Mediacités se veut un média indépendant d’investigation locale. Fondé en 2016 par sept journalistes, il s’est implanté dans quatre métropoles : Lille, Lyon, Toulouse et Nantes. Le média compte aujourd’hui près de 6 000 abonnés sur le web. Après huit ans d’existence et 5 000 enquêtes d’intérêt public, il n’est pas encore arrivé à trouver un équilibre financier et a lancé une grande campagne de financement participatif.
Ici, il s’appelle Mediacités Nantes, mais son envergure est bien régionale. Il couvre ainsi parfois le territoire vendéen ou s’autorise à travailler en collaboration avec d’autres médias tels La Topette en Anjou. À Nantes, 15 journalistes pigistes contribuent à la parution hebdomadaire d’une enquête à la une, de compléments d’enquêtes sur des sujets au long cours et d’infos plus courtes. Thibault Dumas précise : « l’idée c’est d’enquêter sur tous les sujets qui sont d’intérêt public, dans une ville et sa région ». Les articles concernent aussi bien la politique que le monde économique et s’étend à celui des associations, aux conflits sociaux, aux questions environnementales, etc. Ainsi, lorsque Mediacités parle du FC Nantes, ce n’est pas pour vous donner les résultats du match (vous les avez déjà !). Mais c’est plutôt pour pointer des situations spécifiques, comme par exemple les possibles fraudes de Waldemar Kita, président propriétaire du FC Nantes qui est désormais mis en examen pour fraude fiscale, fraude fiscale aggravée, blanchiment pour fraude fiscale et blanchiment pour fraude fiscale aggravée.
Un média fragile « qui ne dépend que de l’adhésion des abonnés »
Antony Torzec, rédacteur en chef, est totalement transparent quant aux divers financements. Ce sont principalement les abonnements qui financent ce média indépendant. L’équilibre financier, établi à la création du média, nécessite 8 000 abonnés. Antony Torzec précise à ce sujet : « Nous sommes un média fragile qui ne dépend que de l’adhésion des abonnés ».
De plus, Thibault Dumas explique que le modèle économique de Mediacités est similaire à celui de Mediapart. Il repose principalement sur l’abonnement mensuel, sans pub, sans soutien des collectivités locales et sans actionnaires forts.
« Ça coûte cher l’enquête » – Thibault Dumas
Pour évoquer les pertes du média, Thibault Dumas évoque le contexte du temps long de l’enquête et rappelle avec un sourire que « C’est le journaliste qui coûte cher ! C’est plutôt une bonne nouvelle plutôt que de se dire que c’est la diffusion (qui est coûteuse)… Voilà, au moins là, c’est le cœur du métier ». Effectivement en consultant les frais de fonctionnement, les rémunérations des salariés s’élèvent à 88 % des dépenses. Il faut aussi noter qu’une partie des frais couvre les dépenses engagées dans les procédures juridiques. Thibault Dumas souligne à ce sujet « On a une bonne vingtaine de procédures devant les tribunaux pour diffamation. » Et il conclut que même si Mediacités gagne le procès, les frais de justice engagés ne sont pas remboursés.
Mediacités lance une campagne de financement participatif
En attendant de développer son nombre d’abonnés, le média a lancé une campagne de financement participatif pour lui permettre de continuer à mener des investigations en 2025. Les 50 000 euros, ceux du premier palier du financement, serviront à sauver Mediacités. Les paliers suivants seront utilisés pour créer une application mobile et améliorer l’outil Radar qui permet de suivre les promesses de campagne des élu·es. L’argent supplémentaire récolté pourra servir au lancement de nouvelles newsletters et à la préparation de la couverture éditoriale des municipales 2026.
Aujourd’hui la majorité des parts du journal sont détenues par les journalistes, fondateurs historiques du média. Et Mediacités propose à ses lecteurs de devenir copropriétaires et de rejoindre la Société des amis (SDA) de Mediacités qui est le « deuxième plus gros actionnaire », selon Antony Torzec. Devenir sociétaire est possible à partir de 200 € d’investissement et ce dernier donne droit à une défiscalisation de 50 % du montant investi.
Partenariats : une stratégie qui fonctionne déjà et qui reste à développer
Mediapart -qui est également actionnaire à hauteur de 3 %- peut acheter tous les mois des enquêtes, mais il faut que celles-ci aient une dimension nationale. Ainsi, comme nous l’apprend Antony Torzec, « une dizaine d’enquêtes de Mediacités Nantes ont été republiées par Mediapart au cours de l’année 2024 ». Par ailleurs, les journalistes du média peuvent intervenir sur France 2 lors d’émissions politiques à l’heure de grande écoute, notamment pour assurer un fact checking. Antony Torzec explicite : « deux ou trois journalistes de Mediacités sont dans le back office de France Télé et contrôlent donc les dires des politiques qui sont à l’antenne ». Il cite un autre exemple de partenariat avec l’émission Complément d’Enquête consacré au parc d’attraction Le Puy du Fou.
Malgré ces partenariats, le média a du mal à se faire connaître et à élargir son lectorat. Antony Torzec ajoute que « les journalistes sont de très mauvais communicants ». Il fait aussi le constat que « Les médias indépendants, malheureusement, ne travaillent pas assez ensemble » et complète « il y a sûrement des synergies à mettre en place ».