28 novembre 2024

Pays imaginaire : un évènement pour célébrer la double culture

Samedi 23 novembre a eu lieu au Cercle Louis XVI à Nantes, un concert de piano organisé et joué par Sarah Ferrat. Troisième édition nantaise pour ce concert et premier évènement de Studio Mektoub, nouvelle association fondée en juillet dernier par cette pianiste, ce moment avait pour but de sensibiliser aux patrimoines culturels diversifiés.

Pays imaginaire : un évènement pour célébrer la double culture

28 Nov 2024

Samedi 23 novembre a eu lieu au Cercle Louis XVI à Nantes, un concert de piano organisé et joué par Sarah Ferrat. Troisième édition nantaise pour ce concert et premier évènement de Studio Mektoub, nouvelle association fondée en juillet dernier par cette pianiste, ce moment avait pour but de sensibiliser aux patrimoines culturels diversifiés.

« Je viens d’un pays imaginaire […] C’est un lieu suspendu entre deux rives de la Méditerranée, un refuge intime qui échappe au temps. » Ce 23 novembre, avant de se laisser transporter par la mélodie du piano, Sarah Ferrat à travers un texte conté nous a plongé dans son histoire imaginée qui reflète son appartenance aux cultures française et algérienne au Cercle Louis XVI à Nantes.

L’art de la double identité

Une France double identitaire, c’est ce qu’à voulu représenter Sarah Ferrat à travers l’évènement Pays imaginaire. Au programme : un concert de piano, une exposition de l’artiviste Yasmina Bee, des petites histoires contées par Tatiana Lorenzo d’un texte écrit par Sarah Ferrat rythmant le piano et un buffet de diverses spécialités algériennes et du monde oriental. De quoi stimuler les sens pour mieux s’immerger dans ce pays imaginaire grâce à l’imagination de ces trois franco-algériennes nantaises. « Studio Mektoub veut mettre en avant toutes les doubles identités » explique Sarah. Mais pour cette édition ce sont les cultures franco-algérienne qui priment car, elle-même est née en France et fille de deux Algérien·nes. Le concert de piano mélangeait en improvisation des musiques classiques et jazz issues de la formation initiale de la pianiste, aux mélodies orientales, rappelant les sonorités algériennes.

Sarah Ferrat, organisatrice et pianiste, dans sa tenue traditionnelle algérienne.

Le cercle Louis XVI : dégentrifier l’accès au prestige.

Lors des concerts des éditions précédentes, Sarah raconte qu’il y avait « des gens issus de cultures différentes, de toutes les ethnies, toutes les religions qui, autour du buffet proposé, discutaient entre eux. » Originaire du quartier de Bellevue, où l’association est également basée, l’objectif était de « ramener les gens des quartiers populaires dans les quartiers plus aisés du centre-ville et voir un mélange de classe sociale » ajoute t-elle. Pour cet événement, on pouvait également observer ce brassage social dans le Cercle Louis XVI, situé proche de la cathédrale Saint-Pierre, un lieu qui a longtemps été prisé par les grands érudits nantais depuis le 19e siècle. « On aurait très bien pu prendre une salle de quartier à Bellevue, mais il y avait aussi cette volonté de rendre les choses crédibles. Parce que tout le monde a le droit de sortir dans des lieux un peu prestigieux », précise Sarah, étant déjà familière des lieux, sachant que les deux précédentes éditions avaient pris place au Cercle. Cet ancien hôtel permettait de créer un environnement mêlant le style haussmannien et oriental grâce à l’exposition de Yasmina Bee. L’artiste, présente dans le salon pendant l’entracte du concert, suscitait beaucoup de curiosité de la part des spectateurs, qui venaient l’interroger sur son travail. Dans ses œuvres, on aperçoit des chaînes brisées, des couleurs pastel, du collage et un mot important qui résonne dans l’ensemble de son art : « حريه » (huriya) soit liberté en arabe.

Buffet de spécialités algériennes, et du monde oriental

Rendre le piano accessible

Longtemps perçu comme un instrument réservé aux classes sociales aisées, le piano s’est révélé accessible à tous lors de l’événement Pays Imaginaire. Sarah Ferrat souhaitait casser l’image élitiste associée à cet instrument en proposant des mélodies simples et reconnaissables, ouvertes à tous les publics. « Je n’y connais rien au piano, mais j’ai beaucoup apprécié. On a même reconnu de la musique algérienne ! » témoignent Sherazade et Wahiba, venues assister au concert au Cercle.

Quelques personnes présentes se sont reconnues dans les paroles contées, bien que la musique d’elle-même ne leur transmette pas directement de message. D’autres, comme Karima, se sont laissé·es emporter par les sons : « J’ai ressenti beaucoup de nostalgie. C’est la première fois que j’assiste à un concert de piano, et ça m’a touché. J’ai voyagé avec elle », confie-t-elle.

Deux tableaux de Yasmina Bee dans le cercle Louis XVI.

S’ouvrir aux autres

Certain·es participant·es ont assisté à l’événement par curiosité, sans lien particulier avec la culture algérienne, découvrant des sonorités nouvelles et des perspectives inconnues de leur point de vue. Avant le dernier morceau de piano, on pouvait entendre à travers la voix de Tatiana Lorenzo : « Je vous invite à explorer le pays imaginaire de chacun, de vos proches et de vos voisins. Écoutez leurs récits ». Ce qui reflète le témoignage d’Anne, venue accompagner une amie de la mère de la pianiste, qui nous partage son ressenti : « Tous les gens qui ne résonnent que par à priori, qui pensent que les autres sont toujours mauvais, pas éduqués devraient venir voir cet évènement. C’est une intégration réussie, on ne fait jamais de reportage dessus, sur ce qui est bien autour de ces cultures, et là c’est réussi. La musique réconcilie tout le monde, tout le monde est représenté. » L’événement semble toutefois attirer surtout des personnes déjà sensibles à ces thématiques, bien que sa réussite et son caractère inspirant soient indéniables.

Le studio annonce travailler autour du partage d’autres identités culturelles présentes à Nantes à travers de nouveau évènements. En attendant, des vidéos et photos du concert seront disponible sur leur site web ainsi que d’autres éléments permettant de continuer à se plonger dans ce Pays Imaginaire.

Public pendant l’entracte dans le salon du cercle Louis XVI.

Si à 23 ans Loïs a déjà traversé l'Atlantique, visité trois pays avec son sac sur le dos et sa curiosité en bandoulière, c'est au bord de l'Erdre, à Nantes qu'elle préfère se retrouver plus que partout ailleurs, à l'écoute du clapotis de l'eau, son élément préféré.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017