8 mars 2018

La migration exposée à Nantes

Que sait-on exactement des migrants ? On connait surtout les gros titres des journaux, les chiffres, les funèbres nouvelles de naufrages en Méditerranée ou les camps de réfugiés aux portes de l’Europe. Mais derrière ces statistiques, existent des vies humaines et des histoires. Dans ces deux expositions, photographies, documentaires et témoignages mettent un visage sur ces milliers de réfugiés lancés sur les routes de l’exil et livrent une partie de leur histoire.

La migration exposée à Nantes

08 Mar 2018

Que sait-on exactement des migrants ? On connait surtout les gros titres des journaux, les chiffres, les funèbres nouvelles de naufrages en Méditerranée ou les camps de réfugiés aux portes de l’Europe. Mais derrière ces statistiques, existent des vies humaines et des histoires. Dans ces deux expositions, photographies, documentaires et témoignages mettent un visage sur ces milliers de réfugiés lancés sur les routes de l’exil et livrent une partie de leur histoire.

En cette nouvelle année 2018 et tout particulièrement pour l’ouverture de la saison des Droits humains, nous sommes allés découvrir deux expositions nantaises (Regards de Migrants et L’Odyssée de l’errance) retraçant le parcours laborieux de personnes migrantes au travers de photographies, de documentaires et de témoignages aussi impactants que touchants. Deux expositions poignantes sur l’un des plus grands défis humanitaires de l’Europe.

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L’Odyssée de l’errance

Passage Sainte-Croix, Nantes
Exposition photo et vidéo temporaire par Olivier Jobard et Claire Billet. Du 26 janvier au 17 mars du mardi au samedi de 12h à 18h30.

Des migrants, on connait surtout les gros titres des journaux, les naufrages en Méditerranée ou les camps de réfugiés aux portes de l’Europe… Mais qui sont-ils ?
Le photographe Olivier Jobard et la journaliste et réalisatrice Claire Billet, ont choisi, au travers d’images, de redonner un visage à tous ces anonymes, hommes, femmes et enfants partis sur les chemins de l’Europe, en quête d’un avenir meilleur. Avec eux, ils ont traversé mers, montagnes, déserts, frontières. Ils nous montrent le voyage, la fatigue, les obstacles, les peurs…mais également, après le voyage, les difficultés d’intégration dans le pays d’arrivée. L’exposition L’Odyssée de l’errance s’articule en deux séries de photographies et deux films documentaires retraçant le périple long et épuisant de ces personnes de l’ombre avec des rêves plein la tête.

« On espère vous montrer un autre regard sur l’immigration, ne pas tomber dans les grands nombres, mais raconter des histoires d’hommes » Olivier Jobard, photographe

2 séries de photographies en couleur d’Olivier Jobard :
« Balkan Transit, ou Tu seras suédoise ma fille », 2015, Prix de l’Agence Française pour le Développement (AFD) en 2016.
Après deux mois passés sur les routes migratoires à travers l’Europe, ce reportage raconte l’histoire de Jihane et Ahmad, un couple de Syriens qui ont conduit leurs deux enfants de l’île de Kos (Grèce) à la Suède. Un mois, 8 frontières, 9 pays, 4000 kms sur les chemins de l’exil syrien.

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« Kingsley, carnet de route d’un immigrant clandestin »
Kingsley, jeune camerounais de 22 ans, a traversé l’Afrique subsaharienne (le Cameroun, le Nigeria, le Niger, le désert du Sahara, l’Algérie et enfin le Maroc) pour embarquer, après 3 mois d’attente et deux séjours en prison, sur un esquif de fortune pour affronter l’Atlantique. Il avait déjà tenté l’expérience deux ans auparavant, mais il avait dû rebrousser chemin faute d’argent. Depuis cette tentative avortée, il avait fait des économies et six mois après son second départ, après avoir changé 5 fois d’identité et 3 fois de nationalité, il touche enfin la terre européenne… et entre clandestinement aux Îles Canaries, territoire espagnol, donc européen.

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Olivier Jobard l’a accompagné tout au long de cette périlleuse aventure. Sous chacune des images de l’exposition, des commentaires écris de la main de Kingsley, partageant les émotions, souvent fortes, qu’il a pu ressentir lors de cette épopée des temps modernes.

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2 films documentaires d’Olivier Jobard et de Claire Billet :
« Tu seras suédoise ma fille », 52 min, diffusion prévue sur France 2 début 2018
Après le voyage d’une famille de Syrie vers la Suède, un autre périple commence, celui de l’intégration dans le pays d’accueil. Ce film pose la question de la mémoire, des événements à oublier ou à se remémorer pour construire une nouvelle vie.

« Comme une pluie de parfum » (Hikari Films et Arte), 52 min, 2016, Sélection officielle Prix Albert Londres 2016, catégorie Audiovisuel
« Notre documentaire est la chronique d’une migration. Elle raconte le périple de cinq jeunes hommes afghans qui ont voulu rejoindre l’Europe. Nous avons partagé leur voyage pendant plus de six mois mais d’observateurs, nous sommes devenus à notre tour, sujets d’observation, puis de critique. Nous finissons pas incarner, malgré nous, les symboles d’une Europe fantasmée et inaccessible ». Olivier Jobard et Claire Billet

« Tous les reportages de Claire Billet et d’Olivier Jobard sont là pour nous maintenir en vigilance. Pour que tous ces marcheurs de l’ombre demeurent dans la lumière e notre humanité alertée et solidaire » Alain Mingam, commissaire d’exposition

Regards de migrants

Médiathèque Jacques Demy, Nantes
Exposition photo temporaire par Laurence Brassamin et Camille Hervouet. Du 27 octobre 2017 au 10 février 2018 [TERMINÉE]

L’Encyclopédie des migrants

Projet artistique de coopération européenne coordonné par l’association L’Âge de la Tortue et à l’initiative de l’artiste par Paloma Fernandez Sobrino, L’Encyclopédie des migrants réunit un corpus de 400 témoignages de personnes migrantes résidant aujourd’hui dans huit villes de la façade Atlantique de l’Europe entre le Finistère breton et Gibraltar (Brest, Rennes et Nantes en France, Porto et Lisbonne au Portugal, Gijón, Cadix et Gibraltar en Espagne) et qui ont répondu à cette invitation : écrire une lettre intime adressée à une personne restée au pays.

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A Nantes, 50 témoins et auteurs d’une trentaine d’origines différentes : Turcs, Colombiens, Tunisiens, Marocains, Portugais, Azerbaïdjanais, Irlandais…ont témoigné dans L’Encyclopédie des migrants. Ces femmes (les plus nombreuses) et ces hommes évoquent ainsi dans leurs lettres les souvenirs d’enfance dans leur pays de naissance, le manque, la nostalgie de l’avoir quitté, la tristesse d’être loin de ceux qu’on aime, mais aussi leur attachement à leur terre d’accueil, à la Ville de Nantes. Ils expriment aussi leurs inquiétudes, leurs attentes déçues, leurs colères et en même temps leurs réussites, leurs envies, la richesse de leurs expériences.

La Maison des Citoyens du Monde et la Direction Régionale et Départementale de la Jeunesse, des Sport et de la Cohésion Sociale, partenaires du projet avec le soutien de la Ville de Nantes, ont organisé les ateliers d’écriture qui ont permis de rassembler les témoignages. C’est dans la perspective de leur mise en valeur que s’inscrit l’exposition Regards de migrants.

L’exposition Regards de migrants

Depuis des siècles de nombreux étrangers traversent Nantes, contribuent à l’histoire de la ville et finissent parfois s’y installer. L’exposition Regards de migrants parcourt l’histoire de ces migrants et présente les traces de leur présence dans la ville depuis le 17ème siècle, au travers de photographies, correspondances, reproductions de peintures, d’affiches, de cartes postales… jusqu’aux lettres d’aujourd’hui recueillies dans L’Encyclopédie des migrants. Ces témoignages contemporains résonnent avec l’histoire de l’immigration à Nantes au travers de documents d’archives, d’objets ou d’œuvres d’art.

Dans cette exposition ayant reçu le label Saison des Droits humains, chaque témoignage se compose d’une lettre manuscrite dans laquelle l’auteur évoque son rapport à l’exil, en français ou dans une autre langue, d’une traduction de cette lettre en français (si rédigée en langue étrangère) et d’une photographie réalisée à Nantes par les photographes Laurence Brassamin et Camille Hervouet.

Les témoignages sont présentés dans l’exposition au travers des thèmes que l’on retrouve de manière récurrente, comme l’expérience de l’exil, les difficultés liées à l’apprentissage d’une nouvelle langue, ou l’amour du pays et de la ville d’accueil.

Deux expositions humanitaires et engagées

Ces expositions traitent toutes deux du même sujet : l’immigration. Or, elles portent chacune sur un moment du périple des migrants ayant entrepris la route vers l’Europe. L’exposition L’Odyssée de l’errance, retrace intégralement le parcours souvent très difficile des migrants pour atteindre le continent. Regards de Migrants, pour sa part, illustre plus particulièrement « le après » : leurs difficultés à s’intégrer dans le pays d’arrivée.

Ces expositions, l’une comme l’autre, ont une approche résolument humaniste : il ne s’agit pas seulement d’informer sur le phénomène migratoire, il s’agit plutôt de donner un visage aux milliers de réfugiés lancés sur les routes de l’exil, en quête d’une vie meilleure, parfois d’une vie tout court.

« Les gens nous demandent si nous recherchons la liberté mais non, nous recherchons la vie » confie Jihane dans Tu seras suédoise ma fille.

Née à Montréal (Québec), Maëlane est une étudiante en Communication voyageuse et curieuse. Depuis toujours intéressée par le milieu journalistique, elle le touche du doigt en combinant les petites expériences dont son blog personnel portant sur le voyage et son bénévolat à Fragil.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017