• Thibault Dumas - journaliste Mediacités 2024
7 janvier 2025

Mediacités, un média qui privilégie l’investigation au long cours

Thibault Dumas, journaliste depuis 8 ans pour Mediacités Nantes présente le fonctionnement et les spécificités de ce journal d'investigation locale. Sollicité lors d'un entretien téléphonique, Antony Torzec, le rédacteur en chef de l'édition nantaise a bien voulu compléter ses informations.

Mediacités, un média qui privilégie l’investigation au long cours

07 Jan 2025

Thibault Dumas, journaliste depuis 8 ans pour Mediacités Nantes présente le fonctionnement et les spécificités de ce journal d'investigation locale. Sollicité lors d'un entretien téléphonique, Antony Torzec, le rédacteur en chef de l'édition nantaise a bien voulu compléter ses informations.

Après avoir abordé la fragilité financière de Mediacités, Fragil revient sur le fonctionnement du média. Un article consacré au modèle éditorial et au processus d’enquête, qui se déroule sur un temps long. Pour rappel, Mediacités est un média en ligne d’investigation locale, fondé par d’anciens journalistes de L’Express. Il se distingue par son modèle économique basé sur les abonnements mensuels, sans publicité ni soutien des collectivités locales, et par son indépendance éditoriale.

Mediacités se concentre sur l’investigation locale

« Mediacités existe depuis 2018. La première enquête, c’est à Nantes en septembre 2018. Parce que la particularité de Mediacités réside dans le fait que c’est un média d’investigation locale, avec l’idée d’enquêter sur tous les sujets qui sont d’intérêt public dans une ville et sa région » précise Thibault Dumas, journaliste à Mediacités Nantes depuis son lancement. Antony Torzec, le rédacteur en chef et seul permanent de Mediacités à Nantes explique que le journal fonctionne avec une quinzaine de journalistes de Nantes et sa périphérie qui sont payé·es à la pige, autrement dit à l’enquête : « Thibault Dumas est celui qui produit le plus, quasiment à mi-temps. Et puis vous en avez certains qui font une enquête par mois, d’autres qui font une enquête par trimestre. Il y en a beaucoup qui font une enquête par an. C’est vraiment très variable en fonction des personnes. ».

Des enquêtes menées sur le long terme

Les enquêtes ont la spécificité d’être approfondies et menées sur le long terme, essentiellement sur des sujets locaux ou régionaux d’intérêt général. Elles peuvent prendre plusieurs mois, voire un an, et impliquent souvent, selon Thibault Dumas, « le raccrochage de wagons », c’est-à-dire la collecte et l’assemblage d’informations dispersées. Puis le ou la journaliste est amené à faire des papiers supplémentaires pour suivre les rebondissements que l’investigation va déclencher, ou pour compléter les faits mis à jour. Thibault Dumas explicite : « On va suivre le sujet sur plusieurs années, on va l’approfondir et donc c’est ça, le côté investigation. » Lors de ce processus, les journalistes utilisent les outils numériques pour rechercher dans des bases d’information publique. Iels s’appuient aussi sur l’intelligence artificielle pour faciliter leurs recherches.

Mediacités rencontre ses lecteurices à Nantes

Mediacités rencontre ses lecteurices au café La Perle à Nantes (photo Antony Torzec)

Un média qui interagit avec son lectorat

Mediacités organise, chaque année, des rencontres avec ses abonné·es pour échanger sur leurs attentes et expliquer les coulisses de leurs enquêtes. Ces moments sont précieux pour les journalistes et les lecteurices, car ils permettent de créer un lien de confiance et de transparence. Antony Torzec rapporte qu’à la suite d’une rencontre avec une trentaine d’abonné·es : « les lecteurs sont partants pour plus de rencontres avec nous, pour qu’on leur explique les coulisses de nos enquêtes. Ça, ils aiment beaucoup ! ».
Il revient ensuite sur deux dispositifs proposés par le journal en ligne : « #dansmaville qui est la plateforme d’enquêtes collaboratives de Mediacités et Véracités, un onglet sur le site qui permet aux abonnés d’envoyer des questions », et ensuite, ajoute-t-il « nous, on fait l’enquête derrière pour répondre à la question. ». Ainsi les lecteurs ou lectrices peuvent être impliqué·es dans le processus journalistique.

Désormais grâce au soutien des lecteurices qui ont contribué au succès de la campagne de financement, Mediacités va pouvoir continuer à enquêter et entreprendre des développements nécessaires à l’avenir du journal : création d’une appli mobile, version augmentée de Radar (application pour vérifier si les élu·es de Nantes tiennent leurs promesses de campagne), nouvelles newsletters, multiplication des débats, conférences et événements.

Infos utiles

Nantaise de cœur, Caroline sillonne la ville entre concerts et spectacles. Ses autres domaines de prédilection : l'art contemporain, les arts graphiques et le cinéma ! Elle partage avec plaisir ses coups de cœur culturels.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017