant il a souffert dans le milieu expérimental : « Dans le milieu ’expé’, c’est quand même un milieu très solo, très identitaire qui fonctionne à la confrontation. Pendant longtemps en étant dans des projets solo, tu es tout seul, tu fais des disques tout seul, tu fais tes concerts tout seul. Quelque part, c’est un peu pauvre, … un peu triste ». « La question d’esthétique musicale, elle est devenue moins importante qu’avant. Je travaille avec les bonnes personnes, mais aussi au niveau politique, au niveau humain. » ajoute-t-il. Il est ainsi très attentif aux conditions de travail : « Aucune création aussi géniale qu’elle puisse être ne justifie que quelqu’un souffre », tout comme, « Il n’y a aucune raison qu’un artiste soit plus considéré qu’un technicien ! » Il assure que s’il peut ajouter sa pierre à la question du rapport homme / femme, il le fera volontiers. D’ailleurs, il mentionne avoir sorti dès le lancement de son label Bruit Clair, un disque d’Emmanuelle Gibello, une artiste en musique électronique. Ce faisant, il trouve plus de sens à ce qu’il fait.
Si l’on questionne Mathias Delplanque au sujet de la fragilité, on se rend compte qu’il est particulièrement sensible à cette notion : « Toute ma construction en tant qu’être humain et en tant que musicien est liée à ma relation à la fragilité, à la prise en compte et à l’acceptation de la fragilité. » Pendant longtemps, on lui reprochait une musique pas assez affirmée, trop compliquée. Aujourd’hui il accepte que sa musique soit profondément fragile, mais pas comme une faiblesse : « En fait, je ne considère pas du tout que ma musique est fragile. Je considère au contraire, qu’elle cherche une certaine forme de puissance, d’emphase ». D’ailleurs en live, il reconnaît que son set est fragile, mais ça ne le dérange pas. Il n’a pas une approche de perfectionniste ou de maniaque du contrôle. Quand il est dans la peau d’un auditeur, il dit aimer profondément les concerts imparfaits : « Les concerts où ce n’est pas génial et puis d’un seul coup, cinq minutes avant la fin, il y a une espèce d’éclat… Un éclat de lumière ! Moi ça me suffit en fait, juste un moment de grâce comme ça. »
Toutefois pour le musicien « faire un bon live, c’est devenu une priorité » par rapport à la sortie d’album. En effet, jusqu’à la fin des années 2000, il a pu produire une musique très complexe sur disque, qu’il était incapable de reproduire sur scène parce qu’il n’avait ni les outils, ni l’expérience. Alors actuellement, son idée, c’est de pouvoir composer en live. Pour lui, un live : « c’est préparer une espèce de cadre, des sons, des machines. Puis le moment du live, c’est un moment où je peux vraiment tout improviser, tout transformer, tout arrêter, où je peux tout foirer ! Je peux vraiment me planter et j’aime bien ça. C’est-à-dire que je n’ai pas de garde-fou, ce n’est pas une bande qui tourne. C’est la seule chose qui me permet aujourd’hui de m’amuser en live et puis en l’occurrence, apparemment le fait que je m’amuse en live, ça se transmet… »
Rêve et Ivresse
Les 12 et 13 mars au TU Nantes, place à « Rêve et Ivresse », la chorégraphie d’Élise Lerat du Collectif Allogène pour laquelle Mathias a composé la musique.
Il a déjà collaboré avec Élise Lerat à « Feux », son spectacle précédent, malheureusement éteint par le confinement en 2021. A son sujet, il explique « Élise, c’est pour moi une des chorégraphes les plus aventureuses que je connaisse, qui tente des choses complètement folles en termes de danse, de rapports à la musique. Elle m’a fait faire typiquement une musique que jamais je n’aurais fait tout seul. Elle m’accorde une confiance… et elle m’ouvre des boulevards et ce n’est pas si courant que ça. ».
La nouvelle création Rêve et Ivresse traite des questions de « l’apollinien et du dionysiaque » ou comment passer de la méditation à l’ivresse. « Il y est question du collectif et du singulier. Les danseurs sont des individualités, tous les danseurs ont chacun leur trajet, il ne s’agit pas de danse de groupe, mais il faut que tout l’ensemble soit harmonieux. » précise Mathias.
Off season
Cette année avec la photographe canadienne, Kourtney Roy, ils se retrouvent lauréats du prix Swiss Life à 4 mains qui récompense tous les deux ans un projet de création croisée et originale d’un.e photographe et d’un.e compositeur.trice. C’est une formidable opportunité de travailler sur leur projet « Off Season » (hors saison) qui mêle sons et images. Kourtney aux yeux de Mathias, c’est « l’étoile montante de la jeune photo trash pop contemporaine, avec un univers opposé au mien ‘chiant’ et dark !». Il ajoute « C’est vrai qu’on est dans des univers de couleurs, de tons qui sont complètement opposés ; mais justement, c’est ça qui est cool ! »
Mathias nous en dit plus sur le projet : « une espèce de rêverie autour d’un personnage féminin qui erre dans une zone balnéaire abandonnée. Donc on ne sait pas si c’est post-apocalyptique ou si c’est hors saison. ». Pour la réalisation, ils vont se rendre à Rimini sur la côte adriatique italienne. C’est l’hiver, les rangées de parasols n’y seront pas, mais l’ombre de Fellini pourrait bien planer par là. Mathias va travailler musicalement avec en référence les musiques du cinéma ‘Giallo’, les thrillers ou films d’angoisse italien des années 60-70, plutôt synthétiques et un peu psychédéliques. Il part avec l’idée de jouer une musique de genre, ce qui n’est pas sa spécialité.
Le résultat sera à découvrir lors de programmations et expositions in situ notamment aux prochaines rencontres photographiques d’Arles, au musée du Jeu de Paume à Paris et au château de Tours. En outre, on retrouvera le travail du duo artistique dans un ouvrage publié par la maison d’édition Filigranes.
Les prochaines dates de Mathias Delplanque à Nantes
- 9 mars « Les Ombres de la Bête » – Festival Eurofonik au Pannonica
- 12 et 13 mars « Rêve et Ivresse » chorégraphie d’Élise Lerat du Collectif Allogène au TU Nantes
- 11 mai « Modulations » de Bastien Capela et Mathias Desplanque au Passage Sainte-Croix