14 novembre 2024

Rencontre avec Maureen Louis, “le stand up permet de partager l’intime »

Entre deux passages sur scène nous avons rencontré Maureen, jeune stand-uppeuse nantaise. Avec elle on évoque ses liens fort à la discipline et à Nantes, mais également ses doutes, qu'elle choisit d'écouter et d'utiliser dans son travail.

Rencontre avec Maureen Louis, “le stand up permet de partager l’intime »

14 Nov 2024

Entre deux passages sur scène nous avons rencontré Maureen, jeune stand-uppeuse nantaise. Avec elle on évoque ses liens fort à la discipline et à Nantes, mais également ses doutes, qu'elle choisit d'écouter et d'utiliser dans son travail.

Humoriste à temps plein depuis 2 ans, Maureen a commencé le stand-up en 2020. À l’image de sa manière de travailler, cette ancienne graphiste dans la publicité transforme une période de remise en question suite à un accident de moto en véritable opportunité : elle décide d’écouter ses envies et de se tourner vers ce qui l’anime au fond, jouer.

De Bordeaux à Nantes

C’est dans cette optique qu’elle s’inscrit au Cours Florent, alors qu’elle vit à Bordeaux. Maureen y fait les bonnes rencontres, qui lui permettent de se lancer dans la création d’un spectacle et ce qu’elle aime particulièrement : l’écriture de blagues. Les choses s’enchaînent vite et ensemble iels montent un plateau avec plusieurs artistes, écrivent, testent…et après avoir flashé sur un lieu, l’aventure de l’Engrenage est lancée. “C’était un pari, car la salle était grande et pouvait accueillir une centaine de personnes. Mais finalement le public est venu, puis la semaine d’après, puis la suivante.” Elle ne quitte plus la scène après ça. En s’essayant ailleurs, dans d’autres salles, dans d’autres villes, elle a un véritable coup de cœur pour Nantes. “Les organisateurs nous ont extrêmement bien accueilli, ils nous ont logés pendant plusieurs jours, nous ont mis sur tous les plateaux de la ville, on a pu jouer toute la semaine … j’ai vraiment eu un coup de cœur pour non seulement la ville, mais pour tout le stand-up nantais, leur convivialité et leur façon de travailler.”

Cela fait maintenant 2 ans et demi que Maureen vit à Nantes et sa première impression ne fait que se renforcer. Très impliquée dans la team du Micro Comedy Club, figure de proue du stand up nantais, elle relève le dynamisme des rencontres et tout ce que cela lui inspire. Elle y trouve un véritable amour pour la discipline et une manière de travailler qu’elle partage, ainsi qu’une saine compétition avec beaucoup d’entraide. Des séances d’écriture qui peuvent se faire en groupe, aux retours après un passage sur scène, il y a toujours de la place pour proposer un conseil, une idée, l’autorisation d’essayer de nouvelles choses. “Il y a une belle camaraderie” témoigne l’humoriste.

Le stand-up, une vérité partagée

Le stand up pour Maureen c’est en toute simplicité le goût de la blague, de faire rire. C’est aussi la possibilité de pouvoir poser son regard sur ce qui la touche d’une manière bien personnelle : “J’aime l’idée d’être pertinente sur des sujets […] C’est aussi ça la chance que j’ai en tant que stand-uppeuse,  j’ai le temps dans ma journée de réfléchir à des sujets qui me touchent et dont j’ai envie de parler sur scène. De les approfondir, d’aller chercher des réponses et de les transformer en blagues.” Et l’important pour elle c’est de pouvoir le partager avec le public. De transformer ce qu’il peut y avoir de triste ou de violent pour en rire ensemble. De partager l’intime, pour se détendre ou se sentir soutenu : “Je me souviens combien de fois je me suis dit devant du stand-up ou d’autres formes d’art ‘Je ne suis pas toute seule’ C’est très agréable comme sensation, ça dédramatise beaucoup”.

Sur scène, elle cherche à être authentique. Pas de rôle de composition, elle se nourrit de son caractère, en forçant le trait, notamment sur les défauts, qui ont un bon pouvoir comique.  “Moi, je pars du principe que je veux dire la vérité sur scène, je veux être vraie.”

Mauren, MC aux soirées Lundi de merde au Poulp’.

Un travail quotidien

Son écriture, elle la travaille comme un muscle : “​​Tu écris, tu testes tu gardes ou tu jettes ou tu retravailles, tu réécris puis tu réécris puis tu réécris, c’est 90% de réécriture finalement. Tu affines et modules une idée, un peu comme de la glaise quand tu fais de la poterie. Tu pars avec une matière simple au début et plus tu joues plus tu la sculptes”. Le danger d’après elle, c’est de tout voir à travers le prisme du stand-up. Il est tellement intégré à son quotidien qu’il est facile de tout prendre pour de la matière potentielle. C’est pourquoi il est bon de faire des pauses parfois, de s’en détacher consciemment. “La matière s’alimente tout le temps, je suis stand-uppeuse à la ville et au travail, tous les jours.”

Elle n’oublie pas que ce métier reste un privilège : “Créer une œuvre et donner du bonheur aux gens sans forcément chercher la notoriété, moi je trouve ça génial.” Tout en relativisant elle évoque tout de même des moments durs, un travail qui demande beaucoup de persistance, de persévérance, d’acharnement…finalement très intellectuel et avec un grand besoin de recul. “Tu travailles des heures et des heures pour tirer une phrase, un mot, une virgule.” 

Un défi de légitimité

Comme dans beaucoup de secteurs, la place des femmes dans l’univers très masculin du stand-up pose question. Il est rare de tomber sur des plateaux qui respectent la parité et encore moins sur une line-up féminine. Il arrive même souvent que Maureen soit la seule programmée lors d’une soirée, ce qui n’aide pas à renforcer sa confiance en soi : “Le manque de légitimité et le syndrome de l’imposteur me traversent et le fait d’être une femme rend difficile le fait de prendre sa place un peu plus.” C’est pourtant bien une question qui agite les organisateur.rices qui tendent à féminiser la profession. Au Micro Comedy Club elle a travaillé à la mise en place d’une classe en mixité choisie, pour permettre aux femmes de se lancer. 

Actuellement en préparation d’une nouvelle version de son spectacle « Soleil », qui sortira l’année prochaine, Maureen affine ses blagues sur les nombreuses scènes de la ville et anime les “Lundi de merde” au Poulp’. 

À l'image de sa "to-do-list", de cet été, le parcours de Marion "ne fait que de s'allonger". Hier chargée de production dans l'audiovisuel et aujourd'hui journaliste pour Fragil, cette rennaise d'origine aime "la nouveauté", et n'a de cesse de sortir de sa zone de confort.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017