Au début du projet, il s’agissait simplement de produire des images sur ces urban riders / cavaliers urbains et leur univers. Puis Mohamed Bourouissa prolongea son séjour à Philadelphie et organisa Horse day / la journée du cheval, avec un concours de parade pour impliquer les cavaliers et les habitants du quartier.
Le film montre les préparatifs de cet évènement et son déroulement le jour J.
Le parcours de l’expo est un circuit en boucle, ce qui permet de voir vraiment les relations entre les œuvres et appréhender différentes combinaisons visuelles. Et ça sied bien au travail de Mohamed Bourouissa où l’échange, la circulation entre les êtres et les environnements est très forte.
[aesop_image imgwidth= »60% » img= »https://www.fragil.org/wp-content/uploads/2018/02/2.jpg » credit= »Mohamed Bourouissa » align= »center » lightbox= »on » caption= »Horse Day, 2015
Dyptique vidéo (couleur, son), 13’’39’’
Produit par MOBILES, Corinne Castel
Avec le soutien du PMU et l’Aide au film court en Seine-Saint-Denis » captionposition= »center » revealfx= »off » overlay_revealfx= »off »]
[aesop_image imgwidth= »60% » img= »https://www.fragil.org/wp-content/uploads/2018/02/1.jpg » align= »center » lightbox= »on » captionposition= »left » revealfx= »off » overlay_revealfx= »off »]
Avec le film – œuvre principale de l’expo, on peut apprécier quelques-uns des costumes de parade réalisés par les artistes de Philadelphie ; des photographies des riders et de leur entourage, des dessins-collages qui jouent sur les codes graphiques de la culture cowboy.
[aesop_image imgwidth= »60% » img= »https://www.fragil.org/wp-content/uploads/2018/02/3.jpg » credit= »Mohamed Bourouissa » align= »center » lightbox= »on » caption= »Sans titre, 2013
Photographie couleur 160 x 111,5 cm
Courtesy de l’artiste et kamel mennour,
Paris/London
© Adagp, Paris, 2017″ captionposition= »center » revealfx= »off » overlay_revealfx= »off »]
Enfin, un accrochage monumental investit une salle de volumes et d’images enchâssés. Lors de son séjour, Mohamed Bourouissa a été fasciné par le reflet des chevaux et des cavaliers sur les voitures quand ils se baladaient dans la ville. A partir de cette vision surréaliste, il a envisagé la carrosserie comme un support de création…et ça vaut le coup de s’y confronter !
Mohamed Bourouissa est un artiste qui travaille avec la culture populaire. Populaire au sens : du commun des humains – la pluralité et l’union des tendances dans une micro société. Et populaire au sens : qui vient du peuple. L’artiste fait en sorte que quelque chose d’actif et d’indépendant au projet artistique se dégage de l’image de ceux qu’il dépeint.
Quelques projets antérieurs
Dans Nous sommes Halles, de 2003 à 2005 il photographiait la vie dans les rues de Châtelet Les Halles, spot fréquenté par beaucoup de jeunes habitant la périphérie de Paris.
[aesop_image imgwidth= »60% » img= »https://www.fragil.org/wp-content/uploads/2018/02/4.jpg » credit= »Mohamed Bourouissa » align= »center » lightbox= »on » caption= »Courtesy of the artist Mohamed Borouissa » captionposition= »center » revealfx= »off » overlay_revealfx= »off »]
Dans Temps mort, il rentrait en contact avec un homme incarcéré, développait une correspondance par sms et lui demandait de photographier et de filmer autour de lui.
[aesop_image imgwidth= »60% » img= »https://www.fragil.org/wp-content/uploads/2018/02/5.jpg » credit= »Mohamed Bourouissa » align= »center » lightbox= »on » caption= »TEMPS MORT, Untitled n°9, 2008
Photographie couleur (tirage argentique sous Diasec R, contrecollé sur aluminium)
39 3/8 x 52 2/8 in / 1000 x 133 cm
Collection du Musée d’Art moderne de la Ville de Paris » captionposition= »center » revealfx= »off » overlay_revealfx= »off »]
Dans Périphériques, il mettait en scène ses amis et des habitants des banlieues de Paris dans des compositions photographiques hyper picturales.
[aesop_image imgwidth= »60% » img= »https://www.fragil.org/wp-content/uploads/2018/02/6.jpg » credit= »Mohamed Bourouissa » align= »center » lightbox= »on » caption= »LA FENÊTRE, 2005
Périphérique série
Photographie couleur
35 7/16 x 47 ¼ in /90 x 120 cm
Collection privée
» captionposition= »center » revealfx= »off » overlay_revealfx= »off »]
Urban Riders
Le titre de l’exposition Urban Riders fait appel à ceux qui conduisent, qui montent, qui vont à travers la ville. En anglais, « riders » peut désigner autant le coureur, le cycliste, le motard que le cavalier.
Là le rider, c’est L’homme à cheval.
De cette image, pleins d’autres surgissent.
Il y a d’abord l’image de l’homme qui utilisait le cheval comme un véhicule au quotidien et faire la guerre.
Par rapport aux Etats-Unis, il y a l’image du colon européen blanc qui débarque, capture un cheval et part explorer le « nouveau continent ».
L’image du contremaître esclavagiste blanc à cheval qui veillait à la déshumanisation des esclaves noirs dans les champs.
Il y a l’image du cowboy et des westerns rattachée à la culture blanche américaine.
Et, moins évidente que ces flashs de l’histoire esclavagiste et coloniale, il y a l’histoire des soldats cavaliers afro-américains. Des hommes noirs libres, des esclaves affranchis ou fugitifs qui ont combattu les confédérés du Sud à la Guerre de Sécession avec les unionistes du Nord dès 1862.
La ségrégation était effective dans l’United States Army, les soldats noirs constituaient 6 régiments de la cavalerie appelés les United States Colored Troops. En 1865, ils étaient 180 000 hommes.
Après la guerre de Sécession, certains de ceux qui avaient survécu se sont enrôlés dans l’armée régulière des États-Unis. Ils étaient surnommés les Buffalo soldiers, les « soldats bisons ».
[aesop_image imgwidth= »60% » img= »https://www.fragil.org/wp-content/uploads/2018/02/8.jpg » credit= »Wikipedia » align= »center » lightbox= »on » caption= »Un caporal du 9e United States Colored Cavalry photographié près de Denver (Colorado) pendant l’hiver 1890. En 1864, l’aspect de son prédécesseur du 5e USCC n’était guère différent, mis à part qu’il avait alors une petite casquette au lieu d’un chapeau, et un grand fusil Enfield Pattern 1853 de fantassin au lieu d’un revolver. » captionposition= »center » revealfx= »off » overlay_revealfx= »off »]
Bob Marley a chanté ces hommes dans Buffalo Soldier, posant un regard sur le paradoxe historique des soldats afro-américains.
Il y a aussi l’image du cow-boy noir.
« selon les historiens, dans le Texas des années 1800, un cowboy sur quatre était noir. » affirme Amanda Hunt dans le catalogue de l’exposition de Mohamed Bourouissa.
…Il y a Otis Redding, mythique, dans le clip de Tramp en 1967 dont voici une capture d’écran, la vidéo n’étant plus disponible sur YouTube.
[aesop_image imgwidth= »60% » img= »https://www.fragil.org/wp-content/uploads/2018/02/9.jpg » credit= »shewasabird.blogspot.fr » align= »center » lightbox= »on » caption= »Otis Redding and Carla Thomas – 1967″ captionposition= »left » revealfx= »off » overlay_revealfx= »off »]
Quand on est dans l’exposition Urban Riders, tout cela peut venir à l’esprit en toile de fond, par arborescence et le stéréotype du cowboy est rejoué.
Mais ce que présente l’artiste, ce sont des corps bien ancrés dans le présent.
Les gestes, les regards, les tensions, les évasions, l’énergie collective, tout est palpable.
Mohamed Bourouissa observe la communauté du Riding Club of Fletcher Street comme un chorégraphe. Il capte le relationnel humain en moments-clé dans ses images, ce qui leur donne beaucoup de puissance graphique. Comme si on pouvait regarder le réel en bd.
[aesop_image imgwidth= »60% » img= »https://www.fragil.org/wp-content/uploads/2018/02/10.jpg » credit= »Mohamed Bourouissa » align= »center » lightbox= »on » caption= »Horse Day, 2015
Diptyque vidéo (couleur, son), 13’39’’
Produit par MOBILES, Corinne Castel
Avec le soutien du PMU et l’Aide au film court en Seine-Saint-Denis
Courtesy de l’artiste et kamel mennour, Paris/London
© Adagp, Paris, 2017 » captionposition= »center » revealfx= »off » overlay_revealfx= »off »]
Quelques influences de l’artiste. Jamel Shabazz et Martha Camarillo
Mohamed Bourouissa en parlant de Martha Camarillo: « J’aime sa façon de laisser les images ouvertes. Il y a une sorte de dignité assez forte dans sa façon de photographier les riders que l’on trouve aussi dans les portraits de Jamel Shabazz. » (Extrait d’une conversation avec Jessica Castex et Odile Burluraux en vue de l’exposition)
[aesop_image imgwidth= »60% » img= »https://www.fragil.org/wp-content/uploads/2018/02/11.jpg » credit= »Jamel Shabazz » align= »center » lightbox= »on » caption= »CNN Films : Fresh Dressed – Classic street style ; Brooklyn New York, circa 1986. » captionposition= »center » revealfx= »off » overlay_revealfx= »off »]
[aesop_image imgwidth= »60% » img= »https://www.fragil.org/wp-content/uploads/2018/02/12.jpg » credit= »Jamel Shabazz » align= »center » lightbox= »on » caption= »Courtesy of the artist Jamel Shabazz
» captionposition= »center » revealfx= »off » overlay_revealfx= »off »]
[aesop_image imgwidth= »60% » img= »https://www.fragil.org/wp-content/uploads/2018/02/13.jpg » credit= »Martha Camarillo » align= »center » lightbox= »on » caption= »Courtesy of the artist Martha Camarillo » captionposition= »center » revealfx= »off » overlay_revealfx= »off »]
[aesop_image imgwidth= »60% » img= »https://www.fragil.org/wp-content/uploads/2018/02/14.jpg » credit= »Martha Camarillo » align= »center » lightbox= »on » caption= »Courtesy of the artist Martha Camarillo » captionposition= »center » revealfx= »off » overlay_revealfx= »off »]
Mohamed Bourouissa sublime les cavaliers de Fletcher Street avec son sens du mouvement et de l’humain dans la capture des expressions.
Il porte également un regard réaliste. Dans le film, des contradictions entre les paroles et les faits de certains sont visibles. Par exemple concernant le rapport ambigu aux chevaux. Parfois, le rapport d’égal à égal, plein de tendresse, bascule vers la prise de contrôle sur l’animal et cela fait entrevoir des enjeux de pouvoir et de virilité entre les cavaliers.
Mais même dans les passages qui suscitent un jugement, le regard de Mohamed Bourouissa s’exerce dans une objectivité respectueuse.
Quand il évoque les photos de Martha Camarillo, Mohamed Bourouissa parle d’« image ouverte ».
Cette expression s’applique dans son travail aussi. Dans le film Horse day, il y a par exemple cette scène où un jeune va discuter avec un cavalier parce que ces hommes l’inspirent et qu’il veut écrire un rap sur eux. L’espoir des possibles qui vient avec le lien humain qui se tisse.
Et même en dehors de ses œuvres, Mohammed Bourouissa pousse l’interaction en invitant trois artistes dont la rappeuse Casey pour faire des workshops d’écriture avec des lycéens début avril et ouvrir la réflexion sur l’histoire collective et la représentation des identités.
[aesop_image imgwidth= »60% » img= »https://www.fragil.org/wp-content/uploads/2018/02/15.jpg » credit= »Mohamed Bourouissa » align= »center » lightbox= »on » caption= »Horse Day, 2015
Diptyque vidéo (couleur, son), 13’39’’
Produit par MOBILES, Corinne Castel
Avec le soutien du PMU et l’Aide au film court en Seine- Saint-Denis
Courtesy de l’artiste et kamel mennour, Paris/London
© Adagp, Paris, 2017 » captionposition= »center » revealfx= »off » overlay_revealfx= »off »]
Il y a quelques jours, je tombais sur un portrait du photographe Musa Nxumalo avec un livre de Jamel Shabazz posé sur la table. Pur hasard c’est vrai, mais la connexion était trop grosse pour ne pas en parler !
[aesop_image imgwidth= »60% » img= »https://www.fragil.org/wp-content/uploads/2018/02/16.jpg » credit= »Facebook » align= »center » lightbox= »on » caption= »Portrait de Musa Nxumalo » captionposition= »center » revealfx= »off » overlay_revealfx= »off »]
[aesop_image imgwidth= »60% » img= »https://www.fragil.org/wp-content/uploads/2018/02/17.jpg » credit= »Musa Nxumalo » align= »center » lightbox= »on » caption= »Courtesy of the artist Musa Nxumalo » captionposition= »center » revealfx= »off » overlay_revealfx= »off »]
Musa Nxumalo photographie les jeunes de Soweto en Afrique du Sud.
De la photo humaniste et qui a aussi une valeur documentaire, mais par défaut. Car, comme Mohamed Bourouissa, les gens dont il produit des images ne sont pas ou rarement représentés au-delà de la vie locale.
Pour finir
Avec Horse day, Mohamed Bourouissa créé un moment du partage et de divertissement au niveau local. Les préparatifs de l’évènement puis son vécu retranscrit par l’artiste donnent à voir une communauté dans son réseau, son aura. La communauté dans ce qu’elle a de majesté, de vulnérabilité, de violence, de paradoxes et surtout de vivant.
Au final, prendre le temps – et l’argent : 6 euros tarif réduit – d’aller voir l’expo Urban riders, c’est surtout recevoir une dose d’humanité et d’uppercuts graphiques qui frappent par l’incarnation sensible des corps.
[aesop_image imgwidth= »60% » img= »https://www.fragil.org/wp-content/uploads/2018/02/18.jpg » credit= »Mohamed Bourouissa » align= »center » lightbox= »on » caption= »Faitmount park, 2015
Photographie couleur
130 x 170 cm » captionposition= »center » revealfx= »off » overlay_revealfx= »off »]