Une date, une heure, et un lieu privé, tenu secret jusqu’à la veille de l’événement. Le concept des soirées musicales Murmures, exclusivement nantais, est d’offrir une expérience inédite, autant au public qu’aux artistes, en organisant des concerts en live acoustique dans un lieu d’habitation.
Au-delà du concept intriguant, une véritable ambition militante pour l’association : créer une “safe place” pour “mettre en valeur les artistes et les personnes issues de minorités de genre”.
Un concept qui séduit
Marion et Joséphine se sont portées volontaires pour accueillir la seconde édition des soirées Murmures ce jeudi 24 avril, dans leur appartement situé en centre-ville de Nantes.
Une idée lancée par Marion, après avoir participé au premier concert en janvier. Séduite par l’expérience et rassurée d’en connaître l’organisateur, elle a facilement convaincu sa colocataire. “Il y a l’espace pour, alors autant en profiter !” C’est également le moyen de participer à “une démarche chouette pour la culture”, se réjouit-elle.
Les deux femmes s’avouent surprises de “toute la logistique mise en place”. Dans leur appartement à la déco arty, les bénévoles de Murmures s’activent en cuisine, et l’ingénieure son effectue les derniers réglages. Une seule tâche incombe aux hôtes de la soirée : “ouvrir la porte” pour accueillir et “rencontrer des gens de plein de milieux différents”, explique Joséphine.
Ce soir-là, une quarantaine de personnes, inscrites à l’évènement via un lien partagé à la petite communauté Instagram de l’association, vont franchir le pas de leur porte et s’installer dans leur salon pour découvrir deux jeunes artistes émergentes : Malo Texier et Evyle, dont les noms seront dévoilés à la dernière minute.
Parmi les participant·es, Mariette assiste pour la première fois à un concert Murmures et se réjouit du moment à venir : “une soirée qui fait du bien” et où l’on n’attend rien d’autre d’elle que de “recevoir la poésie de l’âme”.
Le moment venu, le public est invité à s’asseoir pour une écoute attentive. Au 4e étage, bercé par les derniers rayons de soleil et les voix enveloppantes des deux chanteuses, la magie opère, créant une proximité rare entre artistes et public.

Evyle et Malo Texier étaient les deux artistes invitées ce jeudi 24 avril pour la seconde édition des soirées musicales Murmures.
Un acte militant
À l’origine de cette initiative, un homme, Edouard Gassin, pleinement conscient de ses privilèges d’homme blanc cis hetero, et souhaitant “les mettre au service d’un autre projet”.
Issu du milieu de la radio, Edouard a été directement témoin de la sous-représentation des femmes et des personnes issues de minorités de genre sur les ondes et sur la scène musicale.
Un constat confirmé par une étude du centre national de la musique (CNM), publiée en 2023 : sur 8500 entités artistiques diffusées sur scène en 2019 en France, seulement 17% ont un lead “féminin” (une femme à la tête de la formation artistique) contre 62% de lead “masculin”.
Un chiffre actualisé par le CNM à 25% pour 2023, mais encore loin de refléter une réalité puisque “Derrière un “lead féminin”, il y a souvent 3 ou 4 hommes musiciens dans un groupe.”, rappelle Edouard.

Graphique extrait de l’étude « État des lieux de la présence des femmes dans la filière musicale », réalisée par le CNM, 2023
Avec une programmation 100% féminine ou minorités de genre, les soirées Murmures ont pour ambition de renverser la tendance et de servir de modèle.
“Montrer que c’est possible, parce que c’est ça que je veux dire aux gens du métier et évidemment au public aussi. C’est possible. Ça existe. Les gens me disent : il y a moins de meufs programmées parce qu’il y a moins de femmes artistes. C’est faux. Vraiment, c’est faux.”
À Nantes, on compte, par exemple, plusieurs collectifs de DJs exclusivement féminins, comme Zone Rouge et Fast & Furieuses.
En plus d’offrir un espace scénique, les recettes de la soirée, dont l’entrée est à prix libre, seront reversées aux deux artistes et à l’ingénieure son. “C’est cool de donner de la visibilité aux gens, de faire de la promo, mais un moment, les gens ont besoin de manger en fait, de faire des cachets pour avoir leur intermittence.”
Créer un espace de valorisation et d’accompagnement des artistes
Si l’association n’en est qu’à ses débuts, les projets de développement ne manquent pas.
À très court terme, le site et le compte Instagram de l’association seront principalement dédiés à la promotion des artistes.
La suite pour Murmures, c’est aussi d’offrir aux artistes émergentes, “des temps de rencontres et d’accompagnement, en vidéo ou en présentiel, à travers un réseau d’artistes qui va se constituer au fil de l’eau” mais aussi avec “tout l’univers professionnel de la musique, pour leur donner les informations, les armes, pour piloter leur carrière”, détaille son fondateur.
“Les artistes femmes, les personnes minoritaires de genre aussi,
sont très seules dans ce parcours.”
Autre projet : organiser une conférence débat à Nantes sur le thème de la place des femmes et des personnes issues des minorités de genre, sur la scène musicale, avec différentes intervenantes. “J’ai vraiment envie que Murmures soit porteur de ce débat-là.”
Si l’association souhaite multiplier les soirées : “L’ambition c’est de réaliser au moins une soirée-concert tous les deux mois”, la difficulté majeure repose aujourd’hui sur le fait de trouver de nouveaux lieux pour accueillir les soirées Murmures, “des lieux accessibles, répondant à certaines contraintes techniques”. Il faut convaincre les hôtes de faire confiance pour ouvrir leur porte et “laisser 50 à 60 personnes rentrer dans ton salon.”
Au dire de l’organisateur, un événement annuel, sous forme de soirée festive, plutôt en DJ set, est également en réflexion. En attendant, la prochaine soirée musicale Murmures se tiendra à Nantes courant juillet.