Voilà 22 ans qu’Oscar Fernandez Orengo photographie les stars du cinéma espagnol : Pedro Almodovar, Carlos Saura pour ne citer qu’eux mais aussi Agnès Varda, Olivier Assayas et bien d’autres. À force de les côtoyer, il a créé des liens forts avec ces célébrités.
« Nous sommes devenus amis» confie-t-il.
L’exposition qu’il présente cette année à Cosmopolis est une commande d’un collectif de cinéastes espagnoles : des actrices, des réalisatrices, des productrices, des talents émergents que le Festival du cinéma espagnol a voulu mettre en avant. Y figurent par exemple Carla Simon, Carlota Pereda, Neus Ballus ou Clara Roquet.
Pour elles, il s’agissait d’élargir les horizons et de montrer qu’une nouvelle génération principalement féminine était en train de renouveler le cinéma espagnol, un cinéma qui s’intéresse aux phénomènes de société comme Fragil.
Beli Martinez et Virginia Garcia regardent vers de nouveaux horizons
La mémoire du cinéma espagnol
Elles ont choisi les lieux où elles souhaitaient être photographiées et Oscar Fernandez Orengo s’est plié à leurs exigences avec délectation.
«Pour moi, c’est très important de garder une trace de ces endroits» souligne-t-il. «Je travaille comme un documentariste qui cherche à garder une mémoire de ces endroits intimes. Je me suis beaucoup inspiré d’Eugène Atget qui a photographié Paris dans les années 1920. Aujourd’hui, les paysages ont changé mais il reste ses photos».
Capter l’expression naturelle
Pour créer un lien de confiance, Oscar Fernandez Orengo prend le temps, avant chaque séance, de discuter avec elles.
«Ça permet de briser la glace et d’obtenir des photos plus naturelles» explique-t-il. «Je les laisse prendre leurs aises et quand je vois qu’elles prennent une attitude habituelle avec leurs corps. Je leur demande de poser pour moi».
Autrement dit. Il ne les dirige pas. Il se met à leur service. Par exemple, pour photographier Carla Simon, il est allé chez elle et elle lui a montré une porte en bois à laquelle elle tenait. Son père était architecte et il travaillait beaucoup le bois. Il a intégré cet élément dans la photo pour lui donner du sens.
«Je trouve que ça donne de l’émotion à la photo. Elle est esthétique mais surtout sentimentale »
Idem pour la photo de Roser Aguilar qui sert d’affiche à l’exposition. Elle a été réalisée dans la maison de ses parents qui venait juste d’être vendue. Oscar Fernandez Orengo s’est servi du décor pour montrer sa vraie personnalité.
«Regardez derrière elle, il y a une bâtiment en construction avec un cadre métallique et des fils qui pendent. J’ai trouvé qu’il y avait des similitudes avec sa carrière en pleine évolution»
Les 2 passions réunies
Ce métier, Oscar Fernandez Orengo, ne l’échangerait pour rien au monde. Il lui permet d’assouvir ses deux passions, le cinéma qu’il a commencé à étudier à Madrid, et la photographie qu’il a étudié ensuite à Barcelone. Ses premières armes, il les a faites avec Augustin Villalonga. Il a réalisé d’abord l’affiche d’un de se films, El mar, puis son portrait chez lui. C’est de là qu’est parti son idée de devenir le documentariste des cinéastes espagnols, leur mémoire photographique.
En tant que cinéphile, trois films l’ont marqué : El espiritu de la colmena (L’esprit de la ruche) de Victor Erice, Pepermint frappé de Carlos Saura et Tren de Sombra (Le train des ombres) de Jose Luis Guerin. Mais pour lui, le plus grand réalisateur de tous les temps, celui qu’il aime par dessus tout, c’est Luis Bunuel, qu’il n’a malheureusement pas connu car il était trop jeune.
À chaque fois qu’il a voulu faire le portrait de ses auteurs fétiches, il lui a fallu déployer beaucoup d’énergie pour décrocher un premier rendez-vous un et demi pour rentrer en contact avec Carlos Saura, 15 ans pour convaincre Victor Erice de lui ouvrir les portes de sa maison.
« Ce métier m’a appris à devenir patient et à ne jamais me décourager » avoue-t-il avec un léger amusement.
Rentrer dans l’intimité des gens, surtout lorsqu’ils et elles sont célèbres, n’est jamais facile. D’abord parce qu’ils et elles sont souvent très occupé·es, et qu’ils et elles ont peu de temps à consacrer à ce qu’ils et elles considèrent comme moins essentiel. Et ensuite parce qu’ils et elles sont soucieux·ses de préserver leur vie privée.
Mais une fois adopté et rentré dans leur cercle intime, les barrières tombent et les échanges peuvent s’avérer enrichissants. Oscar Fernandez Orengo se souvient de sa première rencontre avec Carlos Saura.
« Il m’a montré ses caméras, son studio, ses portraits photographiques. On s’est tout de suite bien entendu« .
Mais c’est lors du tournage du documentaire sur lui, Saura(s) de Felix Viscarret, qu’il a connu ses moments les plus forts.
« Je me souviens de nos conversations pendant les temps morts du tournage, dans sa loge. J’ai beaucoup appris avec lui. »
Savoir observer, trouver le regard juste qui cerne bien la personnalité. Le grand maître Carlos Saura cultivait cet art à la merveille. Oscar Fernandez Orengo s’en est inspiré pour devenir un portraitiste reconnu par la profession. Il y a ajouté sa touche personnelle en choisissant de contextualiser ses personnages dans leur décor et leur sphère personnelle. L’une de ses photos préférée, c’est Augustin Villalonga dans son bain qu’il a pris d’en haut.