3 février 2023

Quatre jours pour initier des pros à l’éducation aux médias

Pendant quatre jours, des professeur·es, animateur·ices jeunesses se sont glissé·es dans la peau de stagiaires, prêt·es à retourner en classe. Accompagné·es par Fragil, les participantes et participants ont pu acquérir de nouvelles connaissances et méthodes d'animation autour de la thématique de l'information en ligne. Retour sur ces deux sessions d'octobre et décembre 2022.

Quatre jours pour initier des pros à l’éducation aux médias

03 Fév 2023

Pendant quatre jours, des professeur·es, animateur·ices jeunesses se sont glissé·es dans la peau de stagiaires, prêt·es à retourner en classe. Accompagné·es par Fragil, les participantes et participants ont pu acquérir de nouvelles connaissances et méthodes d'animation autour de la thématique de l'information en ligne. Retour sur ces deux sessions d'octobre et décembre 2022.

Ils et elles étaient une dizaine à s’être inscrit·es aux quatre jours de formation proposés par Fragil et deux autres médias associatifs nantais, le Vlipp et Jet Fm. Constitué d’animateur·ices jeunesse, de professeur·es et d’une médiatrice numérique, le groupe a débuté son stage de quatre jours par un temps de formation en commun avec l’ensemble des stagiaires des deux autres structures, le jeudi 13 octobre 2022. Réunie dans une salle du MédiaCampus de Nantes, la trentaine de professionnel·les a assisté à une matinée d’ateliers pratiques sur différents formats : l’écriture journalistique, le cadrage vidéo et le flash radio.

Première réflexion sur le rôle des journalistes

La première demi journée des quatre jours d’ateliers se déroule donc en plénière, avec les stagiaires des autres médias associatifs porteurs du projet. Chacun des trois médias a donc un peu moins d’une heure pour proposer un atelier pratique. Dans ce cadre, Fragil propose à l’ensemble du groupe de se glisser dans la peau d’un·e journaliste grâce à un atelier d’initiation à l’écriture journalistique. Cet atelier, d’une vingtaine de minutes, permet aux professionnel·les de se questionner sur la création d’une information, à l’aide d’une mise en situation qu’ils et elles peuvent aisément mettre en place par la suite dans leurs structures.

La matinée se poursuit par l’animation d’un second atelier, dit de « débat mouvant« , sur la déontologie journalistique. Cet outilt d’animation, régulièrement utilisé par Fragil avec différents publics, permet de débattre de manière active en se positionnant dans l’espace. Parmi les phrases proposées dans ce débat mouvant, on retrouve par exemple  » les journalistes ne devraient pas donner leur opinion » ou encore « il faudrait un document officiel pour être journaliste ». Animé par deux animateur·ices de Fragil, ce temps est particulièrement apprécié par les stagiaires, plein·es d’entrain pendant le débat.

Avant la pratique, comprendre le fonctionnement des médias

La première journée de formation se poursuit cette fois-ci en groupe réduit d’une dizaine de personnes inscrites auprès de Fragil. Pour cette après-midi, c’est Romane Tirel, salariée de l’association, qui mène deux ateliers pour le groupe de professionnel·les.

Dans un premier temps les stagiaires ont assisté (et participé !) à un atelier de réflexion autour du modèle économique des médias. Dans une suite de consignes, les professionnel·les devaient créer un média quotidien généraliste fictif tiré à plusieurs milliers d’exemplaires. Après avoir trouvé un nom, les apprenti·es journalistes ont réfléchi aux dépenses puis aux différentes moyens d’apporter des recettes pour que ce média puissent être tiré tous les jours. Cet atelier permet d’aborder les différents modèles économiques des médias traditionnels : abonnement, vente, régie publicitaire, mécénat … Il permet enfin d’aborder la qualité des contenus journalistiques et leur lien avec les différents modèles économiques, un journaliste travaillant pour un média gratuit a-t-il le temps et les moyens logistiques de produire un article de grande qualité ? 

Pour clôturer cette première journée, les participant·es sont amené·es à réfléchir aux liens entre les médias et la politique. L’atelier, développé par Fragil, revient en premier lieu sur une définition commune des différentes valeurs de la droite et de la gauche. Par la suite, les stagiaires sont amené·es à réfléchir, lors de discussions, aux notions de liberté de la presse, de déontologie ou encore de ligne éditorial. A l’aide d’exemples concrets (voir ci-dessous), les participantes et participants analysent le traitement médiatique d’un même sujet à travers deux « une » différentes. A travers les choix éditoriaux et le traitement d’un sujet, il est plus ou moins facile de relever l’orientation politique adoptée par le média.

Une du magazine L’OBS, janvier 2018

Une du magazine Valeurs Actuelles, avril 2015

Expérimenter, enquêter, créer… quand les pros se prennent au jeu

Les trois autres journées de la Masterclass, en présence du même groupe de participant·es, ont été dédiées à la pratique du journalisme et à l’exploration du fonctionnement des réseaux sociaux. Animé en alternance par les deux animateur·ices de Fragil, les trois jours ont été organisées par demi-journées thématiques, à l’aide d’ateliers issus de l’éducation populaire.

Groupe de professionnel·les lors d’un atelier dédié aux réseaux sociaux

Réfléchies comme une suite d’ateliers liés les uns avec les autres, les journées de formation ont permis aux participantes et participants d’évoquer le fonctionnement économique des réseaux sociaux, le fonctionnement des algorithme, puis de créer par eux même un média sur Instagram. En un peu plus de trois heures, la dizaine de stagiaires a entièrement imaginé et créé ce média sourcé et alimenté d’articles, traitant du lieu de la formation, le MédiaCampus.

 

« On aborde des outils que l’on peut mettre facilement en place »

Par leurs métiers de professeur·es, animateur·ices ou médiatrice numérique, les participant·es ont réalisé avec aisance et enthousiasme cette création de média. L’écriture et la réalisation d’interview n’ont pas été considéré comme des obstacles pour elles et eux, contrairement à la plupart des élèves pour lesquels cet atelier est dédié. Cette facilité ne s’est cependant pas toujours retrouvé lors de la publication des articles sur Instagram, la plupart n’étant pas particulièrement familier·ères de la plateforme. « On aborde des outils que l’on peut mettre facilement en place » souligne une participante, un des objectifs souhaités par les animateur·ices. L’atelier de création de média sur Instagram, vécu par les professionel·les, permet aux journalistes du jour de proposer eux et elles mêmes par la suite cet atelier à leur propre public.

Capture d’écran du compte Instagram créé lors de l’atelier

Jusqu’au quatrième et dernier jour de formation, les professionnel·les se sont très largement pris au jeu des divers ateliers proposés. Une attitude très positive pour les animateur·ices de Fragil, ce qui a permis de développer une ambiance très chaleureuse au sein du groupe. Parmi les points positifs de ce stage, plusieurs participant·es retiennent une « bienveillance » au sein du groupe au moment des ateliers brise-glace, ou encore un groupe « mobile », « d’horizon divers ». Lors de la clôture de ces journées de formation, l’animatrice a proposé au groupe de résumer leur formation en utilisant le format meme en image. Une grande première pour les participant·es, qui se sont une nouvelle fois bien familiarisé·es avec ce support visuel.

Curieuse de tout et surtout de l'info, Romane (se) pose beaucoup de questions. Salariée de Fragil, elle écrit sur l'éducation aux médias et la musique actuelle !

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017