29 avril 2025

Murmures : des concerts intimes et militants dans le salon des Nantais·es

Depuis le début de l'année, de nouvelles soirées musicales encore confidentielles ont vu le jour à Nantes. Intimistes, les concerts Murmures invitent à découvrir deux artistes féminines ou issu·es des minorités de genre, dans un lieu d'habitation privé. Un moment de rencontre unique pour promouvoir une plus grande diversité culturelle.

Murmures : des concerts intimes et militants dans le salon des Nantais·es

29 Avr 2025

Depuis le début de l'année, de nouvelles soirées musicales encore confidentielles ont vu le jour à Nantes. Intimistes, les concerts Murmures invitent à découvrir deux artistes féminines ou issu·es des minorités de genre, dans un lieu d'habitation privé. Un moment de rencontre unique pour promouvoir une plus grande diversité culturelle.

Une date, une heure, et un lieu privé, tenu secret jusqu’à la veille de l’événement. Le concept des soirées musicales Murmures, exclusivement nantais, est d’offrir une expérience inédite, autant au public qu’aux artistes, en organisant des concerts en live acoustique dans un lieu d’habitation.
Au-delà du concept intriguant, une véritable ambition militante pour l’association : créer une “safe place” pour “mettre en valeur les artistes et les personnes issues de minorités de genre”.

Un concept qui séduit

Marion et Joséphine se sont portées volontaires pour accueillir la seconde édition des soirées Murmures ce jeudi 24 avril, dans leur appartement situé en centre-ville de Nantes.
Une idée lancée par Marion, après avoir participé au premier concert en janvier. Séduite par l’expérience et rassurée d’en connaître l’organisateur, elle a facilement convaincu sa colocataire. “Il y a l’espace pour, alors autant en profiter !” C’est également le moyen de participer à “une démarche chouette pour la culture”, se réjouit-elle.

Les deux femmes s’avouent surprises de “toute la logistique mise en place”. Dans leur appartement à la déco arty, les bénévoles de Murmures s’activent en cuisine, et l’ingénieure son effectue les derniers réglages. Une seule tâche incombe aux hôtes de la soirée : “ouvrir la porte” pour accueillir et “rencontrer des gens de plein de milieux différents”, explique Joséphine.
Ce soir-là, une quarantaine de personnes, inscrites à l’évènement via un lien partagé à la petite communauté Instagram de l’association, vont franchir le pas de leur porte et s’installer dans leur salon pour découvrir deux jeunes artistes émergentes : Malo Texier et Evyle, dont les noms seront dévoilés à la dernière minute.
Parmi les participant·es, Mariette assiste pour la première fois à un concert Murmures et se réjouit du moment à venir : “une soirée qui fait du bien” et où l’on n’attend rien d’autre d’elle que de “recevoir la poésie de l’âme”.

Le moment venu, le public est invité à s’asseoir pour une écoute attentive. Au 4e étage, bercé par les derniers rayons de soleil et les voix enveloppantes des deux chanteuses, la magie opère, créant une proximité rare entre artistes et public.

Evyle et Malo Texier étaient les deux artistes invitées ce jeudi 24 avril pour la seconde édition des soirées musicales Murmures.

 

Un acte militant

À l’origine de cette initiative, un homme, Edouard Gassin, pleinement conscient de ses privilèges d’homme blanc cis hetero, et souhaitant “les mettre au service d’un autre projet”.
Issu du milieu de la radio, Edouard a été directement témoin de la sous-représentation des femmes et des personnes issues de minorités de genre sur les ondes et sur la scène musicale.
Un constat confirmé par une étude du centre national de la musique (CNM), publiée en 2023 : sur 8500 entités artistiques diffusées sur scène en 2019 en France, seulement 17% ont un lead “féminin” (une femme à la tête de la formation artistique) contre 62% de lead “masculin”.
Un chiffre actualisé par le CNM à 25% pour 2023, mais encore loin de refléter une réalité puisque “Derrière un “lead féminin”, il y a souvent 3 ou 4 hommes musiciens dans un groupe.”, rappelle Edouard.

Graphique extrait de l’étude « État des lieux de la présence des femmes dans la filière musicale », réalisée par le CNM, 2023

Avec une programmation 100% féminine ou minorités de genre, les soirées Murmures ont pour ambition de renverser la tendance et de servir de modèle.
Montrer que c’est possible, parce que c’est ça que je veux dire aux gens du métier et évidemment au public aussi. C’est possible. Ça existe. Les gens me disent : il y a moins de meufs programmées parce qu’il y a moins de femmes artistes. C’est faux. Vraiment, c’est faux.
À Nantes, on compte, par exemple, plusieurs collectifs de DJs exclusivement féminins, comme Zone Rouge et Fast & Furieuses.

En plus d’offrir un espace scénique, les recettes de la soirée, dont l’entrée est à prix libre, seront reversées aux deux artistes et à l’ingénieure son. “C’est cool de donner de la visibilité aux gens, de faire de la promo, mais un moment, les gens ont besoin de manger en fait, de faire des cachets pour avoir leur intermittence.

Créer un espace de valorisation et d’accompagnement des artistes

Si l’association n’en est qu’à ses débuts, les projets de développement ne manquent pas.
À très court terme, le site et le compte Instagram de l’association seront principalement dédiés à la promotion des artistes.
La suite pour Murmures, c’est aussi d’offrir aux artistes émergentes, “des temps de rencontres et d’accompagnement, en vidéo ou en présentiel, à travers un réseau d’artistes qui va se constituer au fil de l’eau” mais aussi avec “tout l’univers professionnel de la musique, pour leur donner les informations, les armes, pour piloter leur carrière”, détaille son fondateur.

“Les artistes femmes, les personnes minoritaires de genre aussi,
sont très seules dans ce parcours.”

Autre projet : organiser une conférence débat à Nantes sur le thème de la place des femmes et des personnes issues des minorités de genre, sur la scène musicale, avec différentes intervenantes. “J’ai vraiment envie que Murmures soit porteur de ce débat-là.

Si l’association souhaite multiplier les soirées : “L’ambition c’est de réaliser au moins une soirée-concert tous les deux mois”, la difficulté majeure repose aujourd’hui sur le fait de trouver de nouveaux lieux pour accueillir les soirées Murmures, “des lieux accessibles, répondant à certaines contraintes techniques”. Il faut convaincre les hôtes de faire confiance pour ouvrir leur porte et “laisser 50 à 60 personnes rentrer dans ton salon.

Au dire de l’organisateur, un événement annuel, sous forme de soirée festive, plutôt en DJ set, est également en réflexion. En attendant, la prochaine soirée musicale Murmures se tiendra à Nantes courant juillet.

Informations complémentaires

Tout droit arrivée de Paris où elle a vécu les 15 dernières années, Amandine est à Nantes depuis seulement quelques mois. Pourtant, sa connaissance du calendrier culturel et son ancrage dans le quartier révèlent plutôt une femme capable de trouver toutes les occasions pour faire des rencontres et de s’imprégner de l'imaginaire nantais.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017