9 mars 2018

Passages à l’art

Depuis le 22 février dernier et jusqu'au 17 mars prochain, l'ancien restaurant solidaire Pierre Landais s'est mué en espace d'art, manière de dire au revoir : la structure va être détruite mais la prestation de restauration à destination des plus démunis sera relogée dans un pôle dédié en 2019.

Passages à l’art

09 Mar 2018

Depuis le 22 février dernier et jusqu'au 17 mars prochain, l'ancien restaurant solidaire Pierre Landais s'est mué en espace d'art, manière de dire au revoir : la structure va être détruite mais la prestation de restauration à destination des plus démunis sera relogée dans un pôle dédié en 2019.

Les locaux de Fragil étant situés juste au-dessus du service expérimental MNA de l’ADPS (Agence Départementale de Prévention Spécialisée) qui propose des ateliers collectifs pour les Mineurs Étrangers Non Accompagnés, nous avons eu envie, justement, de les accompagner dans la visite de cette exposition intitulée « Les pas-sages à l’art. »

 

[aesop_image imgwidth= »60% » img= »https://www.fragil.org/wp-content/uploads/2018/03/100_475211.jpg » credit= »Alexandra Girard » align= »center » lightbox= »on » caption= »Ils sont guinéens, maliens, angolais, afghans, arméniens, camerounais… » captionposition= »center » revealfx= »off » overlay_revealfx= »off »]

[aesop_image imgwidth= »60% » img= »https://www.fragil.org/wp-content/uploads/2018/03/100_48161.jpg » credit= »Alexandra Girard » align= »center » lightbox= »on » captionposition= »left » revealfx= »off » overlay_revealfx= »off »]

Ils sont guinéens, maliens, angolais, afghans, arméniens, camerounais… Ils sont arrivés depuis peu en France, quelques mois, quelques semaines, et sont en attente de validation de leur statut. Sans famille, sans papiers ni ressources, ils sont logés et nourris dans un foyer et viennent les après-midis à la rencontre de deux éducatrices spécialisées pour apprendre le français, intégrer les codes de la vie en société ici, se divertir, s’exprimer… Le désœuvrement n’est pas une option.

La plupart n’avaient jamais mis les pieds dans une galerie d’art, et ne savaient même pas ce qu’est une exposition. Nous avons marché dans le quartier en chantier de l’Île de Nantes avec une vingtaine de jeunes gens au départ apparemment peu motivés par l’idée de cette sortie culturelle.

[aesop_image imgwidth= »60% » img= »https://www.fragil.org/wp-content/uploads/2018/03/100_475411.jpg » credit= »Alexandra Girard » align= »center » lightbox= »on » captionposition= »left » revealfx= »off » overlay_revealfx= »off »]

Arrivés sur place, à la vue des peintures recouvrant les murs, des sculptures et autres œuvres conceptuelles, à entendre les mots émanant d’un documentaire sonore, c’est comme si l’émotion engendrée par l’art avait éclos en eux.

Ces jeunes hommes qui semblaient circonspects, voire indifférents à l’initiative, se sont révélés curieux, l’un me posant la question sur l’identité de ce Pierre Landais (grand trésorier du Duc François II de Bretagne, il créa la première université locale et fut pendu en 1485 pour acte de concussion) ; un autre emprunta mon appareil photo et arpenta les lieux pour immortaliser ces créations éphémères : piles de vinyls, pièce remplie de pages de livres (œuvre signée Gilles Chef), photos, collages, graffitis…

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[aesop_image imgwidth= »60% » img= »https://www.fragil.org/wp-content/uploads/2018/03/poisson.jpg » credit= »Alexandra Girard » align= »center » lightbox= »on » caption= »Dessin réalisé par un des jeunes  » captionposition= »center » revealfx= »off » overlay_revealfx= »off »]

L’exposition aura pris un an de préparation et de collaboration entre un collectif d’artistes locaux et les usagers des lieux, les « pas-sagers » qui ont participé à des ateliers d’écriture, de danse, de vidéo… Et c’est le côté à la fois engagé et amateur, dédramatisant/démocratisant l’art, qui fait la modernité de cette proposition. L’endroit respire l’humanité.

[aesop_image imgwidth= »60% » img= »https://www.fragil.org/wp-content/uploads/2018/03/100_48251.jpg » credit= »Alexandra Girard » align= »center » lightbox= »on » captionposition= »left » revealfx= »off » overlay_revealfx= »off »]

En sortant, tous les visages étaient ouverts, souriants, ravis. Nous avons recueilli les impressions de quelques-uns d’entre eux par écrit, les voici :

« Aujourd’hui mercredi 7 mars 2018 à 15h, on a fait une expédition vers le restaurant Pierre Landais, devenu une salle d’exposition : il y avait plusieurs pièces dans lesquelles j’ai vu beaucoup de choses différentes, des photos de personnes, la sculpture d’une grue avec des fourchettes soudées, le croquis d’un poisson… Chaque chose avait une signification. » Signé Résistible*.

« Au cours de cette visite, nous avons trouvé beaucoup de choses : des dessins, de la peinture, des écritures, des bouquets de livres, des photos, des cartes postales. J’ai adoré ça […] c’était joli à voir. Une phrase écrite en rouge sur un mur m’a marqué : « viva la vida ». » Signé MIB*.

« C’est la première fois que je voyais un tel endroit, avec autant de choses étonnantes, de documents qui parlent de la vie et de l’Histoire. J’ai trouvé ça génial, j’ai passé une super journée. Merci. » Signé Bah. Ab*

[aesop_image imgwidth= »60% » img= »https://www.fragil.org/wp-content/uploads/2018/03/100_48221.jpg » credit= »Alexandra Girard » align= »center » lightbox= »on » captionposition= »left » revealfx= »off » overlay_revealfx= »off »]

L’exposition est accessible gratuitement les mercredis, vendredis et samedis de 14h à 17h au 16 rue Pierre Landais.

* Les témoignages sont signés sous pseudonymes.

Journaliste/correctrice/traductrice/blogueuse/heureuse maman, je redécouvre Nantes à travers le regard de mon fils né en Afrique, après avoir passé 3 ans à Londres à officier sur des fashion websites, puis 9 ans à Casablanca à œuvrer dans la presse généraliste aux rubriques mode, tendances, culture, lifestyle... Je me suis reconvertie dans la presse de proximité depuis...

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017