15 juin 2021

Prendre conscience des stéréotypes dans les médias : des ateliers dans trois foyers de jeunes travailleurs à Nantes

Début juin 2021, l’équipe de Fragil est intervenue à Nantes et Rezé dans trois foyers de jeunes travailleurs; les FJT Jules-Verne, Grand-Voile, et Embarcadère; l’occasion d’animer des ateliers sur les stéréotypes, les préjugés et les discriminations que l’on peut relever dans les médias français.

Prendre conscience des stéréotypes dans les médias : des ateliers dans trois foyers de jeunes travailleurs à Nantes

15 Juin 2021

Début juin 2021, l’équipe de Fragil est intervenue à Nantes et Rezé dans trois foyers de jeunes travailleurs; les FJT Jules-Verne, Grand-Voile, et Embarcadère; l’occasion d’animer des ateliers sur les stéréotypes, les préjugés et les discriminations que l’on peut relever dans les médias français.

“Les médias véhiculent-ils des stéréotypes ?”, “Les présentateurs TV représentent-ils tous les milieux sociaux ?”, “Les rédactions comportent-elles autant d’hommes que de femmes ?” : voici des exemples de questions sur lesquelles les jeunes ont pu réfléchir pendant deux heures. Entre cinq et sept jeunes se sont réunis chaque soir.

Des jeux pour déconstruire les préjugés

Après une brève présentation de l’association, les jeunes se sont tour à tour présentés et nous ont expliqué leurs habitudes pour s’informer. Les animateurs de l’association Fragil, aidés par des bénévoles et des stagiaires, ont ensuite mis en place des jeux permettant de découvrir l’impact des préjugés dans les médias. La première activité, le ‘Pas en Avant’, consiste à donner à chaque participant une carte qui contient les principales caractéristiques d’un personnage fictif.

Cartes des personnages du jeu ‘Pas en Avant’

Se mettant dans la peau de leur personnage, les jeunes ont dû imaginer leurs pratiques quotidiennes. L’animateur énonçait des phrases telles que “J’ai les moyens d’acheter un journal tous les jours” ou “Je peux parler de qui je suis sur les réseaux sans crainte d’être attaqué”, et à chaque fois que les jeunes reliaient la phrase à leur personnage, ils devaient avancer d’un pas. A la fin du jeu, le personnage ayant le plus avancé était logiquement celui qui a le statut le plus favorisé (le chef d’entreprise blanc et marié). Cette activité permet de mettre en évidence les stéréotypes liés à chaque personnage. Par exemple, le personnage chef d’entreprise est souvent jugé riche alors que le salaire peut être très variable dans cette profession.

Après ce premier jeu qui a permis d’entrer dans le sujet, une clarification s’imposait quant aux termes ‘stéréotypes’, ‘préjugés’ et ‘discriminations’. Grâce à des exemples de situation et même si certains participants comprenaient mal le français, chacun a pu mieux comprendre les différences de définitions. Alors qu’un stéréotype est une idée reçue acceptée collectivement, un préjugé est un sentiment personnel d’un individu qui n’a pas les connaissances suffisantes pour évaluer la situation. Enfin, la discrimination consiste à traiter un groupe de personnes différemment des autres. Ci-dessous le classement des cartes selon ces définitions.

Discussion autour de contenus journalistiques

La suite de l’atelier consistait à montrer au groupe des extraits d’émissions télévisées, de radio, des articles de presse et des publicités. L’objectif était de s’interroger sur les buts des documents et sur les stéréotypes véhiculés par ces derniers. Les principales discriminations sujettes à discussion portaient sur la surreprésentation des hommes par rapport aux femmes, sur la grossophobie, ou encore l’hétéronormativité.

Exemple d’article de presse mettant en avant une femme sans même préciser son nom. Selon les participants, le titre de l’article aurait été différent si le nouveau directeur du Louvre avait été un homme.

Un bilan positif

Ces ateliers ont permis aux jeunes de se rendre compte de l’importance des médias dans la diffusion de stéréotypes. Les participants, grâce à leur implication et à leurs questionnements, ont pu se réapproprier la grille de lecture proposée pour mieux décrypter les contenus médiatiques qui s’offrent à eux. Même si certains jeunes étaient hésitants au départ, ils ont ensuite paru intéressés par les activités proposées, ce qui leur a permis d’aiguiser leur esprit critique sur les discriminations véhiculées dans les médias.

 

 

 

Zoé, Nantaise depuis toujours, étudiante et en vadrouille en Europe ;)

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017